Pêche industrielle dans les aires marines protégées : deux ONG attaquent l’État en justice

L’inaction de l’État en matière de protection de l’environnement est à nouveau entre les mains de la justice. Les ONG Environmental Justice Foundation (EJF) et Défense des Milieux Aquatiques (DMA) ont annoncé mardi 11 février le lancement d’une action en justice contre l’État français.

Leur objectif : mettre fin du chalutage de fond dans les Aires marines protégées (AMP) françaises du réseau Natura 2000, de Chausey et des Bancs des Flandres. Tout un symbole, à quelques mois de la troisième conférence des Nations unies sur les océans (Unoc), qui aura lieu du 9 au 13 juin à Nice, dans les Alpes-Maritimes.

« 90 % des habitats et espèces marins sont en état de conservation défavorable »

« Nous demandons aujourd’hui la mise en œuvre effective et immédiate du droit applicable », déclare Marie Colombier, chargée de campagne Océans chez EJF. Les ONG s’appuient sur la Directive européenne Habitats-Faune-Flore de 1992, transposée en droit français.

Si l’un des recours a été déposé au Tribunal administratif de Rouen, c’est le Conseil d’État qui tranchera pour l’AMP de Chausey, étendue sur deux régions maritimes et qui relève donc de la compétence de deux préfets. « Dans ce cas-là, le Code rural et de la pêche maritime prévoit que c’est le ministre qui est compétent », précise Raphaëlle Jeannel, avocate au sein du cabinet Huglo Lepage Avocats.

Un choix stratégique, qui leur permet de porter la défense de ces zones au niveau national, mais aussi, peut-être, de créer un précédent juridique : « Nous espérons que ces recours entraîneront ensuite les autorités françaises à mieux appliquer la réglementation dans les zones Natura 2000 », annonce Raphaëlle Jeannel. L’enjeu est majeur, à l’heure de la crise environnementale. « Les Aires marines protégées sont des puits de biodiversité et également les poumons de notre planète », martèle Marie Colombier, de l’ONG EJF : « 90 % des habitats et espèces marins sont en état de conservation défavorable. »

« Les fonds marins mettent 10 ans à se remettre du passage d’un chalut »

Ces deux aires ont une autre dimension emblématique, éclaire Raphaëlle Jeannel, l’avocate de la campagne : « Elles servent de zone de nourricerie, de reproduction à des crustacés, à des petits poissons. C’est une zone source pour la biodiversité. » Le chalutage de fond, dont les lourds filets raclent tout ce qui se trouve sur leur passage au fond des océans, est encore pratiqué dans 77 % des sites marins Natura 2000, d’après les estimations des associations.

Concrètement, dans les deux zones concernées, il représente « des dizaines de bateaux et des milliers d’heures » de pêche, détaille Philippe Garcia, président de DMA. Les ONG rappellent également qu’aucune étude d’impact environnemental n’a été réalisée, alors même que le risque de dégradation de ces habitats protégés est connu.

« Les fonds marins mettent à peu près 10 ans à se remettre du passage d’un chalut. Et certaines zones sont chalutées de manière régulière », abonde Mathilde Ollivier, sénatrice écologiste des Français de l’étranger qui soutien l’action des deux ONG. L’élue s’indigne de devoir passer par la case justice : « Cette action montre la contradiction entre les grands engagements pris par la France à l’échelle internationale, les grandes déclarations qui ont été faites par le président de la République et les ministres successifs, et la réalité de la protection des aires marines protégées. »

Et de déplorer « qu’aucune technique de pêche, aucune taille de bateau ne soient régulées ou interdites dans ces aires marines protégées ». La sénatrice prépare également une proposition de loi, qu’elle souhaite inscrire à l’ordre du jour de la niche de son groupe parlementaire au cours du sommet des Nations Unies, en juin. D’autant, estime-t-elle, que « la France est la deuxième puissance en termes d’eau territoriale dans le monde. Nous avons la possibilité d’avoir un vrai poids politique à l’échelle internationale sur la protection des océans et de nos eaux territoriales. »

Un secteur en crise

Les associations entendent également défendre la pêche artisanale, davantage respectueuse de l’environnement et créatrice d’emplois que les méthodes industrielles. « Nous demandons aussi à l’État qu’il accompagne les pêcheurs concernés », ajoute Raphaëlle Jeannel.

Une nécessité pour un secteur en crise, analyse à son tour Philippe Garcia : « Les navires de pêche artisanale étaient à peu près 5 000 au début des années 2000. Aujourd’hui, ils sont 3 400. » La concurrence est rude et la ressource, surpêchée, s’épuise. « Notre motivation est double. Il y a d’une part l’urgence écologique et d’autre part la crise de la pêche », explique encore Philippe Garcia. « L’histoire n’est pas écrite d’avance, on peut intervenir utilement et efficacement à condition de prendre des vraies mesures. La communication, c’est fini. Maintenant, il faut rentrer dans le dur et agir. »

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