Une église médiévale retrouvée sous le « plus vieux temple protestant de France » à Montbéliard

C’est un édifice riche d’histoires. Les archéologues de l’Inrap ont récemment mis au jour les vestiges d’une église médiévale longtemps enfouis sous le dallage du « plus ancien temple protestant conservé en France ». Construit entre 1601 et 1607 sur les fondations de l’église Saint-Martin de Montbéliard, le bâtiment, classé au titre des Monuments historiques, fait l’objet de « grands travaux de restauration » depuis 2021, lorsque des « éléments architecturaux en trompe-l’œil » - décors d’origine du temple - ont été découverts, explique au Figaro Adrien Vuillemin, responsable de recherches archéologiques à l’Inrap Bourgogne Franche-Comté.

« Il y a deux ans de cela, nous avions réalisé des diagnostics dans le cimetière adjacent (fermé et transféré en 1542, NDLR), raconte Adrien Vuillemin. J’avais alors observé un mur particulier sur le dallage de l’édifice. » À l’époque, donc, en 2022, le diagnostic opéré sur la place Saint-Martin de Montbéliard, à une dizaine de mètres au sud du temple, a révélé plusieurs sépultures, dont une datée entre 1302 et 1411. « Nous sommes revenus une semaine en novembre 2024, puis deux semaines en janvier dernier, pour suivre des travaux d’installation de chauffage », poursuit le spécialiste du Moyen Âge, de l’Époque moderne et de l’Époque contemporaine. Des tranchées ont alors été creusées par les chercheurs de l’Inrap dans le dallage du temple afin d’y effectuer un sondage archéologique.

Des tranchées ont été creusées sur le mur ouest du temple protestant. Inrap

Construction au XIe siècle

C’est alors qu’ils ont mis la main sur des vestiges d’une autre époque. Ceux d’une église oubliée sous le sol de l’édifice du XVIIe siècle. Avant de devenir un lieu de culte pour la communauté protestante de ce quartier de Montbéliard, le temple était un édifice catholique. « Notre opération a permis de documenter sa date de construction que l’on estime au courant du XIe siècle », précise Adrien Vuillemin. Le responsable des fouilles précise que l’église Saint-Martin faisait partie du « Faubourg contemporain de Montbéliard » et était fréquentée par une « population défavorisée ».

« Notre opération a permis de documenter sa date de construction que l’on estime au courant du XIe siècle »

Adrien Vuillemin, responsable de recherches archéologiques à l’Inrap Bourgogne Franche-Comté

La récente fouille fait état de plusieurs découvertes. La première : le plan de l’église Saint-Martin, révélant les différentes transformations du site au fil des siècles. La deuxième : un chœur large de 6 mètres et long de plus de 5,50 mètres. Deux nouvelles dalles funéraires, à l’image de celles retrouvées dans le cimetière adjacent, ont également été exhumées dans l’église. Trois autres ont aussi été découvertes le long du mur sud du temple, soit à l’extérieur de l’édifice. C’est plus précisément le « sondage d’un sol en galets bombé, l’un des plus anciens du site » qui a permis d’identifier la période de construction de l’église Saint-Martin, indique Adrien Vuillemin.

Les dalles d’origine de l’église Saint-Martin. Inrap

Incendie, restauration puis transformation

« L’église a été sujette à des travaux au courant du XVe siècle », entre 1490 et 1491 d’après les textes, explique le chercheur. Il est fort probable que ces travaux faisaient suite à un incendie survenu quelque temps auparavant. « Les stigmates sont visibles sur le parement interne du mur sud de l’église, remarque-t-il. On a découvert une roche chauffée. Les murs nord et ouest ont été reconstruits, mais pas celui-ci. C’est un peu une surprise, car cet incendie n’est pas documenté. On ne sait pas s’il a ravagé seulement l’église, ou s’il a touché les quartiers alentour aussi. »

Le mur sud de l’église Saint-Martin conserve encore les stigmates de l’incendie survenu à la fin du XVe siècle. Inrap

Environ un siècle plus tard, l’église restaurée, mais au « volume insuffisant », a été remplacée par un temple protestant « deux fois plus grand ». Le site, dédié au culte catholique, s’était transformé en lieu de rassemblement pour la communauté protestante, plus nombreuse à l’époque, déjà quelques années avant l’édification du temple. « Montbéliard était une principauté allemande, sous domination du Saint-Empire romain germanique », révèle Adrien Vuillemin. Le chercheur ajoute que le duc de Wurtemberg, Frédéric 1er, également comte de Montbéliard, a « épousé le protestantisme » et construit le plus ancien temple de France en fonction à Saint-Martin. Il s’agira de l’un de ses plus grands chantiers.

Aujourd’hui, le temple fait toujours l’objet de travaux de restauration. À sa réouverture, il devrait de nouveau accueillir les fidèles, dont « la communauté est encore active » dans le quartier Saint-Martin selon Adrien Vuillemin. Les vestiges de l’église devraient, eux, rester en l’état. L’Inrap ajoute sur son site que des « études spécialisées » et des « analyses radiocarbones [...] permettront de préciser le phasage de ce site au potentiel archéologique remarquable ».