SNCF, aérien, agriculteurs, fonctionnaires... Les menaces de grève se multiplient dans tous les secteurs
Les économies drastiques que le gouvernement cherche à réaliser pour réduire le déficit - qui atteindra 6,1% du PIB en 2024 - et les taxes supplémentaires qui pourraient être introduites dans le budget 2025 provoquent la grogne de plusieurs organisations syndicales, chez les fonctionnaires comme dans le privé. Des réorganisations comme à la SNCF ou encore des plans sociaux massifs nourrissent aussi la colère des syndicats, qui appellent à plusieurs journées de mobilisation cet automne. Le Figaro fait le point sur ces conflits sociaux qui couvent.
Le secteur aérien en colère contre les taxes
Le Syndical national des pilotes de ligne (SNPL) a appelé à une mobilisation le jeudi 14 novembre, vent debout contre les discussions en cours sur le budget 2025, qui menace de taper au portefeuille des compagnies aériennes. Le syndicat s’insurge tout particulièrement contre le souhait porté par l’équipe de Michel Barnier de taxer le secteur de l’aviation, via un amendement prévoyant une hausse de la taxe de solidarité sur les billets d’avion. «Cet amendement prévoit, en substance, une multiplication par 3 de cette taxe, sans qu’une consultation des acteurs du secteur n’ait eu lieu, pas plus que la réalisation d’une étude d’impacts pour analyser les conséquences économiques et sociales de cette mesure», s’agace le SNPL.
La SNCF contre l’ouverture à la concurrence
Tous les syndicats de la SNCF ont appelé à une grève de 24 heures le jeudi 21 novembre. Les cheminots dénoncent non seulement «la liquidation de Fret SNCF» - scindée en deux entités après une procédure intentée par la Commission européenne pour aides publiques illégales - mais aussi «la privatisation dans les activités TER, Transilien et Intercités» ainsi que «l’éclatement de SNCF Réseau» sous l’effet de l’ouverture à la concurrence. Mi-décembre, les premiers cheminots de SNCF Voyageurs vont être transférés dans des filiales de la SNCF, créées pour répondre aux appels d’offres TER lancés par les régions. Dans un communiqué intitulé «l’heure est au conflit à la SNCF», la CGT-Cheminots, l’Unsa-Ferroviaire, Sud-Rail et la CFDT-Cheminots préviennent que cette journée de grève est «un ultimatum» avant «un mouvement de grève plus long et plus fort en décembre» si le gouvernement et la SNCF ne répondent pas à leurs revendications.
Les agriculteurs prêts à «reprendre les actions»
L’alliance syndicale agricole majoritaire formée par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs, qui a organisé l’hiver dernier des manifestations d’ampleur en France, a appelé à «une reprise des actions à partir du 15 novembre». Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a qualifié de «ligne écarlate» la possibilité d’un accord commercial entre la Commission européenne et le Mercosur, qui pourrait être sur la table du sommet du G20 qui débute le 18 novembre.
Des actions d’agriculteurs ont été constatées début novembre en Occitanie, d’où était parti le mouvement de contestation l’hiver dernier. Quelque 200 agriculteurs ont déposé lundi soir devant la préfecture de l’Ariège des panneaux de signalisation, tandis qu’une soixantaine d’agriculteurs ont déversé dans la nuit de vendredi à samedi de la laine de mouton, des bottes de foin et de la paille devant plusieurs bâtiments de l’État à Auch, dans le Gers.
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Les fonctionnaires promettent «trois jours de grève»
Plusieurs organisations syndicales ont appelé à la grève après une réunion tendue jeudi 7 novembre au ministère de la Fonction publique. Les fonctionnaires vont devoir contribuer à 1,2 milliard d’euros d’économies pour aider à réduire le déficit public. Deux mesures cristallisent la colère : la réduction de 100% à 90% de l’indemnisation des congés maladie des fonctionnaires, et l’instauration de trois jours de carence non payés, au lieu d’un actuellement, lors de ces absences - hors pathologies lourdes.
«Trois jours de carence, trois jours de grève», a notamment lancé Christian Grolier, secrétaire général de l’UIAFP-FO qui veut travailler avec l’intersyndicale «la plus large possible». L’annonce par le ministre Guillaume Kasbarian de l’abandon de la suppression des catégories de fonctionnaires n’a pas suffi à faire redescendre la pression, et le gel du point d’indice ainsi que la suspension de la prime inflation pour 2024 ne devraient pas aider à apaiser la situation. Cette question devrait figurer à l’agenda d’une nouvelle réunion de l’intersyndicale prévue mardi.
Une journée de «convergence des luttes pour l’emploi»
La secrétaire générale de la CGT Sophie Binet a appelé à une «journée de convergence de toutes les luttes pour l’emploi» le 12 décembre. Elle assure que son syndicat a recensé «plus de 180 plans de licenciements dans toute la France qui concernent plus de 100.000 emplois directs et indirects, essentiellement dans l’industrie». Un chiffre «a minima puisque chaque jour, la liste s’allonge». Cet automne, Auchan a notamment annoncé un plan social d’ampleur, menaçant plus de 2300 salariés, et Michelin a annoncé fermer deux usines, supprimant plus de 1200 emplois.
Les biologistes médicaux menacent d’un «shutdown»
Quatre syndicats représentatifs des biologistes médicaux (SDBIO, BiOMED, SNMB, SLBC) ont appelé l’Assurance maladie à rouvrir des négociations sur leurs tarifs, récemment revus à la baisse, en menaçant sinon d’un «shutdown», soit la fermeture des laboratoires d’analyses médicales du 23 au 31 décembre inclus. Les biologistes reprochent à la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam) d’avoir «trahi» un accord conventionnel triennal (2024-2026) signé en juin 2023, et d’avoir décidé durant l’été, «sans concertation préalable», de réduire les tarifs des actes, à compter de septembre.
Ce conflit résulte d’une demande d’analyses biologiques nettement plus forte qu’attendue sur les premiers mois de 2024 (+5,5% en volume). La Cnam entend maintenir l’enveloppe budgétaire prévue pour l’année (3,784 milliards hors Covid et certaines dépenses spécifiques en 2024), ce qui impliquait de réduire certains tarifs. Elle assure vouloir simplement «respecter les termes» de l’accord, qui fixe des enveloppes annuelles. De leur côté, les biologistes assurent que ces baisses tarifaires mettent en danger le réseau de laboratoires, particulièrement les petits sites de proximité, alors que «les coûts de production augmentent».