Article 353, du Code pénal : le juge et l’assassin en version finistérienne

Article 353, du Code pénal : le juge et l’assassin en version finistérienne

Emmanuel Noblet (ici, à gauche) et Vincent Garanger (ici, à droite) se retrouvent face à face sur les fondations d’un immeuble fantôme dans Article 353, du code pénal. Jean-Louis Fernandez

Au Théâtre du Rond-Point, Vincent Garanger incarne un pauvre hère devant la justice. Un spectacle plein d’humanité d’Emmanuel Noblet.

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« Vous savez pourquoi vous êtes ici », lance le juge (Emmanuel Noblet, lunettes sur le nez, costume strict). « Pour homicide volontaire », répond Martial Kermeur (Vincent Garanger, tête baissée, mains dans les poches ou balayant ses cheveux). La messe est dite. Article 353, du Code pénal, d’après le roman de Tanguy Viel (éditions de Minuit, 2017), adapté par Emmanuel Noblet, se déroule à la pointe du Raz, dans le Finistère.

Les deux hommes se retrouvent face à face sur les fondations d’un immeuble fantôme, encadré d’un mur de pierres recouvert d’un plateau d’herbes sauvages (décor plus vrai que nature d’Alain Lagarde souligné par des images vidéo de l’Atlantique). « On a retrouvé un corps ce matin » dans la mer. Martial Kermeur fouille dans ses souvenirs, cherche à comprendre ce qui s’est passé en lui, ce qui l’a amené à commettre l’irréparable.

Le visage du magistrat reste impassible. « Écoutez-moi », demande l’accusé. Chez ce taiseux « de gauche » pointent une colère sourde et un chagrin qui semble le submerger. Dans un long monologue, il évoque pourtant le promoteur immobilier, Antoine Lazenec, qui lui avait promis un appartement avec vue imprenable sur la mer. Son arrivée sur la presqu’île, préservée jusqu’ici de son projet de station balnéaire, a provoqué des dommages collatéraux chez tous les habitants. Même le copain de Martial Kermeur, le maire, s’est fait avoir.

«Quelque chose de doux au cœur»

Comment l’escroc beau parleur aux « chaussures à bouts pointus » a-t-il convaincu Kermeur et d’autres d’investir sa prime de licenciement ? Lazenec sait toucher la corde sensible. Les mots que sa victime prononce à voix haute lui font « quelque chose de doux au cœur ». « Dans cette région battue par les vents, on ne parle pas. Les décisions sont prises dans le secret. Et si ça tourne mal, on garde sa honte pour soi », confie Kermeur.

C’est tout le principe du théâtre, traiter de l’intime et de nos convictions

Emmanuel Noblet

Le spectateur est ébloui par Vincent Garanger qui montre qu’il est un comédien de la même envergure qu’un Jacques Weber. Mis en scène par l’excellent Emmanuel Noblet, il en a sous la semelle. On l’a vu dans Welfare, de Julie Deliquet, au Festival d’Avignon et avant, au côté de Philippe Torreton, aux Bouffes du Nord (Lazzi) ou en Dandin sous la direction de Jean-Pierre Vincent. Il reprendra prochainement Mort d’un commis voyageur monté par Philippe Baronnet.

« C’est tout le principe du théâtre, traiter de l’intime et de nos convictions », avait dit Emmanuel Noblet lors de la création du spectacle au Théâtre des Célestins, à Lyon. Son intention est magistralement servie par Vincent Garanger.


Article 353, du Code pénal, au Théâtre du Rond-Point (Paris 8e), jusqu’au 15 février, puis du 3 au 14 juin. En tournée jusqu’en avril.