« Pour être libres dans ce monde, il faut être craints, pour être craints, il faut être puissants » : Emmanuel Macron veut une France militaire

L’étendard sanglant est levé. Une nouvelle fois, le peuple va se serrer la ceinture et voir les vendeurs d’armes s’engraisser. C’est en gros la conclusion du discours d’Emmanuel Macron aux armées, ce dimanche soir à l’hôtel de Brienne, à Paris. À côté du premier ministre François Bayrou, du ministre des Armées Sébastien Lecornu et devant un parterre de militaires et de parlementaires, le président de la République a gravement évoqué « un moment de bascule : sans doute jamais depuis 1945 notre liberté n’avait été si menacée ». Il a en outre appelé à une « meilleure prise de conscience de chaque français. Chacun doit être à son poste de combat », sacrifiant une nouvelle fois le social sur l’autel d’une dissuasion militaire qui n’empêche pourtant aucune guerre. L’homme qui a creusé la dette de la France de plus de 1 000 milliards d’euros, tout en détruisant les acquis sociaux et les services publics, a justifié cette hausse des budgets militaires par une « heure des prédateurs » avec « l’incertitude américaine, la volonté chinoise et la menace russe, du Caucase à l’Arctique, durable, à laquelle nous devons être capables de faire face ». Cette dernière est invoquée de tout temps, depuis la guerre froide comme le 20 janvier dernier, lors de ses vœux 2025 à l’armée.

Emmanuel Macron a donc demandé comme d’habitude aux Français et aux Européens des efforts, sans délaisser le lexique guerrier qu’il affectionne, que ce soit pour parler de la réforme des retraites ou de la lutte contre le Covid. « Il n’y a plus d’arrière et plus de front, les conflits sont multiformes, a-t-il plaidé. Il ne suffit pas de viser des pourcentages de budget, mais ce qui nous élève et nous unit, une forme d’âme, de détermination. Pour être libres dans ce monde, il faut être craints, pour être craints, il faut être puissants. » Pourtant, l’allocution du président de la République n’était qu’une suite de justifications à la hausse des budgets européens voulus par l’OTAN, soumis à l’administration Trump et à ses menaces de droits de douane. Les 5 % réclamés par ce dernier sont le « plus important renforcement militaire depuis la Seconde Guerre mondiale », déplore l’ancien eurodéputé Patrick Le Hyaric, et « un transfert colossal de richesses produites par les classes ouvrières et l’ensemble des travailleurs vers l’oligarchie capitaliste et le complexe militaro-numérique industriel ».

Pas de quoi freiner la fuite en avant guerrière d’Emmanuel Macron, qui veut « bâtir un vrai pilier européen de l’OTAN (…) car nous, Français, comptons demeurer libres ». Pour cela, un « effort historique, proportionné, indispensable » a été promis pour doter la loi de programmation militaire de 64 milliards d’euros en 2027 plutôt qu’en 2030. Soit 3,5 milliards d’euros de plus en 2026, et 3 milliards de plus en 2027. Qui passera à la caisse ? Le président de la République dit « refuser l’endettement », et prépare l’austérité en demandant « l’effort de toute la nation pour la défense de tous les Français ». L’avant-veille, le chef d’état-major Thierry Burkhard préparait déjà les consciences à cette économie de guerre, en évoquant lui aussi la fameuse « menace russe », reprise à l’unisson par les chaînes d’information en continu ce week-end. Il est inquiétant de noter que pour la première fois, les militaires ont participé à l’établissement du budget de la nation, que François Bayrou défendra ce mardi 15 juillet.

« Au milieu du chaos, vous êtes le dernier rempart », leur a déclaré le pensionnaire de l’Élysée, attendant « des propositions de la part du chef d’état-major qui me seront faites d’ici la fin d’année ». Il a également appelé à « acheter européen en masse », soulignant la « responsabilité majeure » de la France, seul pays « doté de la dissuasion nucléaire ». « Défendons notre liberté », « nous y arriverons », a-t-il répété plusieurs fois, saluant « le sens du patriotisme » et « l’acceptation du sacrifice » de celles et ceux qui s’engagent, avant de promettre un renforcement du service national universel et une mobilisation accrue des réservistes.

Il existe pourtant des voies de résistance à l’engrenage guerrier de l’OTAN dans lequel va se coincer la France. Emmanuel Macron pourrait s’inspirer du refus du premier ministre espagnol Pedro Sanchez de ces 5 % mortifères, ou suivre l’exemple démocratique du gouvernement slovène, qui proposera un référendum consultatif au peuple sur le sujet. Le peuple, qui vit l’inflation et la perte de pouvoir d’achat, qui est divisé de toutes parts, nié par un gouvernement autoritaire, se voit réclamer un nouvel effort belliciste. À la veille du 14 juillet, « héritage de la Révolution française, où les citoyens et les citoyennes ont victorieusement pris les armes contre le gouvernement du roi et pour protester contre le prix des grains et du pain. Ce soulèvement populaire marque le refus de l’arbitraire royal et l’envie de démocratie », rappelait justement le directeur de l’Humanité, Fabien Gay, dans son dernier éditorial.

Être le journal de la paix, notre défi quotidien

Depuis Jaurès, la défense de la paix est dans notre ADN.

  • Qui informe encore aujourd’hui sur les actions des pacifistes pour le désarmement ?
  • Combien de médias rappellent que les combats de décolonisation ont encore cours, et qu’ils doivent être soutenus ?
  • Combien valorisent les solidarités internationales, et s’engagent sans ambiguïté aux côtés des exilés ?

Nos valeurs n’ont pas de frontières.

Aidez-nous à soutenir le droit à l’autodétermination et l’option de la paix.
Je veux en savoir plus !