Avortement, immigration, idéologie du genre : qui est Mgr Coakley, le nouveau chef des évêques américain ?

Sans surprise, Mgr Paul Coakley a été élu chef de l’Église américaine mardi, lors de l’assemblée annuelle des évêques américains, à Baltimore. À 70 ans, Paul Coakley est un prélat d’expérience, intronisé évêque par Jean-Paul II en 2004, puis nommé archevêque en 2011 par Benoît XVI dans l’État de l’Oklahoma, un bastion conservateur de la Bible Belt.

Depuis trois ans, il était secrétaire de la conférence épiscopale américaine, donc numéro trois de la hiérarchie catholique américaine. Le vice-président précédent, numéro deux, étant trop âgé, le choix s’est naturellement porté sur Mgr Coakley. Malgré un côté plutôt conservateur, l’archevêque a un profil rassembleur, et a promis de «servir l’unité».

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Les progressistes au sein de l’Église américaine lui reprochent essentiellement d’avoir apporté son soutien en 2018 à Mgr Vigano, ancien nonce apostolique - ambassadeur du Vatican - à Washington qui avait appelé le pape François à la démission en l’accusant d’avoir couvert des abus sexuels. L’ancien prélat a été excommunié depuis pour avoir refusé de reconnaître l’autorité pontificale.

Pro-life

Coakley est aussi le conseiller ecclésiastique du Napa Institute, une influente organisation créée par des catholiques conservateurs, qui n’a pas manqué de le féliciter. Il a par ailleurs une certaine affinité pour la liturgie traditionnelle, célébrée en latin, même s’il est toujours resté discret à ce sujet. Il a un temps songé à la vocation monastique en effectuant un séjour à l’abbaye française de Notre-Dame de Fontgombault, siège d’une communauté traditionnelle de moines bénédictins. Il est ensuite revenu à plusieurs reprises en France pour marcher sur les chemins de Compostelle avec deux autres confrères évêques.

Mais Mgr Coakley est surtout connu pour sa défense ferme de la doctrine sociale de l’Église. Comme une large partie des évêques américains, il soutient le combat des pro-life américains contre l’avortement. Il a félicité directement par exemple les législateurs de l’Oklahoma pour le vote d’une loi en 2022 qui a interdit l’avortement dès la fécondation. Mgr Coakley s’est aussi opposé à l’idéologie du genre tout en militant pour un accompagnement pastoral des personnes transgenres. Les évêques américains ont d’ailleurs interdit, lors de l’assemblée plénière cette semaine, les transitions de genre dans les établissements hospitaliers catholiques.

Mgr Coakley s’est encore prononcé contre la peine de mort, à l’instar du pape Léon XIV qui avait fait une rare intervention dans le débat politique américain début octobre à ce sujet. «Quelqu’un qui dit : "Je suis contre l’avortement mais je suis en faveur de la peine de mort" n’est pas vraiment pro-vie», avait-il dit. «De même, une personne qui dit : "Je suis contre l’avortement, mais je suis d’accord avec le traitement inhumain des immigrés aux États-Unis", je ne sais pas si c’est pro-vie», avait ajouté le pape, originaire de Chicago ou la police de l’immigration américaine (ICE) a été déployée pour lutter contre l’immigration illégale.

Consensus sur l’immigration

Si l’épiscopat américain reste très polarisé et peine parfois à parler d’une même voix, la dénonciation de la politique d’immigration de l’administration Trump, en revanche, a fait remarquablement consensus lors de l’assemblée annuelle à Baltimore.

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«La question de l’immigration avec la récente intensification des mesures de contrôle par le gouvernement américain, suscitant anxiété et peur dans les communautés à travers le pays, a été un point central des discussions», a expliqué un porte-parole. Encouragés depuis Rome par Léon XIV, les évêques américains ont ainsi publié un rare «message spécial» par un vote de 216 voix pour et 5 contre. Ce genre de déclaration pastorale, qui nécessite au minimum les deux tiers des voix, est rare : la dernière remontait à 2013, en réaction à l’obligation pour les assureurs, imposée par l’administration Obama, de rembourser les frais liés à la contraception.

«Dignité humaine et sécurité nationale ne sont pas incompatibles», écrivent les évêques dans ce texte, qui s’opposent «aux expulsions massives et indiscriminées». Tout à fait en phase avec ce message, Mgr Coakley avait déclaré pour sa part, dès le mois de février, que ces expulsions suscitaient «la peur et même la détresse chez nos voisins immigrants, migrants et réfugiés, arrivés en quête des mêmes rêves que nombre de nos ancêtres à une autre époque». Les populations d’immigrés latino-américains comptent une forte proportion de catholiques et ont souvent été inquiétées depuis le début de l’année par des raids aléatoires de l’ICE. Des paroisses ont même rapporté une baisse de la fréquentation.

«Menaces sur les lieux de culte»

«Nous sommes troublés par les menaces qui pèsent sur le caractère sacré des lieux de culte et sur le caractère particulier des hôpitaux et des écoles. Nous sommes profondément touchés lorsque nous rencontrons des parents qui craignent d’être arrêtés en emmenant leurs enfants à l’école et lorsque nous essayons de consoler des familles déjà séparées de leurs proches», ont aussi écrit les évêques.

Signe que cette question est centrale pour les prélats américains, Mgr Coakley a failli être battu par un autre évêque texan, Mgr Daniel Flores, venu d’un diocèse à la frontière avec le Mexique et très engagé dans la défense des migrants. «Nous devons nous exprimer plus fermement sur la dignité des immigrants, pour dire qu’ils ne sont pas des criminels, qu’il s’agit de familles vulnérables», avait déclaré le prélat avant la réunion à Baltimore. Daniel Flores a été élu vice-président dans la nouvelle équipe dirigeante de l’Église américaine.