Le Paris Basketball, le club en vogue qui n’en finit plus de surprendre l’Europe

Debout au bord du parquet après le buzzer final, Lilian Thuram, ancien champion du monde 1998 avec l’équipe de France de football, applaudit avec un grand sourire les basketteurs parisiens. En battant la Virtus Bologne (81-78), jeudi 28 novembre, devant les 8 000 spectateurs de l’Adidas Arena, le Paris Basketball, qui effectue sa première saison en Euroligue, la compétition reine européenne, vient de prendre la première place du classement en remportant une 8e victoire de suite – record égalé pour un club français – avec notamment des victoires de prestige face au Panathinaikos, champion d’Europe en titre, et dans la salle du FC Barcelone, l’un des favoris de la compétition.

Au total, Paris reste sur dix succès consécutifs toutes compétitions confondues et figure donc en tête de l'Euroligue, mais aussi à la deuxième place en Betclic Elite (la première division de la ligue française). Le club poursuit sur sa lancée de la saison précédente, lorsqu’il avait établi un record français de 25 victoires consécutives toutes compétitions confondues, remportant au passage la Leaders Cup (un tournoi de mi-saison) et l’Eurocoupe (la deuxième coupe européenne après l’Euroligue), tout en se hissant en finale du championnat de France (défaite face à Monaco).

Les bons résultats du club et sa nouvelle salle, située porte de la Chapelle, dans le nord de Paris, attirent un large public, dont des personnalités. Outre Lilian Thuram, qui n’en était pas à son premier match jeudi soir (voir vidéo ci-dessous), l’acteur Omar Sy, l’ancien handballeur Nikola Karabatic ou encore l’actrice Alice Belaïdi sont déjà venus assister à des rencontres, tandis que l’ancien Premier ministre Lionel Jospin est un habitué.

"L’ambiance est juste exceptionnelle. Il y a toujours du suspense, des émotions, c’est génial. En plus on sent une belle harmonie entre les joueurs et c’est aussi pour ça que les gens les aiment", s’enthousiasme Lilian Thuram, après s’être rendu dans le vestiaire pour saluer et féliciter l’équipe.

L'Américain TJ Shorts, leader et meilleur joueur du Paris Basketball malgré sa petite taille (1,75 m), confirme le sentiment de l’ancienne star des Bleus. "L’alchimie entre nous joue un grand rôle dans notre succès. Quand vous jouez avec un groupe de gars que vous appréciez, et même que vous aimez comme des frères, c’est ce que vous obtenez. Nous ne sommes pas l’équipe la plus talentueuse en Euroligue, mais le fait d’être comme une famille et d’avoir l’envie de prouver que nous avons le niveau nous permet d’obtenir des victoires face à des grosses équipes", explique-t-il, assis dans le vestiaire, sous le regard de son coéquipier et ami Tyson Ward.

À l’image de TJ Shorts, que personne dans le monde du basket ne connaissait il y a encore deux ans et qui est aujourd’hui, avec 18,1 points inscrits en moyenne par match, le troisième meilleur marqueur de l’Euroligue, l’ascension du Paris Basketball ressemble à un conte de fées.

Un jeu atypique

Le club a été créé de toutes pièces il y a seulement six ans par deux hommes d’affaires et investisseurs américains : David Kahn et Eric Schwartz. Ancien dirigeant NBA chez les Indiana Pacers et les Minnesota Timberwolves, amoureux de l’Europe et du basket européen, David Kahn, 63 ans, a décidé d’investir dans le basket français lorsque Paris est officiellement devenue candidate à l’organisation des Jeux olympiques 2024.

"Quand j’ai étudié le dossier de candidature de la ville, j’ai vu qu’il y avait le projet de construire une nouvelle salle. Or, c’est ce qui avait toujours manqué jusqu’ici à Paris pour voir un grand club de basket émerger et s’installer dans la durée. Je me suis alors dit qu'il y avait peut-être quelque chose à faire", se souvient-il.

