"L'argent de ma médaille m'a permis de continuer" : un an après le titre d'Aurélie Aubert, les Jeux de Paris ont-ils changé la vie des para-athlètes ?
Son sourire a marqué les Français. En remportant l'or paralympique, il y a tout juste un an, le 2 septembre 2024, aux Jeux de Paris, Aurélie Aubert a porté la boccia, un sport exclusivement paralympique, sur le devant de la scène, et par là même, durablement installé le parasport en haut de l'affiche. À travers son exploit, la France a vibré et a, dans la foulée, adopté cette para-athlète, que rien ne prédestinait à briller sportivement. "Je n'aimais pas la boccia, on m'a appâtée avec des petites boules de chocolat", souriait-elle juste avant ces Jeux à domicile.
À l'heure de parler héritage post-Jeux, son nom est toujours en haut de l'affiche. "On se souvient tous de la belle médaille d'or d'Aurélie Aubert pour l'équipe de France, réagissait la présidente du Comité paralympique et sportif français (CPSF), Marie-Amélie Le Fur, il y a quelques semaines auprès de franceinfo: sport. Et, au travers de son exploit sportif, de son parcours de vie, des témoignages qu'elle a pu transmettre dans les médias, elle a ouvert le champ des possibles pour d'autres personnes en situation de handicap, ce qui s'est concrètement traduit dans la dynamique de sa discipline". Avec en effet, des inscriptions en hausse de plus de 20% dans cette discipline jusqu'alors confidentielle, les chiffres ne sauraient mentir. Mais n'est-ce pas l'arbre qui cache la forêt de l'héritage en matière de parasport ?
Des athlètes de haut niveau mieux reconnus ?
"Ma vie quotidienne n'a pas forcément changé mais il y a quand même un petit plus, a confié Hakim Arezki, champion paralympique français de cécifoot en 2024 à Paris, lors de la soirée des Champions du CNOSF en juillet. On ressent un engouement nouveau autour du handisport et ça fait plaisir. On a un peu plus de visibilité, un peu plus de soutien, un peu plus de médiatisation", a-t-il énuméré, admettant quand même qu'il était compliqué de comparer "parce qu'avant, on n'avait rien".
"Oui, bien sûr, on me reconnaît plus et puis, c'est surtout que depuis un an, ça m'a permis de continuer à faire de la boccia parce que sans mon titre paralympique, j'aurais arrêté le haut niveau. C'est l'argent de la médaille qui m'a permis de continuer un an de plus."
Aurélie Aubert, championne paralympique de bocciaà franceinfo: sport
Une aventure qu'Aurélie Aubert devrait continuer encore en 2026, elle qui a obtenu sa qualification pour le Mondial qui aura lieu à Séoul en septembre prochain, grâce à son titre de championne d'Europe décroché en juillet. En revanche, les Jeux de Los Angeles en 2028 sont encore loin. "On ne s'y projette pas du tout pour l'instant avec Claudine [sa coach et assistante de vie], confie la championne paralympique âgée aujourd'hui de 27 ans. Pour l'instant, il nous reste encore deux compétitions cette année, un Challenger et une World Cup. L'un au mois d'octobre en Sardaigne et l'autre au Portugal en novembre. Ensuite le championnat du monde l'an prochain."
Un héritage poussif côté sponsors et budget
Une projection limitée due à des problèmes financiers ? Pas si l'on en croit le site officiel de Ferrero qui assure que "le 18 décembre dernier, le programme Kinder Joy of Moving de Ferrero devenait officiellement le sponsor d'Aurélie Aubert", afin "de soutenir Aurélie dans le financement de sa carrière, ses déplacements, son matériel". Un partenariat que la principale intéressée ne préfère pas commenter. "Je n'ai pas le droit d'en parler", glisse-t-elle à franceinfo: sport.
Sur son site, l'entreprise, géant du chocolat, précise aussi être devenue "partenaire de la Fédération française handisport, permettant d'organiser différents évènements afin de sensibiliser les plus jeunes à l'inclusivité dans le sport et la pratique handisport". Une décision à contre-courant de la majorité des sponsors ayant répondu à l'appel des Jeux, selon Marie-Amélie Le Fur, qui a regretté un "engouement qui s'est un peu éteint en période post-Paralympiques".
"Même si l'Etat a décidé de maintenir les mêmes importants moyens déployés lors de la dernière paralympiade, qui avaient été quadruplés, dans l'objectif des Jeux de Los Angeles en 2028, ce retrait assez important des partenaires privés met en difficulté certains de nos athlètes paralympiques."
Marie-Amélie Le Fur, présidente du Comité paralympique et sportif françaisà franceinfo: sport
Un constat que dressent également les athlètes olympiques dans des sports moins exposés médiatiquement. "L'héritage est un peu poussif, considère Enzo Lefort, l'escrimeur bronzé en fleuret par équipes aux Jeux de Paris. Beaucoup d'athlètes se sentent délaissés, des athlètes qui ont performé, qui ont dû se dire que participer aux Jeux, faire des résultats, des médailles pourraient leur assurer un avenir, ou au moins, une sérénité pour pratiquer leur sport, mais on voit que ce n'est pas le cas", regrette-t-il.
"Pour nous, je pense que le meilleur héritage se passe sur l'aspect immatériel, positive de son côté, Hakim Arezki. Les Français ont montré qu'ils pouvaient vivre ensemble et bien vivre ensemble pendant cette durée des Jeux." Et de souligner l'importance du changement de regard sur le handicap, un "héritage sociétal", plaide-t-il. "Personne ne connaissait le cécifoot, enfin peu. Et grâce à cette compétition sous la tour Eiffel, tout le monde a déjà entendu parler du cécifoot. C'est pareil pour la boccia. Grâce à Aurélie, désormais, tout le monde connaît la boccia. Et ça, c'est un bel héritage."