Il dit espérer un "accord majeur" : le président ukrainien Volodymyr Zelensky est à Paris, lundi 17 novembre, pour rencontrer Emmanuel Macron, afin de discuter des besoins militaires de Kiev et de la coopération des industries de défense des deux pays. Il s'agit, selon l'Elysée, de "mettre l'excellence française en matière d'industrie d'armement au service de la défense de l'Ukraine" et de "permettre d'acquérir les systèmes qui lui sont nécessaires pour répondre à l'agression russe".
La présidence française a notamment évoqué "la défense du ciel ukrainien", alors que Volodymyr Zelensky a renouvelé samedi son appel pour obtenir davantage de systèmes de défense aérienne, au lendemain de nouvelles frappes russes massives contre son pays. Pendant ce temps, sur le terrain, les forces russes continuent lentement à avancer.
"Je ne vous conseille pas de rester là"
Dans le Donbass, la bataille pour la ville de Pokrovsk, nœud logistique cerné par les forces russes, se poursuit. franceinfo a pu se rendre au plus près de la ville, sur une route essentielle pour la défense de la région : la E50, qui relie donc Pokrovsk aux grandes villes de Pavlograd et Dnipro, plus à l’ouest.
C’est cet axe que l’armée russe cherche à prendre - et elle y est presque. De retour de la ligne de front, un tank, broyé, est tracté, sans chenille dans un nuage de poussière. Quelques secondes plus tard, une voiture roule avec un pneu éclaté. Nous sommes à Slovianka, le dernier village avant Pokrovsk. Les Russes sont à moins de dix kilomètres.
Baron, militaire de 45 ans, s’engouffre dans sa voiture : le temps est clair, c'est un temps à drones, prévient-il. "C'est la portion de route la plus dangereuse ici. Restez ici 5 minutes, et vous verrez ! Ici, c’est surtout les drones FPV, des drones kamikazes… Et il y a aussi des gros drones à essence, des Molniya. Je ne vous conseille pas de rester là."
"C'est chaud là-bas, on nous y envoie tous"
Devant la supérette du village, Dmytro, un "bleu" comme il dit, vient d’être enrôlé de force : c’était le front ou cinq années de prison. "Oui, là-bas, vers Pokrovsk, c'est chaud, on nous y envoie tous. J’ai lu dans les journaux que les Russes y ont concentré 150 000 hommes ! Poutine a dit qu’il voulait prendre la ville d’ici la fin de l’année. Autour du 16 décembre, quelque chose comme ça". Et quand on lui demande s’il a peur, il secoue la tête dans un sourire : "Bien sûr que ça fait peur ! Moi, je veux vivre ! Nous, on est des opérateurs de drones. Ça nous laisse une petite chance de survie", glisse Dmytro.
Sur le terrain, Moudri, "le sage", est chargé de capter les communications de l’armée russe. Et ce qu’il entend lui fait froid dans le dos.
"La seule chance de survie des soldats russes, c'est de se rendre."
Moudri, un militaire ukrainienà franceinfo
Il s'agit d'enregistrement sur son téléphone portable d'un appel d'un commandant russe, qui s’adresse à ses hommes, en plein combat : "Sortez de ces buissons, putain ! Sinon, on va vous balancer des explosifs. Je vous le promets, mes bâtards, vous allez courir !" Ce commandant suggère même à un homme, sur le point d’être prisonnier, de se tirer une balle dans la tête...
Moudri poursuit, avec un autre enregistrement : "Un drone est tombé sur un mec, il a eu l’épaule arrachée. Et là, son commandant lui demande : 'Il est où ton sac à dos ? Tu prends ton sac !'. Et le militaire de lui répondre : 'Mais comment ? J’ai plus d’épaule !'. 'Peu importe, tu prends ton sac et tu cours !', lui lance son chef. Un autre drone est alors arrivé, et le type est mort", raconte-t-il. Et de conclure : "La vie humaine, pour eux, n’a aucune valeur."
"Seuls les murs de notre appartement sont toujours debout"
Et au milieu des combats, des civils restent encore et toujours. Tout au bout d’un chemin boueux, Vitia, garagiste de 32 ans, retape des voitures, et surtout celles de militaires, avec des impacts de drones. "Je ne manque pas de travail", rigole-t-il, les mains pleines de cambouis. Avec sa femme, et leurs quatre enfants, ils ont quitté Pokrovsk à cause de la guerre. "C’était une ville tranquille, propre, avec des parcs… Il y avait beaucoup de roses. Pokrovsk était la ville des roses. Moi, je fonçais à moto avec les copains. C’était cool", se remémore-t-il.
En peignoir rose, sa femme, Miroslava, 28 ans, explique que le studio qu’ils avaient acheté en ville n’est plus qu’un tas de cendres. "Les murs de notre appartement sont toujours debout. Mais il n'y a plus de toit, et plus rien à l’intérieur. Tout est détruit. On voulait obtenir un certificat pour un dédommagement. Et ils nous ont dit : 'Les murs sont toujours debout. Vous n’avez pas droit au certificat'".
Un millier de civils, sur 60 000 avant la guerre, seraient toujours sur place. Parmi eux, le beau-père de la jeune femme. "Il est là-bas. C'est ce qu'on appelle un jdoun. Comme d’autres, il attend les Russes…
Pourquoi ? Je ne comprends pas. Les Russes s’en foutent d’eux", souffle la jeune femme. Le couple songe désormais à quitter le village. Mais ils partiront sans rien : tout déménager coûterait plus cher que les meubles.