Paris Fashion Week masculine printemps-été 2026 : décryptage des défilés Louis Vuitton, Jeanne Friot et Issey Miyake
Pour prolonger le plaisir de cette Paris Fashion Week masculine pour le printemps-été 2026 - qui s'est révélée très créative avec ses couleurs plus profondes et ses silhouettes adoucies à l'allure nonchalante décontractée mais toujours élégante - retour sur les défilés de Louis Vuitton, Jeanne Friot et Issey Miyake.
Louis Vuitton : Paris en Inde, un show survolté de Pharrell Williams
En juin 2023, Pharrell Williams – alors arrivé depuis février aux manettes artistiques de la marque Louis Vuitton – avait fait une entrée fracassante dans le monde de la mode avec un défilé considéré comme mythique par sa démesure sur le Pont-Neuf à Paris. Deux ans plus tard, le DJ-auteur-compositeur, chanteur, producteur – célèbre pour ses tubes Happy ou Get Lucky aux côtés des Daft Punk – a présenté sa cinquième collection Paris en Inde sur le parvis du Centre Pompidou. Le podium : un jeu de l'oie grandeur nature qui rappelait le damier de la maison sur lequel un serpent de couleurs ondulait. Les silhouettes ont défilé au son de l'Orchestre du Pont-Neuf et du chœur Voices of Fire à l'énergie redoutable dont la musique montait régulièrement en puissance et faisait trembler les gradins en bois de couleur marron sur lesquels étaient installés les invités. La bande-son a été composée et produite par Pharrell Williams.
La collection met en lumière l'influence du sartorialisme indien moderne sur la garde-robe contemporaine avec une touche dandy décontractée dans les palettes de la nature et des paysages urbains indiens : un indigo violet dandy, mêlé de bleu marine et de violet, remplace le noir, tandis qu'un beige clair devient le nouveau camel. Un denim marron délavage, inspiré de la couleur des grains de café, est proposé comme une nouvelle alternative au denim bleu indigo classique, réalisé en pièces tissées plutôt que teintes pour laisser le fil blanc se révéler au fil du temps. Le motif créé par Louis Vuitton pour le film The Darjeeling Limited est ici utilisé : guépards, éléphants, gazelles, girafes, rhinocéros, zèbres et palmiers apparaissent en broderies sur des chemises et shorts rayés, des ensembles en denim, des costumes à carreaux et des tricots... Le défilé s'est conclu par un rapide tour de piste de Pharrell Williams, venu saluer ses invités, parmi lesquels l'acteur américain Bradley Cooper, le réalisateur Spike Lee, le basketteur français Victor Wembanyama et Beyoncé. En concert à Paris quelques jours auparavant, Queen B est arrivée avec son époux Jay-Z juste quelques minutes avant que le show débute.
Jeanne Friot : Résistance, un défilé historique avec un casting 100% transgenre et non-binaire
En 2024, la styliste Jeanne Friot est propulsée sur le devant de la scène grâce à la cérémonie des Jeux olympiques de Paris. Lors d'un moment inoubliable, le monde découvre la cuirasse imaginée par cette jeune créatrice pour habiller la cavalière sur la Seine. Un coup de projecteur bénéfique pour Jeanne Friot dont la marque éponyme (fondée en 2020) promeut une mode écoresponsable et gender fluid depuis ses bureaux à La Caserne, espace de mode durable dans le 10e arrondissement de Paris. Un an après son sacre, elle présente sa collection lors d'un défilé éminemment politique. Pour la première fois dans l'histoire de la Fashion Week, une marque réunit un casting 100% transgenre et non-binaire pour un défilé incarné. "Face à l'offensive de Trump, il fallait répondre avec un moment de joie et de liberté", explique la créatrice à franceinfo Culture. En plein cœur du ministère de la Culture, dans le Marais, Jeanne Friot fait défiler le drapeau transgenre, palette de rose pastel et de bleu qu'elle se réapproprie dans une collection engagée. "Ces trente-deux looks, ce sont des armures, explique la créatrice, je veux que mes vêtements procurent un sentiment de protection et de puissance." En 2025, l'armure imaginée par la styliste est faite de transparence, de drapés, de plissés, d'œillets et surtout de ses robes signatures fabriquées à partir de ceintures de seconde main qui ont séduit les chanteuses Madonna et Katy Perry habillées par la marque. "J'ai envie de dire que ce n'est pas parce qu'on porte un vêtement transparent ou court que la société doit être violente avec vous, c'est à la société d'être questionnée", martèle Jeanne Friot qui souhaite injecter un maximum de liberté dans ses créations.
