«Quand est-ce que les fabricants de chaussures de sport feront plus que le “Shrink it, Pink it”?», s’interroge une étude menée par le Département de physiologie biomédicale de l’université Simon Fraser, au Canada. «Shrink it, Pink it», c’est cette méthode de conception née dans les années 1980 et répandue dans les studios de design des marques de sport, qui consiste à partir d’un modèle pour homme, de le réduire en taille et de le décliner en rose pour en faire un modèle féminin. Une méthode somme toute logique il y a quelques décennies quand le marché du running était très majoritairement masculin. Les prototypes qui sont toujours très chers à développer, s’appuyaient donc traditionnellement sur les bases de données biomécaniques (formes de pied, foulées, pressions plantaires) provenant de coureurs hommes et sont conçus à l’aide d’un moule tridimensionnel basé sur l’anatomie de ces messieurs.
Seulement, cinquante ans après, alors que la pratique du sport a nettement évolué et que ces dames représentent un peu plus de la moitié des coureurs amateurs, comment est-il possible que les équipementiers ne développent pas des chaussures de running spécifiquement féminines? Alors que par ailleurs, cette industrie a investi des milliards de dollars dans le développement de modèles afin de prévenir les blessures, d’améliorer le confort et les performances... des hommes.
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Passer la publicitéPourtant, les designers n’ignorent pas les nombreuses différences entre les genres sur les plans anatomique (masse corporelle, longueur des pieds et des membres inférieurs, posture du bassin, cambrure de la voûte plantaire, etc.) et biomécanique, sachant que les femmes courent à une cadence plus élevée, leur temps de contact au sol est plus court et les forces de réaction au sol sont plus faibles - ce qui agit sur les impulsions transmises à la semelle intermédiaire. Les cycles menstruels, la grossesse ou encore la ménopause ont aussi une incidence sur l’expérience de la course à pied.
Enfin, des modèles dits «women-first»
Cette étude qualitative a ainsi interrogé à Vancouver, 21 femmes de 20 à 70 ans, dont onze courent en amateur (30 km par semaine) et 10 en compétition (plus de 45 km par semaine). Neuf d’entre elles couraient pendant leur grossesse ou peu après avoir accouché. Toutes ont été interrogées sur les critères d’achat de leurs chaussures de course, qui s’ils n’oublient pas le style, classent en priorité, le confort, la prévention des blessures et la performance. Si les amateurs cherchent, souvent sans trouver, une pointe plus large et un talon plus étroit, et les plus âgés, une plus grande stabilité et un meilleur amorti, les compétitrices réclament de la technicité (comme les plaques de carbone) sans nuire au confort.
D’après leurs réponses, les besoins spécifiques des femmes ne sont actuellement pas satisfaits, notamment en termes de fit, de semelle intermédiaire mais aussi de drop (différence talon/avant-pied) par l’industrie de la chaussure... Toutefois, les mentalités commencent à changer, et des marques comme Nike, Puma et Lululemon proposent désormais des modèles dits «women-first» basés entre autres sur les analyses de foulées féminines.