6 heures d’attente au téléphone pour être pris en charge : en Ille-et-Vilaine, Samu, médecins et patients dans « une situation anormale et invivable »
C’était une mesure pensée comme une solution miracle. En 2020, l’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn lançait le Service d’accès aux soins (SAS) pour répondre à la crise des urgences. Mais cinq ans plus tard, le remède tient plutôt du placebo. La mesure impose aux patients qui voudraient accéder aux urgences d’appeler d’abord le standard téléphonique du centre 15, puis d’attendre d’être redirigé vers un médecin généraliste ou urgentiste pour obtenir un conseil médical, un rendez-vous chez le médecin ou un accès aux urgences.
Mais au CHU de Rennes (Ille-et-Vilaine), le téléphone n’arrête pas de sonner. Depuis le début de l’année, les assistants de régulation qui orientent les patients vers un généraliste ou un urgentiste reçoivent entre 1 600 et 2 100 appels par jour. « Nous faisons face à une situation anormale et invivable », déplore Bleuenn Laot, directrice administrative de l’association départementale pour l’organisation de la permanence des soins des médecins libéraux d’Ille-et-Vilaine (l’ADOPS 35).
Les médecins libéraux menacent de démissionner d’ici le 10 mars
« Nous sommes 47 médecins généralistes libéraux régulateurs au total pour répondre quotidiennement aux patients et les orienter du mieux possible. Mais c’est aujourd’hui impossible dans ces conditions », lâche la responsable. De fait, les médecins libéraux qui travaillent volontairement au sein de l’ADOPS 35 exercent également leur métier en cabinet. Ils ne sont donc que 3 à pouvoir répondre aux urgences en journée, 2 le soir en semaine et 5 le week-end.
Des effectifs loins d’être suffisant pour couvrir tous les appels et qui pose des soucis sur la bonne prise en charge des patients. L’association dénonce notamment des délais d’attente de plus de 5 à 6 heures pour les appelants avant d’obtenir pour avoir un médecin au bout du fil. « Ce n’est pas normal que des personnes restent aussi longtemps sans réponse », explique la responsable.
Pour ces raisons, les 47 médecins généralistes régulateurs ont décidé de déclencher un droit de retrait le 24 janvier. Ils sont depuis réquisitionnés par l’ARS de Bretagne. Mais la suite des évènements n’augure, pour l’heure, rien de bon pour l’avenir de la permanence de soins.
Les médecins libéraux menacent en effet de démissionner au 10 mars si des solutions ne sont pas trouvées par l’ARS de Bretagne. « Nous sommes inquiets, c’est vrai, mais nous avons la conviction que des solutions seront trouvées », confie Bleuenn Laot qui milite pour des effectifs supplémentaires, la mise en place d’une régulation téléphonique à distance et l’agrandissement des locaux dédiés aux médecins régulateurs au sein du CHU de Rennes.
« Nous n’avons pas les effectifs pour répondre à cette augmentation d’activité »
Des départs au sein de cette équipe médicale seraient également une catastrophe pour les médecins urgentistes du SAMU. Ils ne sont, eux, que deux et parfois trois à répondre aux appels du standard téléphonique, en complément des médecins libéraux.
« S’ils décident de ne plus venir, cela retombera sur nous forcément en sachant que nous n’avons pas les effectifs pour répondre à cette augmentation d’activité », prévient Louis Soulat, chef des urgences du CHU de Rennes et du Samu d’Ille-et-Vilaine.
Pour éviter ce scénario désastreux, les médecins urgentistes ont donc également déclenché un droit d’alerte auprès de l’ARS. Mais pour l’heure, la situation n’a débouché sur aucune solution concrète laissant ainsi les patients et professionnels de santé à bout de souffle.
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