En effet, ce que la mode dissimule, elle l'expose fièrement notamment lors de ce défilé transgressif. Pas de place pour la mode genrée et normée : vergetures, poils et taches apparentes sont mis en valeur. "Pour cette saison, je voulais une approche radicale et sans compromis avec des mannequins uniquement transgenres et non-binaires", raconte Jeanne Friot choquée par l'offensive américaine contre ces communautés. "Beaucoup de gens ont répondu à l'appel, sont montés dans des bus pour rejoindre ce casting composé seulement à 1/3 de mannequins d'agence et le reste de casting de rue", ajoute-t-elle. Sur la musique d'Eloi, Gender Bass Violence, spécialement conçue pour l'occasion, les mannequins défilent avec des T-shirts "Trans Lives Matters" et "Bombing for peace is like fucking for virginity" sous les applaudissements. Des messages engagés pour un public mobilisé : l'écrivaine Virginie Despentes, la comédienne Soraya Garlenq, l'artiste drag-queen Le Filip, l'athlète Marie Patouillet, les journalistes Maïa Mazaurette et Anna Toumazoff composent cette assemblée. À la fois acte de résistance et hymne à la joie, cette collection est à l'image de sa créatrice : libre et combative.
Issey Miyake : Dancing Texture, une collection inspirée par le céramiste Shoji Kamoda
Depuis 2018, le couturier japonais privilégiait sa ligne Homme plissé – plus adaptée au style de vie d'aujourd'hui que sa ligne principale Issey Miyake Men – mais depuis janvier 2025, la maison dévoile sa ligne IM Men. Créée en 2021 sous la direction de Monsieur Miyake, elle s'attache à concevoir des vêtements qui incarnent une synergie entre design et ingénierie tout en explorant des approches innovantes dans leur conception en harmonie avec le corps humain et en s'inspirant du concept "a piece of cloth". La partie "IM" du nom dérive de "im product", une ligne d'Issey Miyake qui a existé entre la fin des années 1970 et les années 1990. Aujourd'hui, IM MEN reprend la philosophie de "im product", avec "des vêtements pratiques conçus pour les personnes qui les portent" et qui intègrent la technologie, le design et la créativité suivant un processus d'expérimentation.
À la Fondation Cartier pour l'art contemporain, dont le bâtiment a été réalisé par Jean Nouvel, Sen Kawahara, Yuki Itakura et Nobutaka Kobayashi, qui dirigent ce label, ont proposé un show, introduit par des danseurs exécutant une chorégraphie surréaliste suivie de performeurs évoluant devant de larges pans de tissu déployés tels des paysages abstraits. Inspiré par le céramiste japonais Shoji Kamoda, connu pour ses formes audacieuses et ses ornements décoratifs, ce vestiaire aux matières fluides propose pantalons et tuniques amples aux motifs sur des textiles aux reliefs tissés de fils variés et de structures élaborées. À noter également des ensembles pantalons et hauts à manches longues en dentelle ou en matière plus texturée plus près du corps. Les têtes sont ornées de coiffes extravagantes ou de chapeaux cloche. La palette est déclinée dans des tons minéraux aux plus vifs, comme du bleu saphir, des oranges et vert fluo. Cette ligne est l'objet de l'exposition Dancing Texture, ouverte au public jusqu'au 1er juillet à l'Atelier Vendôme, à Paris : "Nous croyons en l'avenir de la fabrication de vêtements et souhaitons contribuer aux échanges entre les disciplines qui participent à faire évoluer notre industrie. Cette exposition est une opportunité d'interagir avec un public plus large à travers la collection printemps-été 2026."