"Man's Best Friend" : ironie féministe ou conservatisme déguisé ? Le nouvel album de la popstar Sabrina Carpenter scruté

À peine un an après la sortie de Short'n'Sweet et six nominations aux Grammy Awards (la cérémonie qui récompense les meilleurs artistes de la musique américaine), l'interprète d'Espresso a tenu un décompte haletant pour la sortie de ce nouvel album. Depuis vendredi 29 août, le nouvel album de la "petite blonde qui pèse lourd" - comme la décrit la journaliste spécialisée en culture, Mathilde Carton - est disponible. Un album très attendu par les fans mais aussi par les détracteurs de la star depuis la publication de la pochette de cet opus.

Une pochette provocante

Sur la première version de la jaquette de cet album dévoilée le 11 juin, Sabrina Carpenter, vêtue de noir, est à quatre pattes, à ses côtés, une silhouette masculine, à moitié hors champ lui tient les cheveux. Elle, a l'air un peu lascif. Une première image de ce nouvel album intitulé Man's Best Friend - Meilleur ami de l'homme, en français - qui a enflammé les débats sur les réseaux sociaux. Certains y voient un pied de nez féministe, d'autres, un retour en force du conservatisme.

Accusée par les uns de mettre en avant le male gaze - le regard masculin posé sur les femmes -, adulée par les autres pour se réapproprier les codes de cette objectivation du corps des femmes, la star, elle, ne s'est pas clairement justifiée. Sabrina Carpenter a seulement répondu en dévoilant de nouveaux visuels. Le premier d'entre eux estampillé "approved by god" - approuvé par Dieu, en français. Et depuis, la chanteuse se met en scène avec un chiot. Le chien étant souvent qualifié de meilleur ami de l'Homme.

La jeune star de la pop a pourtant plutôt l'air d'avoir une pâte féministe lorsqu'elle tourne ses chagrins d'amour en dérision ou humilie gentiment la fragilité masculine et certains comportements comme l'infidélité, dans ses chansons à l'image de la chanson Coincidence. Sabrina Carpenter capitalise aussi énormément sur son hypersexualisation qu'elle maîtrise et se réapproprie comme dans Juno ou Bed Chem, un titre sexuellement explicite où la chanteuse décrit une alchimie sexuelle entre deux partenaires.

L'album Short'n'Sweet est donc plein de références aussi sexy que drôles, qui font de la star "une Dolly Parton version 2025" décrit Mathilde Carton, "à la fois très intelligente, très crue et qui a un humour détonnant". Une identité de "Betty Boop" tout aussi présente dans le premier titre de ce nouvel opus : Manchild - littéralement homme-enfant en français - dans lequel la chanteuse américaine s'adresse à un homme immature qu'elle décrit comme "stupide ou lent" qui ne possède que "la moitié de son cerveau".

Alliée féministe ou conservatrice ?

Certains attendaient en tout cas la sortie de ce nouvel album comme une clarification des positions politiques de la star internationale mais pour Mathilde Carton, l'opinion de Sabrina Carpenter est déjà très claire. Man's Best Friend "reprend tous les ingrédients" de l'album précédent avec "une pop très rigolote, une imagerie glamour fifties un peu détournée" dans laquelle la popstar "se met en scène. On l'avait vu dans le cadre de la tournée précédente en porte-jarretelles à paillettes. Et là, maintenant, on continue dans la même lignée, avec des micro shorts en jean et une imagerie un peu cul mais sans être titillante".

Un imaginaire qui rend la star intéressante, selon la journaliste. "Elle joue une espèce d'érotisme qui n'est pas premier degré". Et avec cette pochette d'album "cette espèce de poupée, de pin-up de poche [la chanteuse mesure 1m52, NDLR] a un peu l'air de nous mettre au défi". Pour Mathilde Carton, la force de Sabrina Carpenter réside dans la question que le public se pose : "est-ce qu'elle est en train de jouer la soumission ou est-ce qu'à l'inverse elle est en train d'ironiser ? Est-ce qu'elle est en train de faire un commentaire sur l'industrie de la musique – qui a l'habitude de tenir ses pop stars en laisse - ou est-elle en train de jouer avec ça ?" À cette question, la spécialiste répond que "c'est quelqu'un qui est extrêmement intelligent et qui joue la viralité comme personne".

Preuve en est, en jouant "sur ce double registre", Sabrina Carpenter "a déjà fait parler de l'album avant même qu'on l'entende, donc ça, ça fait vraiment partie de son génie marketing". D'autant que "c'est quelqu'un qui a un physique qui ne dénote absolument pas dans l'Amérique MAGA [pour "Make America Great Again", slogan utilisé par Donald Trump et ses soutiens, NDLR] d'aujourd'hui. Elle joue sa féminité à fond", certes. Mais le public n'est pas dupe selon Mathilde Carton, "au vu des prises de position politiques qu'elle a eues. Elle reverse une partie des bénéfices de ses tournées à des assos LGBT par exemple". La chanteuse "petite et sucrée" - short'n'sweet, en anglais - "ne se laisse pas non plus absorber par ça. Au premier regard, vous vous dites qu'elle est parfaitement innocente cette fille. Elle peut s'adresser à tout le marché, républicain comme démocrate. Mais quand on commence à s'y intéresser un peu", on constate vite que la star n'est pas "happée par par tout le conservatisme ambiant" conclut la journaliste.