Manon Apithy-Brunet, médaillée d’or aux JO : « Investir moins de 0,2 % du budget de l’État dans le sport, ça me choque »

Première sabreuse française sacrée championne olympique et première escrimeuse tricolore titrée depuis Laura Flessel à l’épée, en 1996 à Atlanta (États-Unis), Manon Apithy-Brunet (29 ans) a fait vibrer le Grand Palais et toute la France lors des Jeux de Paris 2024. Signataire aux côtés de plus de 400 sportifs français de la tribune contre la baisse du budget du sport français parue dans l’Équipe, le 21 janvier, la bretteuse ne cache pas sa désillusion en constatant la diminution des crédits pour 2025, seulement six mois après les JO.

Quelle est votre réaction à la baisse du budget du sport français ?

De la déception. Avec les Jeux de Paris, on a vu une France unie, heureuse, qui a montré qu’elle pouvait être un pays de sport et on veut nous enlever tout ça ? Je ne comprends pas. À la rentrée de septembre, beaucoup d’enfants et même des adultes ont frappé à la porte des clubs, mais beaucoup ont été obligés de refuser du monde car ils n’avaient pas le personnel nécessaire. Et, au lieu d’aider les clubs, on décide de réduire le budget du sport en France…

On sait que la sédentarité est un problème aujourd’hui, que les enfants passent leur temps devant les écrans. La réussite des JO représente un formidable levier pour la santé puisque les enfants ont voulu s’inscrire dans des clubs et, au lieu d’en profiter, on envoie le signal inverse…

Avec des subventions en moins, des clubs vont fermer, d’autant que l’aide aux collectivités est en baisse aussi…

Les clubs sont en permanence à la recherche d’aides financières pour vivre, proposer des entraîneurs, etc. Le club où j’ai commencé l’escrime, à Rillieux-la-Pape (Rhône), est endetté. C’est de plus en plus compliqué. La ville l’aide depuis des années, mais j’ai peur qu’avec ces coupes budgétaires ce club – qui m’a permis de devenir championne olympique – ne s’éteigne comme beaucoup d’autres…

À l’école, cette décision budgétaire aura aussi un impact avec moins d’éducateurs formés pour encadrer des pratiques alors que l’activité physique est importante pour les jeunes…

En 2024, on a entendu beaucoup de discours politiques pour plus de sport à l’école. C’est même devenu une grande cause nationale. Il fallait bouger, faire trente minutes de sport par jour… Et en 2025, c’est déjà oublié ? C’est vraiment dommage. J’ai le sentiment que le gouvernement a tout fait pour que les Jeux de Paris 2024 soient une réussite et je les en remercie, il y a eu beaucoup communication et une fois le pari des JO réussi, on oublie un peu vite l’importance du sport pour les jeunes.

Vous avez l’impression que ces Jeux ont laissé un héritage ?

Après les Jeux, on a entendu parler de parenthèse enchantée et ça m’énervait parce que les Français, comme moi d’ailleurs, rêvent toujours de Paris 2024. Mais finalement, avec ce qui s’est passé depuis, la parenthèse enchantée s’est refermée en effet… L’héritage a été évoqué à la rentrée, histoire de dire qu’on allait faire des choses, mais, en fait, c’est quoi l’héritage ? Pas grand monde ne sait… Tout s’est terminé à la fin des jeux Olympiques et Paralympiques.

Avec la baisse du budget des Sports, la chaîne du haut niveau pourrait en pâtir, les athlètes seront moins bien accompagnés, ça vous inquiète ?

C’est une évidence et on le sent déjà… J’en parle avec des médaillés olympiques et beaucoup sont assez surpris des coupes budgétaires, ils constatent déjà qu’il y a moins de moyens mis dans le haut niveau qu’avant les Jeux. Des aides avaient été mises en place pour les Jeux de Paris, mais une fois l’événement organisé, c’est du passé. On est impacté comme le reste des Français. Heureusement, on a quelques partenaires, des sponsors qui ont tellement vibré qu’ils veulent continuer…

Le sport, c’est aussi le vivre-ensemble…

On l’a bien vu avec les Jeux. Le vivre-ensemble, c’est une France unie, heureuse et qui s’entraide. Il n’y a que le sport qui est capable de rassembler autant, alors pourquoi on ne s’en sert pas ? Cet été, j’avais vraiment à cœur de réussir les Jeux au Grand Palais parce que je me disais : « Il faut que je montre mon sport, parce que mon sport je l’aime et j’ai envie que les gens le découvrent ! » Alors, oui, les gens l’ont découvert, mais beaucoup ne peuvent même pas trouver de clubs pour les accueillir et s’y essayer en fait…

Le budget des Sports représente moins de 0,2 % du budget de l’État, qu’est-ce que ça vous inspire ?

Ça me choque. Je ne comprends pas qu’on mette si peu dans quelque chose de si important dans la vie. Pour moi, le sport c’est comme la culture, ça fait du bien aux gens. Le sport devrait bénéficier des mêmes crédits (4 milliards – NDLR). Quand on va dans des clubs de sport, on se découvre, on apprend à connaître d’autres personnes, ça ouvre plein de perspectives…

Le sport contribue aussi à l’éducation pour ceux qui sont en échec scolaire. Le sport, c’est l’école de la vie. Il m’a permis, au-delà de devenir championne olympique, d’être la personne que je suis aujourd’hui, de prendre confiance en moi, de relever des défis, créer du lien, travailler en équipe… On ne peut pas tout apprendre à l’école. Investir moins de 0,2 %, ça montre l’intérêt du gouvernement pour le sport.

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