Rima Abdul Malak a-t-elle dit qu'elle tiendrait compte de la «couleur de peau» pour des nominations au ministère de la Culture ?

Une nouvelle polémique a vu le jour dans le chaudron de l’Assemblée nationale. Le 12 décembre, la députée du Rassemblement national Caroline Parmentier a affirmé, en s’adressant à la ministre de la Culture Rima Abdul Malak, que les nouveaux recrutements du monde de la culture, dans le cadre de l’initiative «La Relève», allaient se fonder sur la base d’un «critère ethnique», c’est-à-dire «raciste».

Ce que la ministre a nié en évoquant une «nouvelle fake news» dont les députés du RN seraient les spécialistes à ses yeux. Depuis, la polémique ne cesse d’enfler. Mais qu’a réellement dit la ministre ?

Critères de la «diversité»

Tout a commencé lors du lancement du programme «La Relève» par la ministre qui était accompagnée de Sciences Po et de l'association «Les déterminés», le 4 décembre dernier. Durant cette conférence de presse, Rima Abdul Malak a présenté l’initiative qui a pour objectif de former 101 personnes issues «de la diversité» au management culturel afin de «diversifier les nominations des futurs dirigeants d'établissements culturels».

La ministre regrettait en effet «un manque de diversité» dans les «directions d'institutions», faisant référence «aux scènes nationales, scènes de musiques actuelles, centres d'art, pôles cirques, Fonds régionaux d'art contemporain (Frac)», etc. L’objectif du programme est donc «de former, d’accompagner, de “mentorer”, de susciter l’envie» de nouveaux candidats. Qu’il s’agisse de «personnes (...) capables mais qui ne veulent pas candidater» ou de personnes «qui ne se posent même pas la question», a affirmé la ministre de la Culture.

Mais de quelle diversité parlait-elle alors ? Sur le site du ministère, la page de présentation du programme évoque à plusieurs reprises la diversité «sociale et géographique» ou encore le «handicap». Cependant, lors de la conférence de presse, Rima Abdul Malak a donné davantage de détails sur ce qu’elle entendait par ce terme : «Quand je dis diversité, c’est toutes les formes de diversité, ce n’est pas que la couleur de peau, c’est l’origine sociale, géographique, des personnes qui ont grandi en milieu rural (...), des personnes en situation de handicap», a-t-elle précisé, laissant entendre que la «couleur de peau» était effectivement - et même naturellement - l’un des critères de la diversité sur lequel il était possible de s’appuyer.

Un recrutement contraire au droit français

Or, en répondant à l’accusation de la députée RN de «discrimination sur la base d'un critère ethnique» avec la prise en compte de la «couleur de peau» dans l’Assemblée nationale, la ministre n’a pas réitéré son propos. «Si vous aviez pris le temps de regarder la conférence de presse (...), vous auriez pu constater que tout ce que vous dites est faux», a-t-elle répondu à l’élue de la chambre basse. «Je n’ai pas parlé de critères. J’ai précisé plusieurs fois que j’entendais diversité au sens social, géographique».

La ministre n’a effectivement pas affirmé stricto sensu qu’elle souhaitait établir des critères ethniques pour nommer les directeurs de centres culturels en France. Elle a néanmoins détaillé, au cœur de sa conférence de presse sur le sujet, le sens que revêtait selon elle le terme de «diversité». En mentionnant, en premier lieu «la couleur de peau» et en laissant ainsi planer l’incertitude.

Quoi qu’il en soit, ce type de recrutement ne serait «pas du tout légal», tranche Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l'Université Paris II Panthéon-Assas. Car «il ne peut pas y avoir de discrimination sur une base ethnico-raciale ou même religieuse». Ce serait «une rupture fondamentale avec tout ce qui fait la pensée universaliste républicaine et les fondements mêmes de notre droit et notamment de la Constitution». D’autant que cela poserait de nombreux problèmes, poursuit le spécialiste. «Quel critère retiendrait-on? Comment sait-on que l'on appartient à tel critère ? Les gens ne sont pas des archétypes», a-t-il interrogé.

En résumé, si Rima Abdul Malak n’a pas clairement affirmé vouloir intégrer des «critères ethniques» dans les recrutements du monde de la culture, elle a toutefois insisté sur une nécessaire «diversification» du milieu avant de préciser ce qu'elle entendait par diversité. Et en détaillant cela, la ministre a bien évoqué «la couleur de peau», laissant la confusion s’installer. Cela reviendrait à établir de la discrimination positive ethnique dans le recrutement d’agents publics, ce qui est contraire au droit français.