À Nice, Marine Le Pen et Jordan Bardella ressassent les législatives perdues
Le slogan sur fond bleu, choisit par les stratèges du Rassemblement national (RN), se voulait optimiste. «Jusqu’à la victoire», pouvait-on lire sur l’écran géant. Il avait aussi pour but de faire oublier l’amère défaite de Marine Le Pen de Jordan Bardella, aux élections législatives de juin dernier. Pour autant, il n’a pas empêché les deux figures nationalistes de ressasser un échec qui a privé le RN de Matignon après la dissolution surprise décidée par Emmanuel Macron.
Pourtant, Marine Le Pen et Jordan Bardella avait choisi la ville de Nice (Alpes-Maritimes) pour organiser le premier meeting de leur «campagne permanente», qui doit perdurer - au moins - jusqu’à la prochaine dissolution. Dans la capitale de la Côte d’Azur, les scores du RN volent haut. Mais le président du RN entend surtout organiser une réunion publique chaque mois, dans des «territoires de conquête». En réalité, les départements dans lesquels le parti nationaliste n’a pas réussi à faire élire de député, parfois à seulement quelques voix près.
À Nice, dans ce département qui a vu l’élection de trois députés RN, près de 5 000 personnes sont venues assister à la «rentrée politique» du parti, après une rentrée parlementaire organisée à l’Assemblée nationale, mi-septembre. Il y avait tout de même un absent de taille dans la salle du Palais Nikaïa : Eric Ciotti, le nouvel allié de Marine Le Pen, député de Nice, et dont l’une des grandes ambitions est de s’emparer de la mairie lors des prochaines municipales, en 2026. Une manière de démontrer que le RN «n’absorbe pas» la nouvelle formation d’Eric Ciotti, jurent la main sur le coeur Marine Le Pen et Jordan Bardella.
«Nous n'avons rien en commun avec ce que j'ai appelé depuis le mois de juin le Parti unique», lance Marine Le Pen à ses militants, avant d’enchainer : «Ce parti va de Laurent Wauquier à Jean-Luc Mélenchon, en passant par Emmanuel Macron. Le parti de tous ceux qui se sont désisté les uns pour les autres aux législatives et se sont fait élire avec un seul objectif: empêcher une véritable alternance politique représentée par le Rassemblement National et ses alliés».
Soucieuse d’associer le premier ministre Michel Barnier et son gouvernement à ce «parti unique», Marine Le Pen assure que «ce n'est pas le Rassemblement National qui promet aux Français une cure de matraquage fiscal et social pour réparer les folies budgétaires commises par Emmanuel Macron depuis sept ans, c'est eux».
Pour mieux se démarquer, la candidate naturelle du RN à la prochaine présidentielle, s’en est pris, sans surprise, au ministre de la Justice Didier Migaud. «Notre sécurité est confiée à la quintessence du gauchisme candide en la personne de monsieur Migaud, qui est allé jusqu'à parler non pas d'un sentiment d'insécurité, ce serait déjà trop (...) Désormais, notre propre ministre de la Justice parle d'un sentiment de laxisme judiciaire», assène-t-elle.
Plus étonnement, la chef de file des députés RN a largement critiqué les propos du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, sur l’Etat de droit qui ne serait «pas sacré». «Je dois exprimer une divergence majeure», annonce-t-elle. «Ce n'est pas en tant que tel que l'Etat de droit doit être contesté, c'est tout le contraire (...) C'est la soumission de tous aux règles démocratiquement définies, et c'est l'une des immenses conquêtes de la civilisation européenne», déclare-t-elle.
Jordan Bardella, qui a pris ses distances avec les plateaux télévisés depuis la fin de la campagne des législatives, n’oublie pas qu’il avait rêvé de Matignon quelque mois plus tôt. «Bien sûr, j'aurais aimé me présenter devant vous aujourd'hui en Premier ministre», lance-t-il, après avoir repris à son compte une formule d’Eric Zemmour, qui en a fait le titre de son dernier livre : «J'ai comme l'impression que vous n'avez pas dit votre dernier mot».
«Quelle est cette démocratie dans laquelle, pour gouverner, il faut avoir perdu les élections ?», tance le président du RN, avant de poursuivre sa propre logique : «Quelle est la logique d'un système où le parti qui a fait 6% est chargé de former le gouvernement et où le parti qui a fait 36% est mis au banc, simplement car ces idées ne plaisent pas aux gens qui ont fait 6%».
Toutefois, Jordan Bardella, qui assure qu’il veut toujours être le premier ministre en cas de victoire du RN à d’éventuelles législatives anticipées, entend continuer à mobiliser les électeurs du parti nationaliste : «La recomposition est peut-être un peu plus lente que nous pouvions l'espérer, mais elle est à l'œuvre, elle s'accélère et le temps du pouvoir n'est plus très long». D’ici là, Marine Le Pen et Jordan Bardella arrêteront peut-être de ressasser leur dernière défaite.