Mercosur : les agriculteurs "ont raison d'être inquiets, cet accord n'est, en l'état, pas acceptable", déclare la ministre de l'Agriculture

Face aux négociations en cours sur l'accord de libre-échange avec le Mercorsur, les agriculteurs "ont raison d'être inquiets", estime jeudi 20 novembre sur France Inter la ministre de l'Agriculture Annie Genevard. "En l'état, il n'est pas acceptable, en raison des risques sanitaires et des risques économiques qu'il fait peser sur des filières qui sont pour nous stratégiques, comme le bœuf, la volaille, le sucre, l'éthanol. Donc, si effectivement cet accord devait être conclu en l'état, ce serait très mauvais, très préjudiciable à notre agriculture", affirme la ministre.

La Commission européenne veut obtenir avant le 20 décembre le feu vert des États européens sur cet accord commercial avec les pays latino-américains du Mercosur. Les agriculteurs français continuent de se mobiliser contre cet accord qu'ils voient comme une menace directe pour des secteurs comme la viande et le sucre. La France tente de convaincre d'autres pays de la rejoindre dans "une minorité de blocage" pour que le texte ne soit pas adopté. "Nous avons depuis un an travaillé à constituer une minorité de blocage. Elle n'est pas certaine. Et dans l'hypothèse où nous ne l'atteindrions pas, il nous faut absolument corriger les effets négatifs de ce projet d'accord", explique Annie Genevard.

La Commission a annoncé en septembre des mesures de sauvegarde renforcées pour les produits agricoles les plus sensibles, promettant une intervention en cas de déstabilisation du marché. Cette clause de sauvegarde a d'ailleurs été approuvée ce mercredi par les Vingt-Sept. "Nous avons demandé à la Commission européenne des précisions sur les conditions d'application de cette clause de sauvegarde mais c'est une avancée non négligeable, elle vise à protéger économiquement nos filières parce que, si nous ne sommes pas hostiles par principe aux accords de libre-échange, il nous faut quand même pouvoir mettre des freins d'urgence si jamais il y a une déstabilisation trop forte", réagit la ministre.

La France exige des "mesures miroirs"

Mais cette mesure "n'est absolument pas suffisante", souligne-t-elle. La France exige des "mesures miroirs" pour que toutes les règles imposées aux agriculteurs européens, notamment sur les pesticides, soient également respectées dans les productions qui seront importées du Mercosur. La ministre de l'Agriculture veut également un renforcement des contrôles, "à la fois dans les pays d'émission, dans les pays d'importation, et également aux frontières de l'Union européenne et en France".

Annie Genevard dit "comprendre" la colère des agriculteurs français. Ils "souffrent de se sentir en permanence remis en cause", décrit-elle. "Le problème du Mercosur, c'est que c'est un accord qui est mal né", observe la ministre. "C'est un accord des années 1990, à un moment où les conditions étaient totalement différentes. Aujourd'hui, le consommateur veut une alimentation saine, sûre et de ce point de vue, l'agriculture française est la plus vertueuse du monde, soutient la ministre. Et puis les agriculteurs veulent des accords équilibrés. Quand il n'y a pas de réciprocité dans les exigences que l'on a pour nos agriculteurs français par rapport aux agriculteurs des pays tiers, c'est une injustice profonde. Il n'y a pas un sujet aujourd'hui autre que le Mercosur qui suscite un tel rejet."