REPORTAGE. "Je choisis de ne pas céder à la panique" : aux Etats-Unis, le fondateur du Musée d'art de la diaspora africaine veut résister à la réécriture de l'histoire par Donald Trump

Donald Trump veut-il réécrire l’histoire de son pays ? Il a signé jeudi 27 mars un décret qui ordonne aux musées nationaux du Smithsonian, à Washington, d’expurger leurs salles de ce que le président considère comme un endoctrinement idéologique. Des idées clivantes, centrées sur la race, qui porteraient "atteinte à la grandeur de l’Amérique et de ses valeurs", selon Donald Trump. Les mots sont très forts, il est difficile de ne pas y voir une tentative d’effacer de l'histoire officielle les références à l’esclavage, à la ségrégation ou aux massacres des nations autochtones. Ce blanchiment de l’histoire américaine inquiète bien au-delà des musées du Smithsonian.

Fahamu Pecou, artiste, universitaire, est le fondateur du Musée d’art de la diaspora africaine à Atlanta. L’histoire de la communauté noire en Amérique est au cœur de son travail. Il se sent directement visé par ce qu’il appelle une guerre culturelle lancée par la Maison Blanche : "C’est une manière vraiment tragique, malheureuse, ignorante, de s’en prendre à la diversité, tout ce qui a fait le pays tel qu’il est. Les États-Unis n’ont jamais été un pays avec une seule identité."

Effacer l'histoire

Ces vingt dernières années, les historiens et chercheurs avaient commencé peu à peu à intégrer ces narratifs différents, à questionner les mythes fondateurs centrés sur la seule histoire des colonisateurs européens. C’est tout ce travail que l’administration Trump veut effacer, déplore Fahamu Pecou. 

"Trump est convaincu que si on laisse s’exprimer les voix des différentes populations, des différentes expériences qui ont façonné ce pays, cela va priver l’homme blanc de l’autorité qu’il a longtemps exercée."

Fahamu Pecou

à franceinfo

Donald Trump portait déjà ces idées il y a huit ans, lors de son premier mandat. A-t-il face à lui moins de contre-pouvoirs cette fois, ou est-il plus déterminé à les imposer ? Fahamu Pecou refuse de s’avouer vaincu : "Je pense que ce sont plutôt que les gens qui sont plus fatigués, épuisés, et que c’est organisé sciemment, par toutes ces distractions. Même ce décret qu’il a signé, c’est fait pour nous faire paniquer. Je choisis de ne pas céder à la panique."

L’artiste ne dépend pas d’argent public pour son travail ni pour son musée, mais d’autres n’ont pas cette liberté. De nombreux musées, universités ou autre institutions ont déjà dû céder à cette reprise en main idéologique de la Maison Blanche, par peur de perdre leurs budgets fédéraux.