Google, de moteur de recherche à moteur de réponse
Depuis son lancement en septembre 1998, Google s’est imposé dans le monde occidental comme le premier moteur de recherche sur Internet. En moins de trois décennies, Google fait en effet partie de notre quotidien au point d’être devenu en français un verbe, googler, indiquant qu’on a cherché des informations sur quelqu’un ou quelque chose.
Une consommation numérique en mutation
Depuis sa création, Google a structuré l’accès à Internet en mettant à disposition des internautes des liens pointant vers les pages contenant en principe les éléments recherchés. C’est ce qui a fondé son modèle économique et sa prospérité : fin 2024, la commercialisation des services de recherche représentait 75 % des revenus publicitaires de Google. Pour mémoire, Alphabet, la maison mère de Google, a réalisé 350 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2024.
Les usages des consommateurs évoluent constamment. De la même manière qu’ils ont adhéré en masse à l'interface sobre et blanche de Google, délaissant à la fin des années 1990 les portails Internet qui s’inspiraient des couvertures de magazine, avec de nombreuses rubriques, pour attirer l’œil de l’internaute.
Aujourd’hui, c’est le format proposé par les services d’intelligence artificielle comme ChatGPT ou Mistral qui est plébiscité par les internautes et les mobinautes. On est passé d’un moteur de recherche à un moteur de réponse. C’est-à-dire que les algorithmes proposent des versions rédigées à partir des données qu’ils auront collectées sur Internet, puis reformulées sans que vous ayez rendu visite aux sites contenant ces éléments de réponse à votre requête.
Des réponses clés en main
Cette forme de présentation permet donc d’accéder directement à une réponse synthétisée à partir d’éléments présents sur différents sites. Mais cela pose plusieurs questions.
D’une part, vous transférerez à l’intelligence artificielle, avec des paramétrages que vous ignorez, la collecte et le résumé forcément elliptique qui vous est proposé. Un peu comme si vous ne lisiez plus que des revues de presse et renonciez à lire un journal complet.
Ensuite, cela détourne les visiteurs des sites initiaux contenant les informations qui intéressent pourtant les internautes et mobinautes. Et donc empêche toute relation directe entre ces émetteurs et ces utilisateurs. Contrairement au moteur de recherche classique qui désigne précisément les pages d’origine contenant les éléments requis.
C’est donc une fragilisation massive et très soudaine du modèle économique de nombreuses entreprises, qui perdent ainsi le contact avec leurs clients ou prospects. Idem pour les sites gratuits rémunérés par l’audience publicitaire. Ils se retrouvent dans la position du commerçant dont on aurait détourné le flux habituel de visiteurs, qui en outre peuvent devenir des acheteurs dans le cas des sites marchands.
Des effets déjà tangibles
On a un exemple très concret avec une nouvelle fonctionnalité de Google intitulée "AI Overviews" ou "Aperçus IA" en français et lancée aux Etats-Unis en mai 2024. Elle vient d’être déployée dans 200 pays, mais pas encore en France notamment pour des raisons juridiques. Elle dispense de fait les internautes de se rendre sur les sites qui hébergent les informations ayant permis de formuler la réponse.
Ces textes automatiques portent sur tous les sujets : les thèmes d’actualité puisés sur les sites des médias mais aussi par exemple dans les domaines de la santé ou des voyages en ponctionnant les pages des entreprises du marché concerné. Avec des baisses de fréquentation à la clé pour les sites en question. Au point d’inquiéter leurs éditeurs qui voient ainsi une part de l’audience, et donc de chiffre d’affaires, leur échapper.
Google explique de son côté que les personnes qui vont au-delà de la réponse résumée et cliquent sur les liens mentionnés en tant que sources sont des lecteurs vraiment intéressés, et constitueraient donc une audience monétisable dans de meilleures conditions. Car plus qualifiée que le visiteur lambda qui est juste curieux.
Et cette mise à disposition d’informations sous une forme rédigée donnerait plus satisfaction à l’utilisateur. L’incitant à formuler davantage de requêtes.
Une illustration supplémentaire de la mécanique de l’économie de l’attention qui fonde plus que jamais le financement des services numériques. Et de la nécessité pour les éditeurs de sites de ne pas trop dépendre d’un acteur puissant, comme Google, pour leurs relations avec leurs publics. C’est la raison pour laquelle on vous propose de plus en plus de vous inscrire à des applications dédiées, afin d’établir une relation directe et sans intermédiaire avec le service que vous appréciez.