La party qui ouvre Oui rappelle celle de La Grande Belezza, de Paolo Sorrentino, sommet de vulgarité. Des fêtards dansent et boivent autour d’une piscine. Parmi eux, le chef d’état-major israélien et Y., musicien de jazz au comportement étrange – il plonge sa tête dans des saladiers de margarita et autres liqueurs. Peut-être une façon d’oublier les massacres commis par le Hamas le 7 octobre 2023. Ou de faire l’autruche, pour ne pas voir la guerre menée à Gaza par le gouvernement de Benyamin Netanyahou.
Oui est un film à la gueule de bois. Nadav Lapid, cinéaste israélien installé à Paris, a commencé le tournage un an jour pour après le 7 octobre 2023. Des vues sur Gaza montrent des colonnes de fumée, des explosions résonnent en fond sonore. À Tel-Aviv, Y. (Ariel Bronz) se promène à vélo le long de la mer avec son fils de 6 ans. « Résigne-toi, mon fils, le plus tôt possible. La soumission, c’est le bonheur », enseigne le musicien à son rejeton. À sa femme, Yasmine (Naama Preis, la compagne de Lapid), il promet : « On sera riches ». Y. a accepté de composer un nouvel hymne national, « pour la génération de la victoire ». Y. se promène parfois avec un canard sur l’épaule. Il aime Thelonious Monk. Il cite Groucho Marx : « Quoi que vous disiez, je ne suis pas d’accord. » Il glisse sur une peau de banane. Y. est un clown pathétique, entre haine de soi et dégoût des autres. « Les Israéliens ont grandi avec la question de savoir comment les hommes ont laissé faire ça et ils sont devenus la réponse », dit un personnage.
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Passer la publicitéOn croise des militaires, des financiers, un magnat de la tech, des chœurs d’enfants qui chantent la gloire d’Israël et l’anéantissement de Gaza. Sur des yachts ou sur la terre ferme, on s’enivre au champagne, on sniffe de la cocaïne dans la raie des fesses, on mange des morceaux de steak sous les tables, on se lèche les bottes, littéralement. Tout ça est plus pénible que subversif, plus brouillon que provocateur. Au début des années 2010, Lapid interrogeait déjà les dérives militaristes et nationalistes de son pays à travers des paraboles (Le Policier, L’Institutrice). Aujourd’hui, le cinéaste âgé de 50 ans creuse le sillon de l’autofiction mêlée d’agit-prop amorcée avec Synonymes, ours d’or à la Berlinale en 2019, et poursuivie avec Le Genou d’Ahed, en compétition à Cannes en 2021.
Oui n’a pas eu l’honneur de concourir pour la palme d’or cette année - la Quinzaine des cinéastes l’a récupéré in extremis. Les thuriféraires de Lapid ont crié au scandale, Ouin-Ouin au soutien de Oui. Amos Gitaï et Ari Folman perdus de vue, Lapid, conscience nécessaire mais piètre cinéaste, est l’une des rares voix dissonantes dans le paysage artistique israélien. Elle fait du bruit mais elle porte peu, confinant son cinéma pamphlétaire à un public confidentiel.
La note du Figaro : 2/4