Les États-Unis de Trump contre le monde

« America First », les États-Unis d’abord, « Make America Great Again » – rendre à l’Amérique sa grandeur d’antan : ces slogans de campagne de Trump résonnent comme un cri de guerre contre le monde entier.

Le président-businessman accuse le monde entier, alliés ou vassaux des États-Unis (EU) inclus, de vivre et prospérer au détriment de son pays, d’abuser de sa générosité. En conclusion ils doivent tous indemniser les EU. La réalité inversée si chère à Trump.

En réalité ce sont les EU qui vivent au-dessus de leurs moyens grâce au crédit que leur permet le roi dollar avec ses privilèges exorbitants.

Biden et Trump

Que ce soit Biden ou Trump, tous deux visent à restaurer l’hégémonie mondiale de l’impérialisme états-unien avec des stratégies différentes notamment sur le plan des relations économiques internationales.

Biden prônait des solutions de compromis avec les alliés des EU. Trump, estimant ne pas en avoir besoin, n’hésite pas à brandir des menaces de coercition économique. Récemment il a exigé que les pays européens portent leurs dépenses militaires à 5 % du PIB : le coup de grâce porté à l’UE alors que son économie est stagnante et que son moteur, l’industrie allemande, est en berne.

Biden offrait des subventions pour inciter les entreprises industrielles à s’implanter aux EU. Trump estime inutile de creuser le déficit en versant des subventions à des entreprises étrangères, les taxes sur les importations devraient être suffisamment incitatives.

La guerre commerciale

La mondialisation n’étant plus à l’avantage des EU, Trump met en avant sa prétendue arme « magique » contre le déclin de l’hégémonie états-unienne : les droits de douane qu’il a qualifiés en 2020 de la « plus grande chose jamais inventée »

Une arme déjà utilisée dans son premier mandat et prolongée par Biden sans obtenir le résultat escompté. Aussi la nouvelle politique tarifaire est étendue – le monde entier est visé – avec des taux de taxation inédits. Tous les pays – Sud global et pays développés, alliés ou pas – doivent être mis à contribution pour le bien des EU : la réindustrialisation, la fin du déficit commercial et la réduction des impôts. En quelque sorte une rente prélevée sur le reste du monde.

Lors de sa campagne électorale Trump annonçait vouloir imposer des droits de douane de 10 à 20 % sur tous les produits étrangers, 25 % sur les produits importés du Canada et du Mexique et 60 % ou plus pour ceux provenant de Chine, désignée adversaire stratégique n°1. À ces taxes s’ajoutent toutes les interdictions d’exportations de produits de haute technologie vers la Chine et une liste noire d’entreprises chinoises avec lesquelles il est interdit de commercer. S’agit-il de menaces préalables à des négociations ? Nous le saurons bientôt. Ce protectionnisme de combat conduira à la diminution des importations et des exportations des EU du fait des représailles mais il ne pourra empêcher les autres pays de développer le commerce entre eux.

En réalité c’est déjà le cas puisque les richesses sont créées de plus en plus dans les pays du Sud. Les cinq pays du BRICS ont vu leur poids dans l’économie mondiale croître sans cesse et leur PIB dépasser celui du G7, en parité de pouvoir d’achat (PPA), : 20 % en 2003 à 32 % en 2023 tandis que la part du G7 a reculé sur la même période de 42 % à 30 %. Au début des années 2000 la part des EU dans le PIB mondial (PPA) était de 21,2 % et en 2022 elle est tombée à 16,6 %.

La guerre commerciale conduira inévitablement à de multiples guerres commerciales contre les EU avec à la fois un recul du PIB mondial et une plus forte interdépendance entre les pays du Sud notamment. Ce qui pourrait réduire la part du commerce réalisée en dollars. On peut donc imaginer une violente réaction de Trump contre les BRICS et tous les pays qui utilisent d’autres monnaies que le dollar pour leurs échanges commerciaux. Par exemple Trump brandit la menace d’une taxe de 100 % sur leurs exportations vers les EU. Il exige un engagement de ne pas créer une monnaie BRICS. Derrière l’arrogance pointe l’anxiété. On ne peut utiliser le dollar comme arme de guerre et s’étonner de la perte de confiance accrue dans cette monnaie.

Ce sont les EU qui ont interdit l’utilisation du dollar à des pays sanctionnés encourageant, obligeant même les paiements en d’autres monnaies et hors du système financier contrôlé par les EU. Le commerce en yuan, rouble, roupie, or… ne s’arrêtera pas avec ces menaces. La guerre commerciale des EU est vouée à l’échec.

Le mépris de la souveraineté des États

Un nouveau pas est franchi avec l’affirmation de visées expansionnistes. Donald Trump a affirmé avec force qu’il entendait prendre le contrôle du canal de Panama et du Groenland – territoire sous la souveraineté du Danemark – sans exclure la possibilité d’une intervention militaire si nécessaire au nom de la sécurité nationale des EU. Une menace d’annexion qui peut planer sur n’importe quel petit pays.

