«C’est de la malbouffe mentale» : le cri de Jenna Ortega et Bong Joon Ho contre l’IA au Festival de Marrakech

Ils seront peut-être divisés sur le film qui recevra le prix roi de l’Étoile d’Or. Mais au Festival du film de Marrakech, qui a démarré vendredi soir, le réalisateur coréen de Parasite et président de cette édition Bong Joon-ho et ses jurés, parmi lesquels les comédiennes Jenna Ortega et Anya Taylor Joy, ont montré un front uni contre l’intelligence artificielle. «Pour reprendre les mots de Guillermo del Toro qui donnera une masterclass à Marrakech la semaine prochaine, on emmerde l’IA», a lancé la réalisatrice Celine Song, sortant de sa torpeur la traditionnelle conférence de presse du jury.

«L’IA détruit la planète et colonise nos esprits en bouleversant la manière dont nous accueillons images et sons», a déploré la réalisatrice coréo-canadienne de Materialists, «Pour citer la série d’Apple TV Severance  que j’aime énormément, l’IA prend le contrôle sur ce qui fait la beauté de la vie et sa créativité. Quand je travaille avec mon directeur de la photographie, je bénéficie de son savoir-faire qui a été façonné par son parcours, ses réussites et ses échecs. Quelque chose qu’un algorithme ne peut générer».

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Plus jeune membre du jury du haut de ses 23 ans, la star de la série Mercredi  et de la saga horrifique Scream Jenna Ortega a enfoncé le clou. «L’humanité est toujours tentée d’aller trop loin. Avec l’IA, nous avons ouvert une boîte de Pandore. Or les temps incertains que nous vivons encouragent les artistes à s’exprimer davantage, à s’investir plus, à susciter un nouvel élan. Des choses que l’IA est incapable de reproduire. Un ordinateur ne peut pas vivre des moments magnifiques ou des épreuves. Un ordinateur n’a pas d’âme». Et de souligner : «L’IA va devenir une sorte de malbouffe intellectuelle, une source de malaise inexplicable. Aussi terrible que cela puisse paraître, il faut parfois priver le public de quelque chose pour qu’il apprécie à nouveau».

Le réalisateur marocain Hakim Belabbes voit dans l’IA une dérive «colonialiste». «C’est un blanchiment de notre héritage. Lorsque j’écris de droite à gauche en arabe, l’IA ne peut traduire mes textes. La beauté réside dans la nuance, l’ambivalence, l’erreur, l’imperfection. L’IA ne développe pas la collaboration humaine, elle est un outil, avant tout, financier». Bong Joon-ho a clos le débat sur une note personnelle : «L’IA va nous révéler ce que seuls les humains sont capables de faire. Mais personnellement, je créerais bien des escadrons militaires dont la mission serait d’anéantir l’IA».

«Faire des découvertes»

C’est bien le contraire de l’IA que sont venus chercher les jurés de cette 22e édition, qui sélectionne en compétition des premiers et des seconds films. «Nous sommes à Marrakech pour faire des découvertes et se confronter à des primo-réalisateurs audacieux et courageux. Quand on commence derrière la caméra, il n’y a pas d’autres choix que cette énergie et d’être sans peur», salue Bong Joon-ho

Son jury va départager 14 longs-métrages «intimistes» mettant en valeur des talents internationaux émergents venus d’Égypte, du Royaume-Uni, de Tunisie, du Maroc, des Philippines, de République tchèque. Dans cette sélection, plusieurs œuvres se sont déjà fait remarquer en festival. Notamment My Father’s Shadow  d’Akinola Davies Jr et Promis le ciel  d’Erige-Sehiri à Cannes. Derrière les palmiers de la réalisatrice marocaine Meryem Benm’Barek voit Sara Giraudeau camper une riche expatriée française qui fait tourner la tête à un jeune marocain.