Triomphe d'"Emilia Perez", déception pour "Le Comte de Monte-Cristo", discours engagés… Ce qu'il faut retenir de la 50e cérémonie des César

Après son Prix du jury au Festival de Cannes et ses récompenses aux Golden Globes, Emilia Pérez continue de rafler tous les trophées. Lors de la 50e cérémonie des César, à l'Olympia (Paris) vendredi 28 février, la comédie musicale a remporté sept statuettes. Ce n'était pourtant pas gagné, avec les polémiques qui planaient au-dessus du film de Jacques Audiard. Le long-métrage faisait par ailleurs face à plusieurs gros succès, cumulant des millions d'entrées, comme Le Comte de Monte-Cristo ou L'Amour ouf.

A l'occasion de cette soirée, le monde du cinéma s'est également fait entendre avec des discours engagés sur la guerre en Ukraine ou les coupes budgétaires pour la culture. Voici ce qu'il faut retenir de la cérémonie. 

"Emilia Pérez" triomphe, malgré les polémiques

Emilia Pérez, de Jacques Audiard, ressort grand gagnant de la soirée avec sept récompenses, dont le meilleur film et la meilleure réalisation. Pour le cinéaste de 72 ans, ces trophées tranchent avec la carrière tumultueuse du film : cette comédie musicale sur un narcotrafiquant qui a fait sa transition de genre a d'abord traversé des polémiques au Mexique, sur l'image que donne le film du narcotrafic, puis plus largement, après que d'anciens messages haineux de son actrice principale, Karla Sofia Gascon, aient été exhumés sur les réseaux sociaux. Des polémiques qui compromettent largement ses chances aux Oscars, de l'autre côté de l'Atlantique, où il a pourtant décroché le record, pour un film non anglophone, de 13 nominations.

Lors de son discours, Jacques Audiard a remercié toute son équipe, "admirable". "Quand je dis toute mon équipe, ce n'est pas un acte de propriété, c'est une déclaration d'amour, pareil pour les comédiennes (...), j'ai adoré travailler avec vous, je vous aime", a déclaré le réalisateur.

La déception pour "Le Comte de Monte-Cristo"

Nommé 14 fois, notamment pour les César du meilleur film, du meilleur acteur et de la meilleure réalisation, le film Le Comte de Monte-Cristo est reparti avec deux statuettes seulement : celles des meilleurs costumes et des meilleurs décors. C'est une grosse déception pour ce long-métrage, qui a conquis plus de neuf millions de spectateurs dans les salles, en 2024.

Le troisième long-métrage du duo Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte est une réinvention captivante du chef-d'œuvre d'Alexandre Dumas. Pierre Niney, reparti bredouille vendredi, y incarne un Edmond Dantès tourmenté et brillant, déterminé à se venger de ceux qui l'ont trahi.

Plusieurs discours engagés

En dédiant la soirée à l'Ukraine, la présidente de cérémonie Catherine Deneuve a donné le ton engagé, dès les premières minutes de la cérémonie. "Je déclare ouverte la 50e cérémonie des César et je la dédie à l'Ukraine", a-t-elle en effet lancé sur la scène, arborant un pin's aux couleurs du drapeau ukrainien.

En début de soirée toujours, le trophée de la révélation masculine décerné à Abou Sangaré pour son rôle dans L'Histoire de Souleymane a fait écho à l'actualité, à l'heure où le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, veut réduire les régularisations. Ancien sans-papiers guinéen, régularisé en janvier dernier, l'acteur a raconté sur scène, en récupérant son trophée : "Je n'avais presque plus de vie, je vivais parmi les hommes comme ça. Je ne me considérais plus comme un être humain. Depuis que j'ai traversé la Méditerranée en avril 2023, j'ai tout connu... La misère, tout ce qui fait l'être humain, le bon comme le mauvais." "Merci pour votre intégration au sein de l'humanité", a-t-il lancé à l'équipe du film et à l'Académie des César.

Les coupes budgétaires dans la culture ont également fait parler. L'actrice Josiane Balasko s'est ainsi adressé à la ministre de la Culture, Rachida Dati : "Rien de personnel, mais à l’heure où Trump veut bloquer toutes les formes d’aides au cinéma, il est essentiel de créer une Europe de la culture si nous espérons un jour remporter ce bras-de-fer." L'acteur Vincent Macaigne a également lancé un véritable cri du cœur pour "chasser les fantômes, chasser les forces obscures et célébrer un avenir meilleur".