Le président du Panama, José Raúl Mulino, a vivement réagi et qualifié ces prétentions d’absurdes : « le canal est panaméen et appartient aux Panaméens ». Le Danemark soutenu par des pays européens a vivement protesté.

Le Canada est également visé Trump demandant son annexion comme 51e état des EU et Trump souhaite exercer toutes les pressions économiques et politiques nécessaires pour cela.

Le monde a évolué, l’hégémonie est révolue mais les EU ne veulent pas le voir.

Mettre fin aux réglementations ou traités qui s’imposent

Les contraintes mises à l’expansion maximum des combustibles fossiles seraient supprimées. Les compagnies pétrolières et gazières doivent pouvoir forer autant que souhaité y compris dans les parcs nationaux et zones protégées. Les EU doivent avoir l’énergie la moins chère du monde – l’énergie fossile et non l’énergie verte trop subventionnée – pour renforcer leur compétitivité et pour encourager les industries à s’y implanter. La défense de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique attendront.

Trump a clairement signifié son aversion pour tout traité international qui briderait l’économie des EU. Si accord il doit y avoir avec un pays ce sera le fruit de négociations bilatérales pour être en position de force maximum.

Les pays membres de l’OTAN ne sont pas oubliés, accusés d’assurer leur sécurité aux frais des EU. Dorénavant ceux qui ne dépensent pas suffisamment pour leur sécurité ne bénéficieront pas du soutien militaire des EU même en cas d’agression par la Russie. Les Européens sont particulièrement désignés. Trump déclarait que l’agression d’un petit pays de quelques millions d’habitants, même membre de l’OTAN, ne pouvait conduire automatiquement à l’intervention des EU.

On se souvient de « l’avertissement » de Kissinger : « Il peut être dangereux d’être l’ennemi de l’Amérique, mais être l’ami de l’Amérique est fatal ». Alliés ou vassaux ?

Isolationnisme ?

Le protectionnisme prôné par Trump n’est pas une ligne de repli bien au contraire. C’est une arme de combat, une stratégie pour retrouver la « grandeur d’antan », l’hégémonie de l’impérialisme états-unien d’autrefois.

La part des États-Unis dans l’industrie manufacturière mondiale n’a cessé de diminuer depuis la crise des années 1970, puis depuis les années 2000 avec la montée des pays émergents et particulièrement de la Chine, devenue le principal partenaire commercial d’une centaine de pays. Il s’agit de modifier radicalement cette situation, les EU veulent être le centre des chaînes d’approvisionnement mondiales.

En même temps qu’ils se « protègent » de la concurrence étrangère ils s’attaquent au monde entier. La première puissance économique mondiale qui a 800 bases militaires, qui domine le système financier international, qui dispose du dollar etc. peut-il être isolationniste ? Le capital financier le plus mondialisé pourrait-il être isolationniste ?

L’impérialisme états-unien, en bon prédateur, ne cédera pas sa place dans le monde de son plein gré ni n’entérinera le déclin de sa domination au profit du multilatéralisme.

Le boomerang

Sur la base des chiffres de 2022 et des taux annoncés par Trump, on peut estimer en année pleine le montant des taxes à plus de 700 Mds de dollars pour les biens importés (dont 320 Mds pour la Chine) et près de 100 Mds sur les services importés. Un séisme qui modifierait considérablement tous les échanges internationaux, déstabilisant les chaînes d’approvisionnement des entreprises, réduisant la croissance économique mondiale.

À court terme les entreprises états-uniennes pourraient tirer un certain avantage de ce protectionnisme en augmentant leurs prix et leurs marges ce qui ajouté à la hausse du coût des importations alimenterait l’inflation ce que redoutent les ménages aux EU. Selon un sondage, seules 29 % des personnes soutenaient l’augmentation des droits de douane même si les prix augmentent tandis que 42 % s’y opposaient.

À moyen terme le protectionnisme réduira la compétitivité des EU.

La stratégie de Trump ne fait d’ailleurs pas l’unanimité des multinationales états-uniennes. Par exemple l’entreprise Nvidia, leader mondial dans son domaine de pointe, a protesté contre les restrictions à l’exportation de produits hi-tech car elles « mettront en péril la croissance économique et le leadership des États-Unis ».

La guerre commerciale de Trump ne restera pas sans représailles. Personne n’en sortira gagnant. La fracturation du marché mondial s’accentuera. Mais c’est le prix que les EU prétendent faire payer au monde pour tenter de rétablir leur hégémonie. Un pari perdant, à rebours de la tendance historique à la volonté de développement des peuples.

L’opposition au protectionnisme des EU pourrait bien inciter à aller vers un monde plus multipolaire respectant la souveraineté des États, privilégiant les rapports de coopération gagnant-gagnant et le développement.

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