Euroligue - Final Four : la folle ascension de Monaco grâce à un improbable trio russo-ukrainien
Pour la deuxième fois de son histoire, Monaco est présent au Final Four de l’Euroligue de basket. Double champion de France en 2023 et 2024, le club de la Principauté va tenter, du vendredi 23 au dimanche 25 mai à Abu Dhabi, de remporter la plus prestigieuse des compétitions européennes. Un exploit que seul le CSP Limoges a réussi dans l’histoire du basket français. C'était en 1993. Une éternité.
Lors de sa première participation à un Final Four en 2023, Monaco avait fini à la troisième place. La "Roca Team" – le surnom de l’équipe – tentera donc de faire mieux en créant l’exploit. D’abord face au favori de la compétition, le club grec de l’Olympiakos, puis face au vainqueur de l’autre demi-finale qui doit opposer le club grec du Panathinaïkos, champion d’Europe en titre, au club turc de Fenerbahçe.
La saison de l'Euroligue, la plus prestigieuse des compétitions européennes, se conclut par un Final Four, habituellement organisé dans une ville européenne. Celui-ci se déroule sur un site unique, le temps d’un week-end, avec les demi-finales disputées le vendredi soir et la finale le dimanche soir.
Cette année, les demi-finales opposent vendredi le Fenerbahçe au Panathinaïkos (17 h, heure française) et l’Olympiakos à Monaco (20 h). Dimanche, les perdants joueront le match pour la troisième place (16 h) et les gagnants s’affronteront pour le titre suprême lors de la finale (19 h).
Pour la première fois de son histoire, le Final Four se disputera hors d’Europe. Abu Dhabi, et plus largement les Émirats arabes unis et le Moyen-Orient, constituent un marché à conquérir pour l’Euroligue, par ailleurs menacée par la volonté de la NBA de lancer une ligue européenne, tandis que la capitale des Émirats poursuit sa diplomatie sportive.
Abu Dhabi a ainsi mis sur la table 50 millions d’euros pour accueillir l’évènement, selon le site spécialisé Eurohoops. Les quatre journalistes de France 24 présents sur place pour couvrir le Final Four ont été invités par l’Office de tourisme d’Abu Dhabi.
Voir un club français viser le titre de l'Euroligue était devenu impensable depuis le milieu des années 1990, mais le club de la Principauté a changé la donne en un temps record, le tout grâce à un improbable trio russo-ukrainien.
"Monaco a connu une ascension éclair qui donne un coup de projecteur sur l’ensemble du basket français. Et quand on voit les absents de ce Final Four, comme le Real Madrid ou le FC Barcelone, il y a de quoi être fier. C’est une très belle réussite qui a un effet locomotive pour les autres clubs français, même si, bien évidemment, son succès repose sur un modèle particulier avec un mécène", affirme Philippe Ausseur, président de la Ligue nationale de basket (LNB).
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Ce mécène s’appelle Aleksej Fedoricsev, un Russo-Hongrois de 69 ans à la tête d’une fortune personnelle qui se chiffre à plusieurs centaines de millions d’euros, acquise grâce à la société Fedcom, leader mondial du souffre et des engrais, mais aussi très présente dans le secteur des céréales.
Unité et soutien à l’Ukraine
Présent depuis une trentaine d’années sur le Rocher, notamment comme sponsor maillot du club de football de l’AS Monaco, Aleksej Fedoricsev est devenu en janvier 2022 – tout juste un mois avant l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie – l’actionnaire majoritaire du club de basket et a, dans la foulée, succédé comme président à l’homme d’affaires ukrainien Sergey Dyadechko.
Ce dernier avait déjà permis à Monaco, d’abord comme actionnaire puis comme président, de connaître une ascension fulgurante entre 2012 et 2015, faisant passer le club de la Nationale 2 (la quatrième division française) à la Pro A (la première division) en seulement quatre ans. Et s’il a laissé son fauteuil à Aleksej Fedoricsev, tout en restant actionnaire minoritaire et vice-président, son bras droit, l’Ukrainien Oleksiy Yefimov, est toujours bien présent comme directeur exécutif.
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Originaire de Kharkiv, Oleksiy Yefimov a fait venir une partie de sa famille à Monaco lorsque la guerre a éclaté. Beaucoup d’observateurs, mais aussi certains joueurs, s’interrogeaient à propos de la nouvelle direction du club, qui a préféré garder le silence dans un premier temps, avant d’afficher son unité.
"Notre premier réflexe a d'abord été de penser à nos proches, nos parents, à se demander comment on pouvait aider. On n'a pas communiqué car on sait que chaque mot peut être interprété, sorti d'un contexte. Le plus important est de mettre fin à cette guerre. Le lendemain du jour 1, lors du match contre Fenerbahçe, on a montré notre unité", a raconté Oleksiy Yefimov dans L’Équipe.
Lors de ce match, le 25 février 2022, le président Aleksej Fedoricsev, le vice-président Sergey Dyadechko, le directeur exécutif Oleksiy Yefimov, mais aussi le prince Albert II de Monaco s’affichaient côte à côte dans les tribunes de la salle Gaston-Médecin. Et sur le terrain, les arbitres, ainsi que l’assistant-coach ukrainien de Monaco, Sergiy Gladyr, arboraient le message "Stop the war" ("cessez la guerre") avant le début de la rencontre. Quelques jours plus tard, ce sont des réfugiées ukrainiennes qui étaient invitées à brandir le drapeau ukrainien sur le terrain.
Un budget qui explose avec Fedoricsev
Depuis, la guerre n’a pas perturbé la relation entre les trois hommes, d’autant qu’Aleksej Fedoricsev réfute tout lien avec Moscou. Il affirme avoir quitté la Russie dans les années 1980 et dit se sentir davantage hongrois que russe. En revanche, les affaires de Fedcom, essentiellement basées en Ukraine, et la fortune personnelle de son patron, en ont pâti. L’Ukraine, qui accuse Aleksej Fedoricsev de soutenir l’effort de guerre russe – ce que dément l'intéressé –, a pris des sanctions à son encontre, dont le gel de ses avoirs, selon une enquête de Blast parue en février 2024.
Ces mesures, ainsi que la saisie, l’été dernier, de l’équivalent de 41 millions d’euros de biens par la justice italienne dans le cadre d’une enquête pour corruption en Ukraine, ne l’ont toutefois pas empêché de faire bondir le budget de Monaco. Celui-ci a plus que doublé en trois ans, passant de 14,1 millions d’euros lors de la saison 2021/2022 à 29,4 millions d’euros en 2024/2025. Du jamais-vu dans un championnat de France de basket où le budget moyen des clubs est de 8,7 millions d’euros (en comptant Monaco).
De quoi s’offrir des stars, à l’image de l’Américain Mike James, 34 ans, meilleur scoreur de l’histoire de l’Euroligue. Arrivé à l’été 2021 dans la Principauté pour une saison et un million d’euros, l’ancien joueur du CSKA Moscou et des Brooklyn Nets a depuis prolongé son bail une première fois en 2022, pour deux ans et quatre millions d’euros, puis une deuxième fois en 2024, cette fois-ci pour un contrat de trois ans et neuf millions d’euros.
Bien entouré, il a permis à son équipe de s’imposer rapidement parmi les cadors de l’Euroligue : quart de finaliste lors de la première saison de Monaco dans la compétition en 2022, demi-finaliste en 2023 et quart-de-finaliste en 2024. Avant un titre de champion en 2025 ? Réponse ce week-end aux Émirats arabes unis, premier pays non européen à accueillir le Final Four.