Renvoi du chef du Shin Bet: la Cour suprême israélienne appelle à un "compromis"

C'était une décision attendue après le limogeage de Ronen Bar par le gouvernement de Benjamin Netanyahu. La Cour suprême israélienne a finalement décidé, mardi 8 avril au soir, de maintenir dans ses fonctions le chef du Shin Bet, l'Agence de la sécurité intérieure, jusqu'à ce qu'un "compromis" soit trouvé par le Premier ministre d'Israël et la procureure générale.

"Nous vous donnons jusqu'à après Pessah [la Pâque juive, qui s'achève le 19 avril, NDLR] pour trouver un compromis créatif" avant que la Cour ne tranche, a déclaré son président, le juge Yitzhak Amit, en renvoyant l'audience.

L'audience entamée mardi début de matinée pour examiner les recours contre le limogeage de Ronen Bar a d'abord été marquée par des altercations entre partisans et opposants du gouvernement qui ont conduit à l'expulsion du public de la salle, avant que les débats, retransmis en direct en vidéo, ne reprennent à huis clos.

Au risque de raviver les divisions d'une société israélienne très polarisée, le gouvernement du Premier ministre israélien a décidé le 21 mars de limoger Ronen Bar, en qui Benjamin Netanyahu dit avoir perdu toute confiance.

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Une décision "étrange" pour Benjamin Netanyahu

Saisie de cinq recours dans les heures ayant suivi l'annonce de ce renvoi, la Cour en avait ordonné la suspension le jour même, décision qu'elle a confirmé mardi soir dans un arrêt. Ronen Bar "continuera à exercer ses fonctions jusqu'à une décision ultérieure", a décidé la Cour, autorisant le gouvernement à auditionner des candidats à sa succession mais interdisant toute "annonce de nomination".

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, a qualifié d'"étrange" cette décision. Le gouvernement avait décidé de mettre un terme au mandat de Ronen Bar au plus tard le 10 avril.

Le limogeage du chef du Shin Bet est contesté notamment par l'opposition, qui y voit le signe d'une dérive autocratique du pouvoir, et par la procureure générale de l'État, Gali Baharav-Miara, qui a jugé la décision du gouvernement "fondamentalement viciée" et "entachée d'un conflit d'intérêts du Premier ministre".

L'avocat du gouvernement, Zion Amir, un ténor du barreau, a dénoncé des "recours purement politiques".

"La décision de mettre fin au mandat du chef du Shin Bet est fondamentalement viciée, entachée d'un conflit d'intérêts personnel du Premier ministre en raison des enquêtes criminelles concernant ses proches, et conduira" à politiser la fonction, a indiqué Gali Baharav-Miara dans un communiqué publié vendredi en même temps que l'avis détaillé qu'elle a transmis à la Cour suprême.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à Budapest, le 3 avril 2025.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à Budapest, le 3 avril 2025. © Attila Kisbenedek, AFP archives

Proposition de reporter le renvoi de Ronen Bar à la fin de l'enquête sur le Qatargate

Benjamin Netanyahu affirme pour sa part que le gouvernement peut décider à sa guise de nommer et renvoyer le chef du Shin Bet, à qui il reproche l'échec à empêcher l'attaque sanglante du Hamas du 7 octobre ayant déclenché la guerre en cours à Gaza.

Dans une lettre à la Cour suprême, Ronen Bar estime lui que les raisons de son licenciement sont plus liées au fait qu'il a tenu tête à Benjamin Netanyahu plutôt qu'à ses compétences, et accuse le Premier ministre d'avoir cherché à l'utiliser pour retarder son propre procès en corruption – ce que le Premier ministre israélien a qualifié de "mensonges".

Tomer Naor, du Mouvement pour la probité du pouvoir, qui a déposé un des recours, a déclaré à l'AFP en marge de l'audience que son mouvement avait demandé à la cour de "rappeler que Ronen Bar est le chef du Shin Bet et responsable de l'enquête sur le Qatargate", une affaire dans laquelle sont impliqués des proches de Benjamin Netanyahu.

La juge Daphné Barak-Erez, une des trois magistrats siégeant dans cette affaire, a proposé à la fin de l'audience de reporter le renvoi de Ronen Bar à la fin de l'enquête sur le Qatargate afin de mettre fin au "conflit d'intérêts", ce à quoi Me Amir a rétorqué que c'était "un dangereux message". "Chacun au Shin Bet saura que pour rester en place, il suffit d'ouvrir une enquête", a dit l'avocat, un argument repris par Benjamin Netanyahu dans son communiqué.

Les décisions prises par le gouvernement Netanyahu en mars de renvoyer le chef du Shin Bet, d'engager une procédure de destitution contre la procureure générale du pays et de reprendre la guerre à Gaza après deux mois de trêve, ont relancé la contestation contre l'exécutif, accusé par l'opposition de dérive dictatoriale.

Avec AFP