Euro 2025 : "Notre ennemi numéro 1, c'est nous"... Jamais sacrée, la France s'avance en outsider ambitieux
"On s'engage dans cet Euro dans un rôle de challenger, ce qui n'empêche pas d'y aller avec beaucoup d'ambitions." Avant même de mettre un pied en Suisse pour l'Euro 2025, organisé du 2 au 27 juillet, le sélectionneur des Bleues Laurent Bonadei refusait de voir accolé à l'équipe de France l'étiquette de favorite à la victoire finale, préférant celle d'outsider ambitieux. Le président de la Fédération française de football (FFF), Philippe Diallo, a d'ailleurs fixé le stade des demi-finales comme objectif minimum.
"En 1985, Mike Tyson était un challenger. Au fil des combats, il s'est positionné en favori. Pour être favori, il faut avoir gagné. Or, la France n'a encore jamais gagné", a imagé le sélectionneur, le 5 juin, jour de présentation de la liste, pour justifier son choix de positionner comme challenger son équipe 10e mondiale et sans trophée dans l'armoire.
"Je dis aux filles qu'on n'est pas les favorites. On ne peut que faire mieux. On ne va pas se mettre une pression à dire qu'il faut gagner l'Euro, même si tous les jours on se le dit entre nous qu'on veut gagner l'Euro et qu'on va gagner l'Euro."
Sakina Karchaoui, vice-capitaine des Bleusà franceinfo: sport
Le parcours s'annonce tout sauf aisé, la France étant placée dans le groupe D, "la poule de la mort", avec l'Angleterre, les Pays-Bas et le pays de Galles. "On est dans un groupe très difficile avec les deux derniers vainqueurs de l'Euro [l'Angleterre en 2022 et les Pays-Bas en 2017], donc on va y aller avec beaucoup de conviction et sans rougir", a rappelé Laurent Bonadei, le 22 mai, peu avant les deux derniers matchs des Bleues en phase de groupes de la Ligue des nations.
Confiance engrangée en Ligue des nations
Si la France avait rétrogradé à la 11e place du classement Fifa en début d'année, les Bleues ont depuis regagné un rang à la faveur d'une victorieuse campagne en Ligue des nations, avec six succès consécutifs. Ont suivi une leçon face à la Belgique (5-0), et surtout une renversante victoire face aux vice-championnes olympiques brésiliennes (3-2), qui avaient éliminé les Bleues aux JO 2024 en quarts.
"Gagner six matchs en Ligue des nations, ce n'était jamais arrivé. Cela donne beaucoup de confiance mais il ne faut pas tomber dans l'excès de confiance. Il faut se rappeler d'où on vient", a appuyé le sélectionneur, qui a pris la tête de l'équipe fin août 2024 après avoir été l'adjoint d'Hervé Renard auprès des Bleues (2023-2024). Les Tricolores ont de fait connu nombre de défaites traumatisantes en phase éliminatoire ces dix dernières années : en quarts à Paris 2024 et Rio 2016 puis aux Coupes du monde 2023, 2019 et 2015, et en demies à l'Euro 2022.
"Pour moi, l'ennemi numéro 1, c'est nous-mêmes, car on a toujours eu de grosses individualités. À chaque compétition, on l'a vu, cela a été difficile."
Sandie Toletti, vice-capitaine des Bleuesà franceinfo: sport
Avec cette poule relevée, la joueuse du Real Madrid est consciente que la clé pour les Bleues sera "d'être focus" sur elles-mêmes. "Si on n'arrive pas à se gérer, à savoir ce qu'on veut réellement, on sait que ça peut être vraiment difficile", confie à franceinfo: sport, lucide, la milieu de terrain. Pour pallier ces failles, Laurent Bonadei a d'ailleurs appelé en renfort, fin septembre, le préparateur mental Thomas Sammut, qui s'est notamment occupé des nageurs Florent Manaudou et Léon Marchand.
L'apport de la prépa mentale
"Thomas a une mission précise : optimiser le potentiel de nos joueuses, notamment sur l'aspect mental, pour qu'elles progressent sur le plan individuel mais toujours dans le souci d'être au service du collectif. Les résultats se sont fait sentir dès sa prise de fonction même si ce n'est pas forcément visible. Des choses se dénouent", a précisé le sélectionneur. Présent lors des rassemblements, le préparateur mental assure aussi un suivi des joueuses lorsqu'elles retournent en club.
Pour casser la dynamique négative, Laurent Bonadei a également provoqué un électrochoc en se passant de trois cadres historiques (la capitaine Wendie Renard, la meilleure buteuse de l'histoire des Bleues Eugénie Le Sommer et Kenza Dali) pour l'Euro. Le patron de l'équipe de France féminine a alors cité Einstein – "la folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent" – pour défendre son choix.
Le Mondial dans le viseur ?
Il a aussi plusieurs fois utilisé l'exemple de Sandie Toletti qui a vécu son premier Mondial à 28 ans, en 2023. "J'ai senti une Sandie qui découvrait l'épreuve et qui montrait certaines fragilités. Dans mon esprit, il est important de pouvoir donner de l'expérience à certaines joueuses en vue des prochaines échéances", a expliqué le coach, balayant dans la foulée l'idée d'utiliser l'Euro 2025 comme une marche vers le Mondial 2027. "L'équipe que je suis en train de constituer n'est pas moins ou plus compétitive avec ou sans certaines joueuses. On travaille pour gagner."
Malgré tout, avec un groupe rajeuni, Sakina Karchaoui glisse que l'objectif consiste à "monter en puissance". "Aujourd'hui, ça peut ne pas passer à l'Euro mais ça passera peut-être pour la Coupe du Monde. C'est un groupe jeune, en développement", prolonge la joueuse du PSG, auprès de franceinfo: sport. Si l'adage dit que l'apprentissage se fait aussi à travers les difficultés, les Bleues ne seraient pas pour autant contre un destin victorieux en Suisse, avant de tourner le regard vers le Brésil et le prochain Mondial.