Des fragments de la tapisserie de Bayeux volés par un archéologue nazi refont surface en Allemagne

La tapisserie de Bayeux raconte la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant en 1066. Stéphane Maurice/AFP

Des chercheurs des Archives d’État du Schleswig-Holstein ont retrouvé des petits morceaux de fibres de la broderie sectionnés en 1941 par un archéologue et conservateur allemand.

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C’est un pillage méconnu de la Seconde Guerre mondiale. Le 4 mars dernier, des chercheurs des Archives d’État du Schleswig-Holstein ont mis la main sur des fragments de textiles de la tapisserie de Bayeux après un inventaire des biens de Karl Schlabow (1891-1984), un archéologue et conservateur allemand. Une « découverte sensationnelle » selon Rainer Hering, directeur des Archives, qui a fait part de sa joie auprès de nos confrères allemands de la Norddeutscher Rundfunk. 

En 1939, alors que l’armée allemande attaquait la Pologne, marquant le début de la Seconde Guerre mondiale, la tapisserie de Bayeux - un chef-d'œuvre de l’art roman racontant la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant en 1066 - était mise à l’abri dans un souterrain de l’Hôtel du Doyen, au cœur de la ville. Vers 1941, soit un an après l’invasion allemande de la France, elle était évacuée vers le dépôt des musées nationaux de Sourches, dans la Sarthe. La broderie « intéressait particulièrement les nazis », précise le musée. Les idéologues de l’Ahnenerbe, une organisation pseudoscientifique de la Schutzstaffel (ou SS) s’en sont emparées lors de l’occupation allemande en France. Face à l’avancée des forces Alliées, à partir de 1944, les nazis ont essayé de transférer la tapisserie de Bayeux en Allemagne. En vain, car ce transfert a été empêché et la broderie a été envoyée dans les réserves du musée du Louvre à Paris.

Cependant, avant que les Français ne reprennent possession de ce chef-d'œuvre, un certain Karl Schlabow a eu accès à la tapisserie. À l’époque, il opérait en tant qu’archéologue spécialisé dans l’art du tissage et de la broderie au sein de l’Ahnenerbe. Le chercheur a profité du chaos des derniers mois de la guerre pour « sectionner de petits morceaux de fibre » sur la face inférieure de la tapisserie de Bayeux, qu’il a gardés dans ses affaires personnelles, indique Rainer Hering, toujours auprès de la Norddeutscher Rundfunk. 

Restitution à la France

En un peu plus de 80 ans, personne n’a jamais remarqué le vol de cet archéologue qui était considéré pendant de nombreuses décennies comme une référence en matière d’archéologie du textile, mais également dans l’étude des costumes européens traditionnels. À la fin des années 1940, Karl Schlabow s’est installé dans la ville de Schleswig, où il a participé à la création d’un musée archéologique d’État et à la reconstruction du Musée du textile de Neumünster. Malgré toutes ces activités, les petits fragments de la tapisserie de Bayeux n’ont jamais été exposés dans ces différentes institutions. C’est seulement il y a quelques jours que les experts en ont fait la découverte dans une propriété familiale, cachés entre des plaques de verres.

La Norddeutscher Rundfunk précise que ce morceau de la tapisserie de Bayeux, considérée comme un bien culturel français, devrait prochainement être restitué à la France, où il retrouvera le centre Guillaume le Conquérant de Bayeux. Ce dernier fermera ses portes au public pour une période de deux ans le 1er septembre, le temps que les « propriétaires de la tapisserie de Bayeux et les services de l’État mènent, en parallèle des travaux de refonte du musée, un programme de conservation ambitieux autour de la broderie millénaire », rappelle le musée.