RECIT. Tour de France femmes : affûtage, maîtrise et panache... Comment Pauline Ferrand-Prévôt a bâti son sacre historique

Après 35 ans de disette, la France tient sa première vainqueure d'un Tour de France. Pauline Ferrand-Prévôt a remporté l'édition 2025 du Tour de France femmes, dimanche 3 août, au terme de l'arrivée à Châtel lors de la neuvième étape. Elle s'était donné "trois ans" pour y arriver. Le premier essai aura été concluant pour celle qui garnit encore un peu plus son palmarès démentiel. Seulement un an et six jours après son titre olympique en VTT cross-country, elle accroche le Tour - en plus de Paris-Roubaix - pour son retour sur la route, qu'elle avait quittée fin 2018. Avec presque quatre minutes d'avance sur sa dauphine.

"Ça paraît facile comme ça, mais pour gagner, il y a eu beaucoup de sacrifices. J'ai mis la barre vraiment haute cette année. Je n'ai pas fait tout ça pour rien. C'est une belle victoire et une belle leçon de vie", a réagi la lauréate dans sa première interview d'après-course. Pour mieux comprendre l'étendue de sa performance, il faut remonter un an en arrière. Dix jours après son sacre olympique, elle officialise sa signature chez Visma-Lease a Bike et dévoile ses intentions en vue du prochain Tour de France femmes.

Une longue préparation en altitude

Un premier test est prévu lors des Mondiaux de Zürich, fin septembre. Il n'est pas concluant. Prise de vomissements, Pauline Ferrand-Prévôt abandonne sous la pluie. "C'était intéressant de prendre une fessée pour rectifier le tir cet hiver et travailler en amont", analyse-t-elle a posteriori, dimanche. Au début de ce nouveau défi vertigineux, il y avait beaucoup de chemin à faire.

Quand elle se présente au départ du Tour de France femmes, subsiste encore un gros point d'interrogation sur sa forme et son niveau réel en haute montagne. Son premier et seul test de la saison sur le Tour des Emirats arabes unis en janvier n’a pas été fructueux. La Vuelta devait servir de premier vrai marqueur, début mai, mais la Rémoise a préféré prendre une vraie pause pour soigner sa blessure à la cheville et se préparer de son côté.

Pauline Ferrand-Prévôt n’a jamais vraiment été une grimpeuse sur la route. Une vraie mue doit s'opérer entre le printemps et le début de l’été au gré de deux stages, l’un en Espagne puis l’autre à Tignes. "Je devais perdre du poids [4 kg], retrace la vainqueure de Paris-Roubaix 2025 à quelques jours du Grand Départ de Vannes. Je suis plus légère qu'aux classiques où l’on doit grimper pour deux ou trois minutes. Quand j'ai un but, j'aime avoir le poids idéal au moment où il faut".

"Elle était déjà très forte [pendant ce stage]. Mes entraînements se résumaient à essayer de la suivre, ça faisait très mal aux jambes", a glissé sa coéquipière et lieutenant en montagne Marion Bunel au sommet du col de la Madeleine, samedi. Quand on a glané 15 titres de championne du monde dans diverses disciplines du cyclisme, du VTT au gravel en passant par le cyclo-cross et la route, on finit par connaître la recette du succès.

Cacher son jeu et ne pas dépenser d'énergie inutile

"Me mettre des challenges, me motiver pour essayer de les réussir, c’est ce que j’adore dans mon sport : tout donner pour arriver le jour J et savoir que je me suis donné les moyens de réussir. Après un titre olympique, c’était risqué de se lancer dans un tel projet. Mais je sais ce qui me faut pour réussir. Si on me laisse faire ce qui est bon pour moi, je sais que je peux atteindre le but que je me suis fixé", a lâché l'intéressée samedi après son coup d'éclat. "Elle optimise tout. En coupant tous les loisirs, elle va optimiser sa récupération, sa diététique - parce qu'elle n'est pas tentée -, ce qui fait qu'elle peut faire davantage d'entraînements difficiles", racontait à L'Equipe avant les JO, Cécile Ravanel, une vététiste qui l'avait suivie sur le plan technique.

La recette sur ce Tour de France femmes : être toujours au bon endroit et ne pas dévoiler tout son jeu avant l'étape-reine. Dès le premier jour de course, la chouchoute du public a pourtant failli revêtir la pancarte. Partie presque sans le faire exprès dans la côté de Cadoudal, elle a finalement laissé la victoire et les honneurs du maillot à jaune à sa coéquipière Marianne Vos. "Je suis très contente de mes jambes", s'était-elle alors contentée de réagir.

La suite de la course s'est déroulée sans fausse note. À peine l'a-t-on vue émettre le moindre rictus de douleur en course. Se sachant moins rapide que des adversaires comme Kim Le Court, elle ne s'est presque jamais impliquée dans la guerre aux bonifications, à l'exception de celle dans Le Maupuy sur la cinquième étape. Ce jour-là, Pauline Ferrand-Prévôt s'est retrouvée en position idéale, deuxième du classement général, en embuscade derrière Le Court, une adversaire sans grandes références en haute montagne.

Le panache en guise de conclusion

Le lendemain, en direction de Chambéry, elle a été pendant quelques instants maillot jaune virtuel. Elle n'a pas tout donné pour enterrer Kim Le Court malgré ses difficultés dans la dernière ascension. "Je m'en fiche qu'on porte ou non le maillot. On veut le porter le dernier jour, c'est ça le but", a alors tranché son directeur sportif Jos van Emden. Il ne croyait alors pas si bien dire. Sur la huitième étape, le gros morceau de cette édition 2025, Pauline Ferrand-Prévôt a été la seule à suivre la roue lors de l'attaque de Sarah Gigante à 11 km de l'arrivée, puis elle s'est débarrassée d'elle trois bornes plus loin pour s'imposer en solitaire au sommet de la Madeleine.

La Française avait évidemment repéré l'ascension et ses coéquipières ont confirmé que le plan prévu avait été mis en place : attaquer assez tôt dans la Madeleine et profiter du relais d'une coéquipière partie dans l'échappée du jour. Marion Bunel a parfaitement joué ce rôle, permettant à "PFP" d'essorer Gigante avant de placer l'attaque fatale. "C'est vraiment un travail d’équipe. Toute la semaine ça a été un travail d’équipe", a noté l'intéressée à l'arrivée, qui a également reçu l'aide de ses parents, mués en ravitailleurs, dans les dernières pentes de la Madeleine.

Le défi était de ne pas se voir déjà arrivée. Comme prévu, la dernière journée n'a pas été de tout repos. Pauline Ferrand-Prévôt a été un temps piégée après la première descente du jour, et ses adversaires ont forcé ses coéquipières à gaspiller de l'énergie pour recoller. Même esseulée, elle n'a jamais paniqué. Restée dans la roue de Demi Vollering, qu'elle a toujours identifiée comme sa principale adversaire. Après avoir parfaitement absorbé quelques coups de boutoir, elle a attendu son heure patiemment, avant de placer une attaque décisive dans Châtel et enchaîner une deuxième victoire d'affilée, cette fois avec le maillot jaune sur les épaules. Magistral.