Karim Leklou et Hafsia Herzi, les deux surprises

A la fois rugueux et magnétique, mélange d'énergie brute et de vulnérabilité, l'acteur Karim Leklou a créé la surprise en décrochant sa première récompense majeure pour son rôle tout en nuances dans Le Roman de Jim, d'Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Il faisait face au favori Pierre Niney, à Tahar Rahim ou encore François Civil. A 42 ans, il a été couronné du César du meilleur acteur pour le personnage d'Aymeric, cet homme doux qui exerce instinctivement sa paternité en dehors des liens du sang. Jusqu'à ce que l'intrusion du père biologique ne le sépare violemment de l'enfant. Il a dédié son prix "à tous les gentils, tous les gars qui d'habitude ne doivent pas soulever un César, (...) à tous les résilients, ceux qui encaissent des vies pas faciles".

Hafsia Herzi, elle, a reçu le César de la meilleure actrice pour son rôle de matonne accusée de complicité dans un double assassinat en Corse, dans le thriller Borgo de Stéphane Demoustier. Elle faisait face à Adèle Exarchopoulos, déjà récompensée deux fois aux César. "Je suis très touchée et très émue, (...) c'était une super aventure humaine", a déclaré Hafsia Herzi, qui avait remporté, il y a plus de 15 ans, en 2008, le César du meilleur espoir féminin pour La graine et le mulet. En 2024, elle avait été également nommée pour son rôle de sage-femme taiseuse qui s'attache de façon insensée au nouveau-né de sa meilleure amie dans Le ravissement.

César d'honneur pour Julia Roberts et Costa-Gavras

"Aujourd'hui, ma vie est un rêve !", a lancé l'actrice américaine Julia Roberts en recevant son César d'honneur. "Être toute seule sur scène, c'est une fraude", a déclaré la star de 57 ans, estimant que les équipes qui l'ont entourée dans sa carrière devraient l'accompagner. "Ça a été tant d'années où j'ai eu la possibilité au quotidien de vivre mon rêve", a-t-elle ajouté. L'actrice s'est vue remettre son prix par Clive Owen, qui a partagé l'affiche avec elle dans Closer, entre adultes consentants, en 2005 et a loué "une légende du cinéma".

Applaudi longuement, le réalisateur franco-grec Costa-Gavras, 92 ans, s'est également vu remettre un César d'honneur pour sa carrière, et a tenu à remercier la France "accueillante". "Je voudrais remercier cette France humaniste qui refuse toutes les dictatures et toutes les haines", a ajouté le réalisateur né en Grèce, avant de s'exiler à Paris. Costa-Gavras avait reçu deux César en 2003 pour Amen, qui condamne le silence du Vatican pendant la Shoah.

Le palmarès complet

Meilleur film : Emilia Pérez de Jacques Audiard

Meilleure actrice : Hafsia Herzi (Borgo)

Meilleur acteur : Karim Leklou (Le Roman de Jim)

Meilleure réalisation : Jacques Audiard (Emilia Pérez)

Meilleure actrice dans un second rôle : Nina Meurisse (L'Histoire de Souleymane

Meilleur acteur dans un second rôle : Alain Chabat (L'Amour ouf

Meilleure révélation féminine : Maïwene Barthèlemy (Vingt Dieux)

Meilleure révélation masculine : Abou Sangaré (L'Histoire de Souleymane)

Meilleur premier film : Vingt Dieux, de Louise Courvoisier 

Meilleur film étranger : La Zone d'intérêt, de Jonathan Glazer

Meilleur montage : Xavier Sirven (L'Histoire de Souleymane

Meilleure photographie : Paul Guilhaume (Emilia Pérez)

Meilleur scénario original : Boris Lojkine et Delphine Agut (L'Histoire de Souleymane)

Meilleure adaptation : Jacques Audiard (Emilia Pérez

Meilleure musique originale : Clément Ducol et Camille (Emilia Pérez)

Meilleur son : Erwan Kerzanet, Aymeric Devoldère, Cyril Holtz et Niels Barletta (Emilia Pérez)

Meilleurs costumes : Thierry Delettre (Le Comte de Monte-Cristo

Meilleurs décors : Stéphane Taillasson (Le Comte de Monte-Cristo)

Meilleurs effets visuels : Cédric Fayolle (Emilia Pérez

Meilleur film de court métrage d'animation : Beurk !, de Loïc Espuche

Meilleur film de court métrage documentaire : Les Fiancées du Sud, d'Elena Lopez Riera

Meilleur film de court métrage de fiction : L'homme qui ne se taisait pas, de Nebojša Slijepčević 

Meilleur film d'animation : Flow, le chat qui n'avait plus peur de l'eau, de Gints Zilbalodis

Meilleur film documentaire : La Ferme des Bertrand, de Gilles Perret