REPORTAGE. Tour de France 2025 : "On pèse les assiettes au gramme près"... Dans les coulisses du camion nutrition de l’équipe TotalEnergies
Au menu ce soir-là : carpaccio de melon avec de la stracciatella, des pistaches et du citron, suivi d’un poulet basquaise avec du riz ou des pâtes, puis une tartelette abricot, amande et menthe. Avant une collation laitière prise en chambre. Sur le Tour de France, l’équipe TotalEnergies dispose de son propre camion nutrition, dans lequel trois nutritionnistes s’affairent pour préparer les petits-déjeuners, les collations et les dîners des huit coureurs, en adaptant leurs repas à leurs dépenses caloriques.
Lumières tamisées le matin pour se réveiller, et le soir pour s’apaiser. Les coureurs de l’équipe vendéenne sont bichonnés dans la petite salle qui leur sert de restaurant, dans le camion nutrition. Ils sont les seuls membres de l’équipe à y dîner, à l’écart du staff, pour décompresser, et surtout pour gagner du temps. "Sur un Grand Tour, on estime que c’est une heure de gagnée, plutôt que d’aller dîner dans le restaurant de l’hôtel et attendre d’être servi parce qu’il y a d’autres clients. C’est primordial pour la récupération", estime Pierre Pasquier, nutritionniste, au milieu de sa cuisine professionnelle de quelques mètres carrés.
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Au-delà de ce gain de temps, cet espace permet surtout une maîtrise totale des aliments ingérés par les coureurs, sans risque de contamination. "On envoie la liste aux hôtels qui font les courses pour nous, et ASO (l’organisation) prend en charge. On essaye d’aller sur de la qualité, du bio de préférence, du local si on peut, poursuit Pierre Pasquier en finissant d’emballer des parts de gâteau de riz à la crème de marron. On prépare aussi des clafoutis à la pêche. Les coureurs en mangent sur l’étape, quand ce n’est pas trop intense. On sait exactement combien de grammes de glucides il y a dedans, souvent entre 20 et 40".
5 000 à 6 000 calories dépensées sur une étape
Une maîtrise des quantités qui se retranscrit aussi dans les assiettes au dîner, différentes pour chaque coureur selon ses dépenses caloriques du jour. "On pèse les assiettes au gramme près, explique le nutritionniste, constamment en lien avec le médecin de l’équipe. Un humain oscille entre 2 000 et 2 500 calories en besoin quotidien. Mais un coureur, rien que sur l’étape, en dépense entre 5 000 et 6 000, qui s’additionnent aux besoins journaliers. Donc on veut être sûr qu’ils mangent suffisamment, parce qu’un coureur qui perd 300 grammes par jour, ça fait 3 ou 4 kilos en fin de Tour, ce n’est pas possible".
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Et pour savoir combien de calories ont été ingérées pendant la course, les coureurs essayent de compter combien de gels énergétiques ils consomment. "On doit manger environ 100 grammes de glucides par heure, donc c’est à nous de gérer, on calcule à peu près en début de course pour mettre ce qu’il faut dans les poches", explique Alexandre Delettre, qui participe à son premier Tour de France. Et le soir, "les quantités dans l’assiette dépendent du profil du coureur et de l’étape. Anthony (Turgis) et Emilien (Jeannière, qui a dû abandonner) ont un profil plus sprinteur et donc un poids un peu plus élevé que les autres, donc ce sont eux qui ont les plus grosses portions, poursuit Pierre Pasquier. Mais sur la huitième étape, on a vu Mattéo (Vercher) et Mathieu (Burgaudeau) faire un raid à deux, donc la dépense énergétique était plus importante, donc les quantités étaient plus élevées".
De la gourmandise, mais diététique
Ainsi, pour le plat, l’assiette du coureur peut monter à 500 grammes de féculents cuits. "Parfois, on a du mal à les finir parce qu’il y a beaucoup de quantité, donc on peut compenser avec des aliments plus liquides, comme des smoothies, pour avoir le bon nombre de calories", ajoute Alexandre Delettre.
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Et contrairement aux idées reçues, les coureurs ne mangent pas uniquement des pâtes ou du poulet au dîner. "Et heureusement, sourit celui qui a fini quatrième du dernier championnat de France. On a des plats assez variés et ça fait la différence pour ne pas être lassé le soir après l’étape. On sait qu’ils cuisinent bien, ça nous réconforte". Depuis le début de la Grande Boucle, le coureur a particulièrement apprécié le flan pâtissier à la pistache et la blanquette de veau. Au sein de l’équipe TotalEnergies, il n’y a pas d’aliments interdits par les nutritionnistes, "pour que les coureurs s’écoutent, qu’il n’y ait pas de frustration et de gros craquage, et parce qu’ils sont assez lucides pour savoir ce qui est bien pour eux".
"Par contre, c’est sûr que dans le camion nutrition vous n’allez pas trouver de biscuits apéro ou de saucisson, tempère Pierre Pasquier. Mais on aménage les recettes pour que ça soit adapté à leurs besoins, tout en restant gourmand. Sur un gâteau au chocolat par exemple, on va réduire les matières grasses et enrichir en compote, c’est mieux pour les glucides et ils ne s’en rendent pas compte". Au petit-déjeuner, pas de viennoiseries ou de pâte à tartiner toutefois, mais "soit du porridge, du riz, des pancakes, ou beaucoup de pain aussi. Et des choses à tartiner comme de la purée d’amandes ou de noix. Mais surtout beaucoup de féculents", poursuit le nutritionniste.
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Les coureurs ont davantage le droit de se faire un peu plus plaisir en veille de journée de repos, puisqu’ils n’ont pas d’étape à gérer le lendemain. "Là on passe la journée de repos en Auvergne, donc on a un burger auvergnat avec du Saint-Nectaire. On fait aussi des pizzas", souligne Pierre Pasquier. Et en plus du suivi des sept coureurs restants pour l’équipe vendéenne sur le Tour de France, le nutritionniste continue de suivre, en parallèle, la vingtaine d’autres coureurs de l’équipe, à l’entraînement pour d’autres courses, à qui il envoie des programmes de nutrition.