C’est le dossier qui continue d’empoisonner le second quinquennat d’Emmanuel Macron. Alors que les partenaires sociaux (syndicats et patronat) ont trois mois pour renégocier la dernière réforme des retraites – qui relève progressivement l’âge légal de départ à 64 ans –, leurs travaux ne commenceront officiellement qu’après la fin de la « mission flash » confiée par François Bayrou à la Cour des comptes sur l’état financier du système. En découlera d’abord un rapport, qui devrait être remis au gouvernement le 19 février, puis une seconde analyse, attendue pour la mi-avril, sur l’impact d’une évolution des paramètres des retraites sur la compétitivité et l’emploi, selon la lettre de cadrage de Matignon envoyée le 20 janvier aux sages.
Invité dimanche du « Grand Jury-RTL-Le Figaro-M6-Public Sénat », le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, s’est engagé à dresser un tableau complet de la situation, en vue d’« améliorer » et de « réformer la réforme » adoptée dans la douleur au printemps 2023. Écartant par là de proposer une « réforme systémique » ou de recommander tel ou tel scénario à l’exécutif. « Nous montrerons ce qui se passe quand on joue sur les différents paramètres », a indiqué l’ancien ministre de l’Économie, citant à cet égard les « leviers d’action » disponibles : « L’âge, le niveau des prestations, le niveau des cotisations. » Cette réflexion doit selon lui se « projeter » sur les vingt prochaines années. Même s’il ne balaye pas l’hypothèse d’engager « un jour, sans doute », une nouvelle réforme des retraites si « on se projette à 2070 ». « Il s’agit d’avoir un travail très fort, une référence, lisible, très pédagogique et utile », a espéré l’ancien ministre de François Hollande.
La Cour des comptes, une institution « respectée par les Français »
Celui qui est aussi président du Haut Conseil des finances publiques en a profité pour saluer l’initiative du premier ministre, qui « a choisi de faire confiance à une institution respectée par les Français pour son indépendance - la Cour des comptes - et de donner sa chance au dialogue social ». Les socialistes ont beau maintenir la pression sur le gouvernement pour qu’il dépose à l’Assemblée nationale un texte en cas d’accord entre les partenaires sociaux, sous peine de voter la censure avec le reste de la gauche, Pierre Moscovici préfère garder la tête froide. Et mise pour le moment sur la « fabrique progressive d’un compromis ». « C’est une fusée à trois étages : un, l’expertise ; deux, le dialogue social ; trois, la décision politique par le Parlement », a-t-il développé.
Après avoir engagé de son côté des discussions avec les partenaires sociaux, Pierre Moscovici considère que ses interlocuteurs sont « très conscients » qu’« il s’agit d’un test pour les corps intermédiaires, pour la négociation sociale ». Certes, les positions des syndicats et du patronat sont souvent aux antipodes, notamment sur la question de l’âge de départ. Mais le président de la Cour des comptes sent « une volonté partagée de discuter ». Dans l’hypothèse où les négociations seraient fructueuses, Pierre Moscovici demande au Parlement de « ne pas rouvrir tout le dossier » des retraites, mais « plutôt de réexaminer des accords totaux ou partiels ». Et pour cause : dans une Chambre basse sans majorité nette, « repartir dans une cathédrale législative [lui] paraît difficile ».