Ancien commissaire de police judiciaire sur les Champs Élysées, Jean-Paul Chavanette a consacré un roman policier et historique au vol de 1792 : « Les diamants de la Révolution » (éditions Maïa, 2025).
Le cambriolage de ce dimanche 19 octobre au sein du musée du Louvre rappelle celui du 11 septembre 1792 commis au Garde-Meuble de la Couronne où le trésor royal de la couronne avait disparu. Si le casse du Louvre pourrait, par son retentissement, être celui du siècle, celui de 1792 a été le casse du millénaire puisqu’il s’agissait du trésor d’une dynastie. Dix mille diamants et pierres précieuses amassées depuis le XVIe siècle par les rois de France. Au Garde-Meuble, actuel Hôtel de la Marine situé place de la Révolution, place de la Concorde, les voleurs s’étaient emparés du trésor de la France incarnée par une monarchie séculaire. Comment a-t-on découvert ce larcin extraordinaire ?
Passer la publicitéIl est 23 heures et la place de la Révolution est tranquille : ce n’est qu’une apparence. Quatre gendarmes patrouillent sereinement lorsque soudain, d’un des réverbères, tombe un homme aviné qui s’écroule au sol. Les gendarmes le relèvent. De ses poches, s’échappent une dizaine de diamants. Alors qu’il est interpellé, un autre homme tombe également du haut d’un autre lampadaire situé au pied du « Bâtiment du mobilier de France ». Fouillé, ses poches sont également remplies de diamants et autres bijoux précieux. Les gendarmes lèvent la tête et aperçoivent des cordes qui pendent du balcon du monument. Tout le premier étage est illuminé.
Après le gigantesque cambriolage, les pierres de la « Toison d’or », sont devenues les diamants de la République. Dès lors, l’enquête policière se devait de les retrouver pour les restituer à la Nation.
Jean-Paul Chavanette
Par la porte d’entrée du monument, restée entrouverte, rue Saint-Florentin, les gendarmes se précipitent à l’étage. Ils n’en croient pas leurs yeux : une trentaine d’hommes d’allure patibulaire font la fête avec autant de femmes dévêtues, laissant penser à des prostituées ; ils mangent, boivent, vautrés à moitié nus sur les fauteuils ; au milieu de cette grande salle de fête, un agneau rôtit à la broche ; le désordre est indescriptible ; les portes des armoires sont toutes ouvertes ; des objets précieux traînent partout ; au sol, des dizaines et des dizaines de diamants. La scène est surréaliste ! Il est évident, pour les gendarmes éberlués, qu’un immense cambriolage est en cours, doublé d’une orgie incroyable. Certains malfaiteurs sont arrêtés, d’autres s’enfuient.
Après la proclamation de la République, le 22 septembre 1792, six jours après le gigantesque cambriolage, le « Régent », le « Bleu de France », le « Sancy », le « Grand Saphir », les « Mazarins » et toutes les autres pierres de la « Toison d’or », sont devenues les diamants de la République. Dès lors, l’enquête policière se devait de les retrouver pour les restituer à la Nation.
Elle a démontré une triple manipulation d’État. D’abord plusieurs cambrioleurs de second ordre ont été arrêtés sur place. L’information leur avait été donnée par un voleur introduit initialement dans les lieux, un dénommé Paul Miette, chef de la bande la plus puissante de la capitale. Mais une autre hypothèse a rapidement germé : celle d’un vol couvert par le ministre de la Justice de l’époque, Danton pour acheter la bataille de Valmy. Celle-ci n’a-t-elle été qu’une bataille d’opérette ? Les diamants des rois ont-ils sauvé la Révolution ? Aucune preuve n’a jamais été apportée. Étrangement, seulement cinq seconds couteaux ont été décapités face au Garde-Meuble, lieu de leur forfait. La guillotine amenée sur la place y est restée. À la suite, elle tranchera les têtes du Roi, de la Reine et de nombre de révolutionnaires. Bizarrement, Paul Miette et les autres membres de sa bande ont été graciés.
Ces deux vols extraordinaires, à deux époques différentes, révèlent la faillite des mesures de sécurité inappropriées, comme les cambriolages récents d’autres musées le démontrent.
Jean-Paul Chavanette
Sur les dix mille diamants volés, sept mille ont été retrouvés. Ironie de l’histoire, ils sont exposés dans deux vitrines jouxtant celles qui ont été fraquées ce dimanche. Les parures avaient été reconstituées patiemment par Napoléon 1er pour l’impératrice Marie-Louise, puis par Napoléon III pour l’impératrice Eugénie dont la fameuse « couronne haut de tête » que les voleurs du Louvre ont perdue dans leur fuite. En 1887, une vente avait été ordonnée par la IIIe République pour disperser ce qu’il restait des autres pierres. Au Louvre, ce dimanche, les voleurs se sont donc accaparé la mémoire défunte du peuple français.
Passer la publicitéCes deux vols extraordinaires, à deux époques différentes, révèlent la faillite des mesures de sécurité inappropriées, comme les cambriolages récents d’autres musées le démontrent.
Si en 1792, le contexte historique révolutionnaire était chaotique, en 2025, la déliquescence des pouvoirs publics et la crise des institutions ont-elles ouvert une fenêtre d’opportunité pour une entreprise criminelle ? Il n’en demeure pas moins que, dans les deux affaires, c’est l’identité culturelle de la France qui a été violée.