«Nous n'allons pas risquer quoi que ce soit» : les streamers illégaux de la Ligue 1 abandonnent Telegram après un renforcement de la modération

Faut-il y voir un lien avec l’arrestation de son patron et fondateur Pavel Dourov par les autorités françaises il y a un mois ? Telegram semble depuis bien décidé à accroître sa modération sur les contenus illicites qui pullulent sur sa plateforme. Un coup de pression qui fait déjà ses premières victimes. Notamment dans le petit monde des streamers illégaux de contenus sportifs, en particulier de la Ligue 1 de football. «On a appris de sources concordantes qu’au moins trois gros streamers arrêtaient», rapporte ainsi Hervé Lemaire, directeur général de LeakID (groupe Forward Global), société spécialisée dans la lutte contre le piratage.

On parle ici de diffuseurs dont les retransmissions pirates des rencontres sur leurs canaux Telegram attirent plusieurs dizaines de milliers de spectateurs chaque week-end. Au-delà de ces poids lourds, «personne ne continue la diffusion sur Telegram», affirme l’un des principaux streamers sportifs dans une discussion sur la plateforme russe. Le week-end dernier, les pirates ont déjà été bien refroidis par la réactivité nouvelle de la messagerie cryptée. «On a remarqué que Telegram fermait plus vite les boucles illicites, en 10, 15, 20 minutes, alors que ce n’était pas le cas avant, relate Hervé Lemaire. Jusque-là, Telegram mettait en général 24 à 48 heures à fermer ces liens pirates.» Soit un délai parfaitement inutile pour des matchs durant 90 minutes.

Les adresses IP et les numéros de téléphones portables de ceux qui violent nos règles pourront être communiqués aux autorités en réponse aux requêtes judiciaires valides

Pavel Dourov, fondateur et patron de Telegram

«L'annonce par Telegram du renforcement de la modération et de la collaboration avec la justice française semble porter également sur les retransmissions sportives illicites : blocages et annonces d'arrêt de retransmissions illicites de contenus sportifs par des streamers», confirme Xavier Spender, secrétaire général de l'Association pour la protection des programmes sportifs (APPS), qui compte parmi ses membres Canal+, beIN SPORTS, la Ligue de football professionnel (LFP) ou encore le Comité national olympique et sportif français (CNOSF). À cette modération accrue s’est ajoutée lundi une autre mauvaise nouvelle pour les diffuseurs illicites. Sur sa chaîne Telegram, Pavel Dourov a fait savoir que sa plateforme allait collaborer davantage avec la justice. «Nous avons clarifié le fait que les adresses IP et les numéros de téléphones portables de ceux qui violent nos règles pourront être communiqués aux autorités en réponse aux requêtes judiciaires valides», a-t-il affirmé.

«Il faut être un peu suicidaire pour continuer»

De quoi pousser la grande majorité des streamers illégaux, sentant le vent du boulet de la justice, à arrêter les frais. «Telegram c'est fini», annonce même ce mardi sur sa chaîne Telegram un plus petit streamer, à environ 3000 spectateurs par match. «Telegram a renforcé son système de modération qui avant était généré par des IA et quelques personnes humaines. Maintenant beaucoup plus de personnes humaines ont été mises sur le coup», explique ce diffuseur pirate basé en France. «Des mesures ont également été prises concernant les sanctions contre des personnes qui diffusent ou même des personnes qui proposent des choses illégales sur Telegram. Nous n'allons pas risquer quoi que ce soit à ce niveau», ajoute-t-il. Un des principaux acteurs de ce petit monde du streaming illégal abonde, sur une discussion Telegram : «Il faut être un peu suicidaire pour continuer je pense.» La crainte d’être retrouvés et poursuivis en justice pour vol de propriété intellectuelle semble se faire aujourd’hui trop forte. 

Toutefois, les acteurs de la lutte contre le piratage ne crient pas encore victoire. «Il est encore trop tôt pour mesurer les impacts» de l’abandon de Telegram par les streamers, estime Xavier Spender. Hervé Lemaire dit lui aussi préférer «attendre quelques semaines et les prochains matchs, notamment des coupes d’Europe», pour faire un premier bilan. «Si ce n’est plus Telegram, les streamers iront sur autre chose», reconnaît, un peu désabusé, le patron de LeakID. «Il faut que toutes les plateformes jouent le jeu», appelle-t-il, rapportant repérer également des liens pirates sur TikTok et X (ex-Twitter). Et ce dirigeant d’un des poids lourds de la lutte contre le piratage de conclure : «Telegram est une étape. Mais ce n’est pas la fin de la guerre.»