Budget : un impôt pour les milliardaires adopté, les députés suppriment le gel des retraites

Après avoir repoussé des tentatives de rétablissement de l'impôt sur la fortune (ISF), les députés ont adopté vendredi 25 octobre dans l'hémicycle, contre l'avis du gouvernement, un amendement LFI au budget de l'État pour créer un nouvel impôt sur le patrimoine des milliardaires.

Ce nouvel impôt irait taxer 2 % de la fraction supérieure de patrimoine d'un foyer qui dépasserait le milliard d'euros. Pour espérer entrer en vigueur, la mesure devra toutefois survivre à la navette parlementaire et à un éventuel recours au 49.3.  "Dans ce budget, on demande des efforts pour à peu près tout le monde sur à peu près tout", mais pas "sur le patrimoine des plus riches", a avancé le député LFI Aurélien Le Coq. 

Ce nouvel impôt irait "ponctionner à hauteur de 13 milliards d'euros le patrimoine des concitoyens concernés", a critiqué le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin. "C'est tout simplement un impôt qui, je pense, n'existe dans aucun autre pays", a-t-il ajouté, avant d'avertir : "Le meilleur moyen de faire fuir ceux qui peuvent investir dans notre pays, c'est exactement celui-là".

Le RN et LFI s'accusent mutuellement de faire le jeu du gouvernement

"Un argument difficilement audible pour 95 % de nos concitoyens", a répliqué le président de la commission des Finances, Éric Coquerel (LFI). "Les personnes dont nous parlons, en 20 ans, ont accumulé mille milliards de plus de patrimoine", a-t-il ajouté, fustigeant les "chantages au départ".

Le RN a interpellé les élus du bloc central, leur reprochant de ne pas être venus assez nombreux dans l'hémicycle pour repousser l'amendement.

Peu de temps avant, le Nouveau Front populaire et le RN s'étaient renvoyés la responsabilité de l'échec d'un rétablissement de l'ISF. "La contribution aux plus fortunés dans ce budget 2025 est nécessaire", avait observé Laurent Saint-Martin mais doit rester "ciblée, temporaire et exceptionnelle", a-t-il fait valoir.

Le NFP a proposé de créer un "ISF climatique" qui tiendrait compte de l'empreinte carbone du patrimoine, et qui aurait rapporté 15 milliards d'euros, selon l'écologiste Eva Sas. Une proposition rejetée par la coalition gouvernementale, ainsi que par le RN.

À l'inverse, un amendement RN qui visait à transformer l'actuel impôt sur la fortune immobilière (IFI) en impôt sur la fortune financière (IFF), dont serait exclu la résidence principale, a été rejetée par les soutiens du gouvernement et la gauche.

Les deux blocs d'opposition se sont accusés d'avoir fait le jeu du gouvernement. "Honteux ! Le RN vote avec la macronie contre tous les amendements pour le retour et le renfort de l'impôt sur la fortune", s'est indignée le groupe LFI sur X.

"La gauche et les macronistes unis pour refuser un impôt du RN sur la fortune financière!", a critiqué en retour Jean-Philippe Tanguy (RN).

Le projet de budget de la Sécurité sociale rejeté

Dans le même temps, les députés de la commission des Affaires sociales ont rejeté à l'unanimité la partie recettes du projet de budget de la Sécurité sociale pour 2025, faisant ainsi tomber l'ensemble du texte.

Plusieurs mesures-clés avaient déjà été supprimées cette semaine. La commission avait ainsi retoqué la refonte des cotisations patronales et le gel des pensions de retraite, voulues par le gouvernement pour dégager chacune quatre milliards d'euros d'économies.

La gauche a en outre fait passer diverses taxes sur la "fortune des milliardaires", les "superprofits", les dividendes et les "retraites chapeaux" pour renflouer les caisses avec des milliards d'euros de ressources supplémentaires.

Des modifications profondes qui avaient conduit la commission à rejeter jeudi la partie recettes du texte, avant donc de voter contre le volet "dépenses".

Au passage, les députés ont repoussé l'objectif de dépenses de l'assurance maladie, pilier du texte, avec l'avis favorable du rapporteur Yannick Neuder (LR) afin "d'envoyer un message" au gouvernement.

"Pas de pilote dans l'avion"

Une situation inédite qui démontre qu'"il n'y a pas de pilote dans l'avion", a réagi le socialiste Jérôme Guedj, inquiet de n'avoir "pas eu le début de commencement d'un point d'atterrissage par l'exécutif".

"Il y a vraiment une fronde" qui "dépasse le Nouveau Front populaire", a souligné l'écologiste Sandrine Rousseau, disant "espérer que le gouvernement va l'entendre".

"Lorsque le budget de Michel Barnier est arrivé en commission, il n'avait aucun soutien. Maintenant qu'il repart, il n'a que des adversaires", a insisté l'insoumis Hadrien Clouet.

"Pour des raisons différentes, les groupes se sont rejoints sur le non-vote", a nuancé la macroniste Stéphanie Rist, jugeant qu'il "faut revoir la copie" et y "apporter des modifications si on veut que ce texte soit voté".

Les délais sont cependant très contraints : les députés ont jusqu'à 17 h vendredi pour déposer leurs amendements en vue de la séance publique. Le débat dans l'hémicycle repartira lundi de la version initiale du projet de loi.

Avec AFP