«Tromperie sur la marchandise» : l’augmentation du budget alloué à l’aide médicale d’État ne passe pas

C’est une ligne du budget 2025 qui ne passe pas inaperçue. Alors que l’heure est aux restrictions budgétaires, l’augmentation de l’enveloppe dédiée à l’aide médical d’État (AME), qui permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’une prise en charge à 100% des soins médicaux, fait grincer des dents. Dans le projet de loi de finance (PLF) pour 2025, il est en effet question d’«assurer l'accès aux soins aux personnes en situation irrégulière dans une visée sanitaire et humanitaire», pour un coût de 1,3 milliard d’euros. L’an passé, cette mission avait déjà coûté un peu plus de 1,2 milliard d’euros à l’État, soit 0,5 % des dépenses de santé inscrites dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Une hausse très contenue, qui pose toutefois problème à certains élus politiques, et ce, dans un contexte où une réforme du dispositif, afin d’en restreindre les accès, est prévue.

«Le budget de l’Aide Médicale d'État pour les migrants augmente. Pendant ce temps, le gouvernement baisse le remboursement des consultations médicales pour les Français», s’offusque le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti sur Twitter, affirmant au passage que «seule l’union des droites supprimera l’AME et réduira les dépenses liées à l’immigration». À son côté, le député de l’Hérault Charles Alloncle en remet une couche : «pour que les illégaux puissent avoir accès, via l’AME, à toujours plus de soins gratuits, le gouvernement diminue le remboursement des consultations des Français». Et d’ajouter, telle une punchline : «en France, pour être soigné à moindres frais, il vaut mieux violer la loi qu’être un honnête citoyen».

Même son de cloche du côté du Rassemblement national (RN). «La préférence étrangère, c’est maintenant», tempête le député de la Moselle Alexandre Loubet. Le vice-président du groupe RN à l’Assemblée nationale regrette à son tour que le gouvernement fasse des économies en réduisant le remboursement des consultations chez le médecin, «mais augmente le budget de l’AME», qu’il définit comme étant des «soins gratuits pour les clandestins». De fait, ce dispositif permet la prise en charge médicale des personnes en situation irrégulière, à condition qu’elles résident en France depuis plus de trois mois et que ressources soient faibles et n’ouvrent pas droit à la couverture du système de droit commun.

De son côté, Bruno Retailleau - fraîchement nommé ministre de l’Intérieur - ne cache pas son ambition de réformer l’AME, et même de la transformer en Aide médicale d’urgence (AMU), afin d’en réduire son action aux actes médicaux les plus vitaux. Dans une interview accordée au Parisien, il a notamment expliqué qu’il trouvait «injuste» de «demander des efforts aux Français» et pas «aux étrangers». La semaine dernière, la ministre de la Santé et de l’Accès aux soins Geneviève Darrieussecq avait elle écarté toute modification du dispositif instauré par Lionel Jospin en 1999, qu’elle a dépeint sur France Info comme «une assurance sur la santé des Français pour éviter certaines contagions». 

Vers le renforcement des contrôles

Ce dispositif - dont la nécessité sanitaire a récemment été soulignée par la mission de Claude Evin et Patrick Stefanini - «contribue à préserver l’ensemble de la population de risques épidémiologiques et sanitaires», a rappelé l’État dans son projet de loi. Selon le texte de Bercy, les crédits ouverts en projet de loi de finances «s’élèvent à 1,3 milliard d’euros dont 1,2 milliard d’euros au titre de l’AME et 100 millions d’euros au titre des soins urgents et vitaux pour les personnes qui ne peuvent justifier d’un droit à l’AME».

Ces crédits tiennent compte de l’effet des mesures mises en œuvre depuis plusieurs années «en vue de renforcer les contrôles et la lutte contre les abus et détournements de cette prestation», précise le projet de loi, qui cite le «dépôt physique des demandes d’AME en caisses primaires d’assurance maladie (CPAM)» ainsi que l’«accès à la base de données Visabio» qui permet aux caisses de s’assurer que des étrangers, en situation régulière et devant être couverts par leur État d’origine ou une assurance privée, ne puissent pas bénéficier de l'AME ou des soins urgents. Autant de dispositifs de contrôle et de lutte contre la fraude qui seront «renforcés afin d’assurer une gestion rigoureuse de ce dispositif».

Face au risque de voir l’AME être restreinte ou supprimée, huit anciens ministres de la Santé, dont les trois derniers François Braun, Olivier Véran et Agnès Buzyn, avaient co-signé une tribune dans Le Monde fin septembre, mettant en garde sur les conséquences que pourrait avoir la remise en cause de ce dispositif. «Nous nous associons pour rappeler l’importance du maintien de l’aide médicale d’État (...) Affaiblir l’AME, c’est exposer notre système de santé à une pression accrue de prises en charge plus tardives et donc plus graves et plus coûteuses», avaient alerté ces personnalités issues de différents partis politiques, essentiellement du bloc central. «L’AME est par ailleurs la prestation sociale suivie par l'Assurance-maladie avec le taux de contrôle le plus élevé, et fait l’objet d'une attention toute particulière», avaient-ils rappelé.