Dunkerque (Nord), correspondance particulière.
Avec 3 200 emplois en CDI à Dunkerque et 630 à Mardyck, auxquels s’ajoutent des centaines d’intérimaires et de sous-traitants à demeure, ArcelorMittal est de loin le premier employeur dans cette agglomération de 190 000 habitants. Serge Ballat, secrétaire du syndicat local CGT métallurgie de Dunkerque, lui-même électricien dans une entreprise qui travaille pour ArcelorMittal, estime que le nombre de salariés sous-traitants plus ou moins réguliers des deux sites est de 3 000 à 5 000.
Ces entreprises sont pour un bon nombre basées dans le Dunkerquois ou les Hauts-de-France, mais certaines viennent de bien plus loin. Selon lui, « ArcelorMittal a été obligé d’élargir son panel », car beaucoup sont échaudés par des délais de paiement qui atteignent cent vingt à cent soixante jours, là où « un contrat normal est à quarante-cinq ou soixante jours, exceptionnellement quatre-vingt-dix ».
Quand ArcelorMittal s’enrhume, le port tousse
La chaux et la castine qui alimentent les deux hauts-fourneaux dunkerquois proviennent du département voisin du Pas-de-Calais, où le groupe Carrières du Boulonnais (600 salariés) exploite une de ses sept carrières françaises. Cette matière première arrive à l’usine par train, via le triage de Grande-Synthe.
Si on y ajoute les expéditions d’acier qui transitent par cette même gare, « ArcelorMittal représente 80 % de notre activité », évalue Olivier Lefebvre, de la CGT cheminots, un des 120 agents qui travaillent encore au triage. Et si de plus petits clients locaux trouvent une place dans des « trains multilots », c’est parce que la rentabilité de ces derniers est assurée par la quantité importante de marchandises confiées par le sidérurgiste. « Cela permet aux petits chargeurs de bénéficier aussi du transport ferroviaire », résume Olivier Lefebvre.
Autre équipement logistique local fortement sollicité par les hauts-fourneaux et les lignes de laminage : le port de Dunkerque, qui compte 377 agents, mais « 30 600 emplois directs, indirects et induits », selon son bilan d’activité de 2023. Et quand ArcelorMittal s’enrhume, le port tousse.
Ainsi, en 2023, un des deux hauts-fourneaux dunkerquois a été mis à l’arrêt pendant de longues semaines, après une explosion intervenue fin mars. Résultat : le port a enregistré sur cette même année une baisse de 25 % de ses trafics de minerais. Soit environ 2 millions de tonnes perdues, sur une activité globale, tous trafics confondus, de 44 millions de tonnes.
La chaleur de l’acier produit utilisée pour alimenter un réseau urbain de chauffage
Beaucoup de gros clients de la région dépendent des livraisons du sidérurgiste. Parmi eux, l’usine Toyota, qui compte plus de 5 000 emplois dans le Valenciennois, dont 3 800 CDI. « C’est un client qu’on chouchoute, très exigeant sur la qualité », explique Ludovic Putter, de la CGT ArcelorMittal Mardyck. « Nous lui livrons un produit que tout le monde ne peut pas produire, de la tôle enduite de zinc, avec un grammage, une épaisseur et une rugosité exacts. »
D’autres utilisent des sous-produits de l’activité des sites de Dunkerque et de Mardyck. La centrale DK6 (groupe Engie) produit ainsi de l’électricité à partir de la combustion des gaz produits par les deux hauts-fourneaux. Soit deux fois 400 mégawatts, « l’équivalent d’une petite tranche nucléaire », confie Stéphane Avonture, délégué CGT sur ce site qui emploie 75 salariés. « C’est une ingénierie unique au monde, créée sur mesure. Si ArcelorMittal ne nous fournit plus de gaz, nous n’avons plus de raison d’être et pas de possibilité de conversion », insiste-t-il.
Quant à la chaleur de l’acier produit, elle est utilisée pour alimenter un réseau urbain de chauffage. Jusqu’à 2019 y étaient reliés 6 000 logements collectifs à Dunkerque, mais également des piscines, des collèges et lycées, le siège de la communauté urbaine de Dunkerque (CUD)… En 2020, il a été étendu pour desservir progressivement d’autres villes de l’agglomération, à commencer par la polyclinique, des immeubles et des bâtiments municipaux de Grande-Synthe.
Autre enjeu pour la CUD : le réseau de transports en commun DK’Bus, qui représente déjà « une subvention de 16 à 17 millions d’euros pour financer la gratuité des bus et le développement de l’offre », souligne Delphine Castelli, ajointe PCF à la mairie de Dunkerque et conseillère à la CUD. De son côté, Gaëtan Lecocq, de la CGT ArcelorMittal Dunkerque, évalue à 3 millions d’euros la somme annuelle versée par son employeur à DK’Bus. De quoi sérieusement compliquer l’équation si cette source de financement devait disparaître.
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