Train Dreams, Rebuilding, deux films sur les incendies secouent Sundance
L’art et l’actualité se percutent parfois de manière indicible. Au festival de Sundance, deux films fort différents, Train Dreams et Rebuilding, ont résonné coup sur coup avec les terribles incendies qui ont ravagé les abords de Los Angeles. De quoi offrir un début de catharsis collective et d’espoir en de meilleurs lendemains, à en juger par les larmes et les ovations à tout rompre qui ont accueilli ces projections.
Tiré d’un court roman de Denis Johnson, Train Dreams de Clint Bentley et Greg Kwedar (le duo derrière Sing Sing ) suit le destin du taiseux Robert Grainier, bûcheron itinérant qui, dans l’Amérique de la côte Pacifique des années 1910, va de chantier en chantier abattre des arbres pour construire des voies ferrées. Orphelin, sans éducation, l’homme a bien du mal à trouver une direction à son existence jusqu’à sa rencontre à l’Église avec Gladys (Felicity Jones). Ensemble, ils construisent une cabine aux abords d’une rivière.
Mais ce refuge est détruit dans un gigantesque feu de forêt. Quand Grainier (Joel Edgerton, poignant) revient, ce sont les flammes puis les cendres qui l’accueillent. Sa femme et sa fille sont portées disparues. Comment se reconstruire dans un tel maelstrom de destruction et de chagrin ? Réflexion contemplative sur le temps qui passe, les bonheurs éphémères, le lien entre l’homme et la nature, Train Dreams est aussi un portrait de l’industrialisation et de la mécanisation du pays et la disparition d’un certain mode de vie.
« Nos désirs restent les mêmes comme les épreuves qui nous anéantissent »
L’acteur Joel Edgerton
En présentant leur œuvre, Clint Bentley et Greg Kwedar ont confié avoir bien conscience que la scène de brasier au cœur du film allait surprendre et secouer un public, qui a encore en mémoire les images des feux qui ont ravagé la Californie et qui a peut-être été touché directement. « Cette région de l’Etat de Washington a subi plusieurs feux dévastateurs entre 1921 et 1923. C’est une collision assez surréelle avec notre présent. Notre zone de tournage à Spokane a été elle-même menacée par un feu en 2023». Et d’ajouter : «Le train, son panache de fumée, les étincelles que dégagent les essieux sont une métaphore de la technologie qui force son passage dans un monde plus doux et naturel».
Originaire d’Australie, leur acteur Joel Edgerton a expliqué que dans sa région de Nouvelles Galles du Sud, les incendies étaient une occurrence cyclique «mais qu’à chaque fois c’était le même trauma». «Combien de fois enfant, ai-je vu mes parents mettre des affaires dans une valise pour fuir dès que possible ? Malgré le progrès, la nature humaine ne change pas tant que ça. Nos désirs restent les mêmes comme les épreuves qui nous anéantissent et la résilience qu’il en découle».
« Je crois en l’après la possibilité d’un monde meilleur »
Max Walker-Silverman
Les spectateurs en place quelques heures plus tard pour l’avant-première de Rebuilding étaient davantage préparés puisque la reconstruction post-incendie est, comme son titre l’indique, au cœur du drame de Max Walker-Silverman. Josh O’Connor (le prince Charles de The Crown) y campe un éleveur du Colorado ayant perdu son ranch dans un sinistre. Contraint de se reloger dans un campement provisoire de mobile homes géré par le gouvernement, Dusty, qui ne vivait que pour ses vaches et sa propriété ancestrale, doit comprendre comment aller de l’avant. Pour guérir, il doit notamment renouer avec son ex-femme et sa fille, qu’il a perdue de vue depuis son divorce, et aussi accepter l’entraide de ses voisins d’infortune. La renaissance ne peut venir que de la communauté, mais aussi de la prise de conscience que les feux reviendront à nouveau tout détruire tôt ou tard.
Max Walker-Silverman explique avoir été inspiré par la destruction de la maison de sa grand-mère par les feux. «J’ai mis beaucoup de temps à me sentir assez brave pour me rendre sur place et contempler cette étendue noircie. Mais la vie était déjà revenue, un océan de fleurs vertes et violettes y avait pris place. J’ai observé les efforts sans borne de ma mère pour ressusciter cette terre. Bien sûr rien ne sera plus pareil. Toutefois, elle lui donne tout son amour même si elle sait que les feux reviendront tout raser», a-t-il lancé devant un parterre de spectateurs émus. «Que ce soit un incendie ou des inondations, chacun peut tout perdre. On ne peut l’éviter ou le nier mais on peut décider ce qui suit cette destruction : la solidarité, prendre soin des uns des autres. Je crois en l’après la possibilité d’un monde meilleur».