Guerre en Ukraine : quatre questions sur le possible envoi de troupes européennes de maintien de la paix, proposé notamment par Emmanuel Macron
L'idée d'une force européenne en Ukraine fait son chemin. Alors que le pays entre dans sa quatrième année de guerre à grande échelle contre l'invasion russe, plusieurs Etats européens sont prêts à y dépêcher leurs soldats en cas de cessez-le-feu. C'est en tout cas ce qu'a déclaré Emmanuel Macron, lundi 24 février, lors d'un échange à Washington (Etats-Unis) avec le président américain, Donald Trump. Outre la France, le Royaume-Uni, la Suède ou encore la Belgique sont prêts à participer, mais plusieurs zones d'ombre entourent encore cette hypothétique mission de maintien de la paix. Voici les principales questions qui se posent à ce sujet.
1 Qui soutient ce projet en Europe ?
A l'origine de cette idée, on retrouve la France et le Royaume-Uni. Emmanuel Macron a été le premier dirigeant européen, en février 2024, à évoquer la possibilité d'envoyer des troupes au sol en Ukraine. Il a depuis été rejoint par le Premier ministre britannique, Keir Starmer, qui a manifesté son intérêt pour le projet le 17 février. "Nous sommes prêts et disposés à contribuer aux garanties de sécurité pour l'Ukraine en envoyant nos propres troupes sur le terrain si nécessaire", a-t-il écrit dans une tribune(Nouvelle fenêtre). L'idée a également été évoquée lors de la réunion d'urgence organisée à Paris, mais sans déclaration commune des Européens à ce sujet.
Lundi, Emmanuel Macron a mentionné ce projet de façon officielle lors de sa rencontre avec Donald Trump à la Maison Blanche, tout en assurant que l'Europe était prête à "renforcer" sa défense, ce que réclame avec insistance le président américain.
Reste que pour le moment, l'heure reste à l'observation chez nombre de nos voisins. La Belgique et la Suède n'excluent pas de participer à cette mission, mais réclament des précisions sur son mandat. L'Allemagne juge ce débat "prématuré", l'Espagne estime qu'il est "trop tôt", alors qu'aucune négociation de paix entre les différentes parties n'a pour l'instant eu lieu. La Pologne se montre aussi très prudente sur ce dossier. Quant à la Hongrie et l'Italie, une telle mission n'est pas du tout à l'ordre du jour.
2 A quoi pourrait servir cette mission militaire en Ukraine ?
Lors de sa visite à Washington, Emmanuel Macron a posé quelques conditions au sujet de ce projet. Il a notamment déclaré que cette force servira exclusivement à vérifier que "la paix est bien respectée", dessinant au passage une esquisse de calendrier. "Quand on parle de troupes, on en parle le lendemain de la négociation d'une discussion de paix durable", a précisé le président de la République, qui a également réclamé des garanties de la part des Etats-Unis, en pleine volte-face de Donald Trump contre le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.
Emmanuel Macron a ainsi assuré que "la solidarité et le soutien américains" seraient "indispensables" en cas de déploiement "de forces de paix sur le sol ukrainien". Les Etats-Unis ont quant à eux exclu tout envoi de soldats. "Nous n'enverrons pas de troupes américaines en Ukraine", a tranché leur secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, le 11 février. Ce "soutien" réclamé par la France pourrait plutôt prendre la forme d'une "intervention à minima" des Américains, selon des sources diplomatiques consultées par franceinfo, à travers une protection de l'espace aérien de l'Ukraine par exemple.
3 Combien de soldats pourraient être envoyés sur place ?
Il est encore bien trop tôt pour donner un chiffre précis. Aux yeux de Volodymyr Zelensky, il faudrait au moins 200 000 soldats européens pour garantir la sécurité de son pays et éviter une nouvelle invasion russe. "C'est un minimum. Sinon, ce n'est rien", a-t-il prévenu dans un message diffusé fin janvier au Forum économique de Davos (Suisse). D'autres analyses estiment à 100 000, voire 50 000, le nombre de soldats nécessaires pour une telle mission. Pour l'instant, ni la France ni le Royaume-Uni n'ont précisé combien de leurs soldats pourraient y participer.
La zone de déploiement de cette mission reste aussi extrêmement floue. La Russie occupe actuellement environ 20% du territoire ukrainien, et refuse de rendre ces régions qu'elle a absorbées en septembre 2022. La dernière résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, votée lundi par Washington et Moscou, ne fait d'ailleurs aucune mention du respect des frontières de l'Ukraine.
Malgré ces incertitudes, de nombreux pays d'Europe ont récemment décidé d'augmenter leurs dépenses militaires. Du côté de l'Union européenne, on envisage aussi d'alléger les contraintes budgétaires des Etats membres. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a fait savoir le 14 février qu'elle allait proposer d'activer la clause de sauvegarde, qui permet aux pays de l'UE de dépenser plus en cas de circonstances exceptionnelles, sans se soucier des règles sur les déficits et les dettes publiques.
4 Comment la Russie réagit-elle ?
Moscou ne voit évidemment pas d'un très bon œil cette implication des pays européens dans une éventuelle après-guerre en Ukraine. "Cela nous inquiète, car nous parlons de l'envoi de contingents militaires, de l'envoi éventuel de contingents militaires des pays de l'Otan en Ukraine", a déclaré le 20 février Dmitri Peskov, porte-parole de la présidence russe, cité par l'agence Reuters. A quelques exceptions près, tous les pays d'Europe font partie de l'Alliance atlantique, régulièrement décrite par le Kremlin comme une menace existentielle pour la Russie.
Comme pour le reste des négociations sur le conflit en Ukraine, les échanges entre Moscou et Washington pèsent lourd sur le projet de force européenne. Lundi, Donald Trump s'est montré optimiste face à Emmanuel Macron, assurant que Vladimir Poutine était finalement d'accord avec cette idée. "Oui, il va l'accepter. Je lui ai posé la question", a lancé le président américain lors de l'échange. Sauf que cela reste à confirmer.
Mardi, le Kremlin n'a pas souhaité commenter ces déclarations, comme l'a rapporté Politico. "Notre position sur ce sujet a été exprimée par le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Je n'ai rien à ajouter", a déclaré Dmitri Peskov. Le 18 février, lors de pourparlers avec les Etats-Unis à Riyad (Arabie saoudite), le chef de la diplomatie russe avait tenu des propos sans ambiguïté : "Le déploiement de troupes de forces armées des pays de l'Otan, mais sous un autre drapeau, sous le drapeau de l'Union européenne ou sous des drapeaux nationaux, ne change rien. C'est bien sûr inacceptable".