La justice doit trancher sur le permis de construire accordé pour un grand parc photovoltaïque à Valderoure mais contesté par des habitants qui craignent la pollution d’une réserve d’eau.
Passer la publicité Passer la publicitéUne trentaine d’habitants de l’arrière-pays grassois se sont retrouvés, mercredi matin, au tribunal administratif de Nice pour une audience «très attendue», dixit le président face à une salle comble, concernant un grand projet controversé de parc photovoltaïque dans la commune de Valderoure. La majorité est restée debout dans le fond, faute de place, mais Mélodie Lamotte d’Incamps était bien assise au premier rang.
C’est elle, désormais à la tête d’une association de 200 adhérents, qui a déposé il y a quatre ans ce recours contre le permis de construire accordée par la préfecture à la société Solaire D015, une filiale d’Engie Green. Des panneaux solaires sur une vingtaine d’hectares doivent être installés sur le plateau de Chandy, près des parcs naturels des Préalpes d’Azur et du Verdon, au croisement des trois départements du Var, des Alpes-Maritimes et des Alpes-de-Haute-Provence.
Passer la publicitéCe bout de terre est devenu le combat de cette propriétaire d’un vaste domaine familiale à proximité mais aussi celui d’habitants stupéfaits que l’on puisse venir dénaturer ce paysage. Au-delà du cadre bucolique et verdoyant entre pins, chênes et rivières, ils s’inquiètent pour les failles naturelles de ce plateau karstique qui filtrent l’eau pour la source des Bouisses, une eau potable alimentant une dizaine de communes alentour. Selon les détracteurs, les travaux et la pose de panneaux solaires sur des châssis allant de 80 centimètres à trois mètres abîmeraient cette terre calcaire et pollueraient à terme le ruissellement de l’or bleu.
Près de 500 avis négatifs
Charge à la justice de trancher car la préfecture maralpine avait de nouveau accordé un permis rectificatif en août dernier et ce malgré une enquête publique qui avait recueilli près de 500 avis négatifs et une étude complémentaire toujours contestée. «Une participation exceptionnelle», en a convenu le rapporteur public, mercredi. Les opposants ont alors fourni leur propre étude, laissant désormais le soin au tribunal de décider du vrai du faux dans cette bataille d’experts aux éléments assez techniques.
Mais le rapporteur public a défendu un rejet sur le fond de la requête des détracteurs, estimant que l’étude complémentaire n’avait «pas sous-évalué les risques du projet» et que le préfet n’avait en ce sens «pas commis d’erreur manifeste» en accordant pour la deuxième fois un permis de construire à la filiale d’Engie.
«On se contente de relevés ponctuels qui ne disent rien. Aucune investigation n’a été menée sur le terrain», a dénoncé Me Antoine de Lombardon en défense de Mélodie Lamotte d’Incamps. «Ce projet entraînera une transformation irréversible de ce plateau avec un risque d’incendies encore plus important», a-t-il ajouté. «La manifestation populaire ne doit pas décider si le projet est légal ou non», a répondu Me Éléonore Kerjean-Gauducheau pour la société d’énergie, assurant que «des relevés et un suivi de la turbidité des eaux seront réalisés».
«Risque marginal»
Dans ce dossier, le maire de la commune de Valderoure, Bernard Roux, semble un peu seul face à ses administrés à défendre l’installation de ces panneaux solaires. Il faut dire que cette production d’électricité verte lui permettrait aussi de récupérer de l’argent pour le village. «Le seul risque, mais il est marginal, c’est pendant la phase de travaux, mais il peut être prévenu», a soutenu son avocat Me Jean-Charles Orlandini, assurant que le captage d’eau faisait ensuite «l’objet d’une autre filtration».
Passer la publicitéSix autres recours ont été déposés contre ce parc photovoltaïque, devenu le symbole d’une «ruée vers l’or» pour Mélodie Lamotte d’Incamps, qui estime qu’il faudrait «50 projets comme celui-ci pour que cela soit rentable». À Levens, un projet similaire mais de moindre ampleur avait aussi fait polémique et la justice l’avait suspendu.
À la fin de l’audience, un habitant a pris la parole, se présentant comme un «buveur d’eau» auprès du président qui lui a malgré tout laissé la parole, preuve de la discorde et de l’émoi que suscite ce parc photovoltaïque. «Ils ont édulcoré le projet : son raccordement n’a pas été pris en compte et dix communes concernées n’ont pas été interrogées», a-t-il lancé. Brièvement applaudi, le président a rappelé qu’on n’était «pas au spectacle» mais la décision qu’il doit prendre va être attendue tout autant que cette intense audience. Réponse début janvier, a-t-il indiqué.