TEMOIGNAGES. En Syrie, la très longue quête de vérité et de justice des mères dont les enfants ont disparu pendant les années de répression

Quatorze ans après le début de la guerre, la Syrie tente encore de retrouver ses disparus. Des milliers d’enfants ont été enlevés ou arrêtés pendant les années de répression. Depuis la chute du régime Assad en décembre 2024, les prisons ont rouvert, mais beaucoup de familles n’ont toujours aucune nouvelle. Dans les faubourgs de Damas, des mères continuent de chercher, inlassablement.

Elles sont des milliers à vivre dans l’attente. Pendant des années, elles ont frappé à toutes les portes : commissariats, prisons, hôpitaux, ONG... Certaines ont payé des intermédiaires, vendu leurs bijoux, juste pour un signe, un nom sur une liste.

Sa voix tremble quand elle raconte comment on lui a volé ses espoirs. Bouthaina est la mère d’Abdallah, disparu à 14 ans devant un centre commercial de Jaramana, en 2013. "Mon fils était jeune et il n'a rien fait de mal, raconte-t-elle. Il n'a jamais participé à la moindre manifestation et même s'il s'y était rendu, quel était son intérêt à son âge ? C'était encore un adolescent ! C'est de l'injustice, nous avons vécu l'injustice, c'est tout, poursuit-elle, en pleurs. La seule chose qui a changé depuis la chute du régime c'est qu'il n'y a plus Bachar al-Assad et ses injustices."

"Les disparus, la torture, Saydnaya ou les services de renseignements qui nous terrorisaient : tout cela a pris fin et les jeunes peuvent désormais sortir dans la rue sans avoir peur d'être arrêtés arbitrairement."

Bouthaina, mère d'Abdallah, disparu en 2013

à franceinfo

D’autres refusent de quitter la capitale tant qu’elles n’auront pas su. Certaines gardent encore la chambre de leur fils intacte, comme un sanctuaire. Leurs visages ont vieilli, mais leur détermination reste la même.

"Qu'on reconnaisse notre statut de victimes"

Safinaz, originaire de Deir Ezzor, dont le fils Majid a été enlevé à 14 ans, serre dans ses mains la photo de son fils en maillot de foot, comme pour le retenir encore un peu. "La première chose qu'on demande, c'est qu'on reconnaisse notre statut de victimes, lance-t-elle. Ensuite, qu'on nous soutienne d'un point de vue psychologique et médical et qu'on aide les familles de victimes via des programmes d'éducation pour nos autres enfants. On veut des opportunités d'emploi car pour beaucoup de familles, nos fils étaient aussi des soutiens économiques dans le foyer. Tout cela, c'est vraiment le minimum qu'on puisse réclamer."

"Evidemment, on veut que les personnes qui ont arrêté et torturé nos enfants soient jugées et condamnées un jour."

Safinaz, mère de Majid, enlevé à 14 ans

à franceinfo

Au-delà de leur douleur, ces mères réclament aujourd’hui une chose simple : la vérité. Une commission d’enquête sur les disparus a été créée, mais ses résultats tardent. Dans un pays qui tente de se reconstruire, la justice transitionnelle reste un rêve lointain.