La Ligue nationale de basket (LNB), qui désespérait depuis de longues années d’avoir un grand club de basket dans la capitale, a rapidement vu l’intérêt qu’elle avait à pousser le projet de ces investisseurs américains. C’est ainsi qu’elle leur a permis, au printemps 2018, de racheter les droits sportifs du club de Hyères-Toulon Var Basket, alors en faillite et relégué en fin de saison 2017/18 en Pro B, la deuxième division professionnelle. L’opération permettant au Paris Basketball de démarrer son aventure directement en Pro B avait toutefois fait grincer quelques dents et un rapport de la Chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur, publié en 2022, a relevé des "irrégularités nombreuses et majeures".

L’équipe parisienne a ensuite obtenu en 2021 sa montée en Betclic Elite sur le terrain, après trois saisons passées à l’étage inférieur ; puis a encore mis deux années avant de vraiment intégrer le gratin du championnat.

La bascule intervient à l’été 2023, lorsque l’entraîneur finlandais Tuomas Iisalo débarque à Paris en provenance de Bonn, avec dans ses bagages six joueurs de son équipe allemande, dont le meneur TJ Shorts. Le groupe arrive en ayant déjà tissé des liens très forts en Allemagne et la mayonnaise prend rapidement avec les autres recrues issues du championnat de France, comme le jeune espoir Nadir Hifi.

Très vite, les Parisiens dominent leurs adversaires en pratiquant un basket atypique, avec beaucoup de courses et d’intensité, et un coach qui effectue des changements aussi fréquents qu’inhabituels, faisant jouer chaque joueur sur de courtes séquences de quelques minutes seulement. Un style de jeu tellement efficace qu’il se poursuit cette saison malgré le changement d’entraîneur, Tiago Splitter ayant remplacé sur le banc Tuomas Iisalo, parti vers la NBA en fin de saison dernière.

"Cette salle nous a aidés à passer dans une autre dimension"

"C’est la première fois qu’on voit une équipe jouer de la sorte et faire autant de changements et des joueurs qui acceptent de sacrifier leur temps de jeu pour le collectif. Cela montre qu’ils ont un excellent état d’esprit car beaucoup ne l’accepteraient pas", souligne Amara Sy, devenu directeur sportif du club à l’été 2022, après avoir passé plus de vingt années sur les parquets comme joueur, dont les trois dernières au Paris Basketball.

"C’est lié à leur camaraderie qui est exceptionnelle, poursuit-il. Même leurs femmes sont très amies, elles font la plupart des voyages pour être présentes sur les matches à l’extérieur. C’est comme si elles faisaient partie de l’équipe. On est une famille. C’est quelque chose que je n’ai jamais vu dans ma carrière."

Inaugurée en février dernier et ayant accueilli, entre autres, les épreuves de badminton (valides et para) et de gymnastique rythmique lors des JO 2024, l’Adidas Arena joue également, selon lui, un rôle majeur dans le succès du club, qui évoluait auparavant à la Halle Carpentier, une salle de 4 800 places dans le sud de Paris.

"Cette salle nous a aidés à passer dans une autre dimension. Quand les gens viennent nous voir, ils assistent à un spectacle qui va au-delà du basket", affirme Amara Sy. L’écran géant, la lumière, le son, les sièges, la proximité avec le terrain, tout a été pensé pour rendre l’expérience spectateur optimale.

David Kahn a ainsi pu importer en France les recettes marketing de la NBA, dont les fameuses animations durant les temps-morts, un important merchandising et une présence massive sur les réseaux sociaux. Le club surfe également sur la vague Paris 2024 en célébrant lors de chaque rencontre à domicile un médaillé français olympique ou paralympique. Jeudi soir, c’est l’athlète Cyréna Samba-Mayela qui a été honorée.

"L’Adidas Arena a une importance cruciale dans notre développement, abonde David Kahn. Son projet de construction n’était pas le mien, mais j’ai réussi à convaincre la Ville de Paris de bâtir une salle dans laquelle le spectateur puisse se sentir proche du terrain et de l’action où qu’il soit. Beaucoup de salles de basket en Europe ou de stades de football, comme le Parc des Princes à Paris, ont un énorme espace vide entre le terrain et les tribunes. Ce n’est pas le cas ici et cela se ressent dans l’atmosphère de nos matches. Les gens qui découvrent notre spectacle ont généralement envie de revenir."

Ce n’est pas Lilian Thuram qui dira le contraire. Il avait lui-même invité un ami jeudi soir en lui promettant une soirée "incroyable". Ce dernier est reparti conquis.