Les services secrets français toujours en contact avec la Russie et l'Algérie, selon le chef du service de renseignement extérieur français
"Maintenir des canaux ouverts" même lorsque "les canaux diplomatiques sont fermés". Tel est le leitmotiv "qui ne souffre pratiquement jamais d'exception" des services de renseignement extérieurs français, a déclaré Nicolas Lerner, directeur de la DGSE, dans un inédit et long entretien à la chaîne d'information LCI, diffusé mardi 8 juillet.
Ainsi, les services de renseignement français communiquent toujours avec leurs homologues de pays avec lesquels Paris a des relations très tendues, comme la Russie et l'Algérie, et continuent de collaborer, notamment contre la menace jihadiste, a affirmé le patron des services français. "Nous parlons avec la quasi-totalité des services de sécurité du monde", a-t-il assuré, considérant qu'il s'agit de l'"une des forces des échanges entre services".
Une cinquantaine d'agents russes expulsés depuis la guerre en Ukraine
Avec la Russie, mise au ban des nations occidentales depuis son invasion à grande échelle de l'Ukraine en 2022, "les canaux avec les services de renseignement n'ont jamais été interrompus", a-t-il poursuivi, notamment "parce que la coopération en matière de terrorisme islamiste est un impératif, une règle non-dite". "Nous continuons à transmettre des informations, nous continuons à en recevoir", a assuré Nicolas Lerner, ajoutant s'être entretenu lui-même "à plusieurs reprises" et "encore récemment" avec Sergueï Narychkine, son homologue russe.
Néanmoins, "la Russie pose une menace existentielle à moyen et long terme pour l'Europe, pour nos démocraties, pour nos valeurs", a-t-il affirmé, et les services de sécurité français ont expulsé massivement des agents russes. "Avant le début de la guerre en Ukraine, c'était près de 80 agents qui étaient présents sur le territoire national. Près de 50 ont été expulsés", a-t-il dit, expliquant que cela complique les opérations russes en France, notamment dans la lutte informationnelle.
Avec l'Algérie, dont les relations avec la France traversent depuis l'été dernier une profonde crise, "j'entretiens des relations d'échange avec mes homologues algériens et c'est important dans le contexte que connaissent actuellement nos deux pays". "Aujourd'hui, l'échange d'informations sur les menaces susceptibles de viser réciproquement nos pays se poursuit", a-t-il dit, tout en admettant que la densité des interactions est moindre que par le passé.
Le programme nucléaire iranien retardé de "plusieurs mois à coup sûr"
Interrogé sur l'impact des frappes israéliennes et américaines contre les sites nucléaires iraniens, le directeur général de la Direction générale de la sécurité extérieure a répondu qu'elles avaient, "indéniablement" provoqué "un retard sur le programme tel qu'il était conçu de manière industrielle". Le patron de la DGSE se dit "affirmatif sur le fait qu'aujourd'hui, aucun service de renseignement du monde n'est capable, ou n'a été capable dans les quelques heures qui ont suivi ces frappes, d'avoir une évaluation parfaite, totale de ce qui a pu se passer".
"Deux éléments invitent à la prudence", a toutefois souligné le patron de la DGSE : le devenir d'une partie du stock d'uranium hautement enrichi et le risque que Téhéran poursuive clandestinement son programme nucléaire. "Il y a un consensus sur le fait que la matière, les 450 kg d'uranium enrichi, peut-être qu'une petite partie a été détruite, mais cette matière reste aux mains du régime", a-t-il développé. "Nous ne sommes pas en capacité de le tracer avec certitude", a-t-il ajouté, "notamment tant que l'AIEA n'a pas repris son travail, et c'est pour ça que c'était tellement important".