Le mouvement fait tache d'huile dans la contestation des abattages de troupeaux de vaches atteints par la dermatose nodulaire contagieuse des bovins (DNC). Ce qui se passe en Ariège en ce moment s'est aussi passé début décembre dans le Doubs.
Là-bas aussi des agriculteurs de la Confédération paysanne et de la Coordination rurale se sont opposés à cette mesure dans une exploitation de 82 vaches laitières, des vaches pourtant vaccinées contre la DNC. Elles ont fini par être euthanasiées après intervention des gendarmes.
Pourquoi les agriculteurs contestent la stratégie de l'Etat ?
Ces deux syndicats remettent en cause la stratégie de l'Etat depuis des mois, depuis la propagation de la maladie à d'autres régions que la Savoie. Malgré les mesures prises, la DNC est arrivée dans l'Ain, le Jura, le Doubs puis le Sud-Ouest. C'est la preuve, pour ces syndicats, que l'abattage est inutile. Perdre un troupeau est terrible pour un éleveur, il perd des dizaines d'années de travail car un troupeau est quelque chose qui se construit.
Eux veulent une autre stratégie : abattre uniquement les vaches malades, mettre le secteur sous cloche, c'est-à-dire interdire les déplacements, et laisser faire le virus. Ils ont proposé que ce protocole alternatif soit testé autour de cette exploitation de l'Ariège, mais le ministère a dit non.
Quelles mesures défend l'Etat ?
Le ministère de l'Agriculture affirme que ses mesures sont les bonnes, abattage à la moindre vache malade, vaccination autour des foyers et interdiction de transports d'animaux dans les zones touchées. C'est efficace car la Savoie n'est plus en zone réglementée, comme le Rhône, qui l'a été également. Pour l'Etat, la DNC continue de se propager à cause d'éleveurs qui ne respectent pas les règles, en bougeant des bovins malgré les interdictions.
La FNSEA soutient ces mesures car elles viennent de vétérinaires. Et puis il faut aussi relativiser les chiffres : 74 élevages sont concernés sur 146 000 exploitations consacrées à l'élevage, 3 000 vaches ont été abattues sur 16,5 millions de bovins.
Pourquoi le contexte est inflammable ?
Le contexte n'est pas le bon. Le prix carcasse, c'est-à-dire le prix moyen que paye l'abattoir à l'éleveur atteint quasiment 9 euros le kilo en ce moment, soit 20% de plus qu'en 2024. Les éleveurs n'ont jamais vu cela, donc ce n'est pas le bon moment de perdre son cheptel. Et c'est pourquoi on assiste à cela dans des terres d'élevage : le Doubs avec le Comté – quand elle vieillit une vache laitière devient une vache de réforme destinée à la viande – et le Sud-Ouest avec des élevages de bovins pour la viande.
Quel serait l'impact d'une vaccination généralisée ?
Certains réclament la généralisation de la vaccination à tous les bovins en France. Mais la ministre refuse parce que les conséquences économiques seraient désastreuses. Si la France décide de vacciner tous les bovins, elle reconnaît que la maladie est partout, elle perd son statut de pays indemne, donc elle ne peut plus exporter. Sauf que la filière de production de viande bovine a besoin de l'étranger.
En France, on fait naître des veaux qu'on envoie en Italie ou Espagne pour être engraissé, on récupère ensuite ces animaux pour qu'ils soient abattus et consommés. Si la France perd son statut indemne, tout est bloqué pendant 14 mois, alors que c'est une filière importante. Nous sommes le premier pays exportateur d'animaux vivants au monde.
Les montants générés par les envois de bovins ont dépassé le milliard d'euros en 2024, selon les douanes. D'autant que la France vient de passer un accord avec l'Italie sur le protocole actuel. On peut envoyer des bovins vaccinés depuis les zones touchées, mais seulement depuis les zones touchées. Il faudrait tout revoir. Au dernier parlement d'élevage, où se réunissent tous les acteurs de la filière, la ministre a dit y réfléchir, avec une clause de revoyure en janvier.