Un documentaire sur un transgenre de Gaza retiré d’un festival à Bruxelles

Il se présente comme « un espace de dialogue et d’échange [...] au service de la tolérance et de l’interculturalité ». Pour autant, le Festival Cinéma Méditerranéen de Bruxelles (le Cinemamed) -qui s’est terminé vendredi 6 décembre- a annulé la programmation du dernier documentaire de Yolande Zauberman, La Belle de Gaza. Et cela, alors que la caméra de la réalisatrice française suit l’histoire d’une femme transgenre ayant fui la bande de Gaza pour s’installer à Tel-Aviv

La raison ? Une forte pression de nombreux militants pro-palestiniens qui reprochent au documentaire de « contribuer au pinkwashing (procédé marketing utilisé par un État pour améliorer son image en promouvant son attitude accueillante envers les personnes LGBT, NDLR) d’Israël et à la narrative coloniale génocidaire ». 

Trouble à l’ordre public ?

Bien qu’ils ne partagent pas ce point de vue, les organisateurs du festival bruxellois ont justifié leur décision. Dans un communiqué publié le 4 décembre, ils ont expliqué que l’appel au boycott et aux mobilisations devant le Cinéma Palace des activistes menaçait de « troubler la sérénité » de l’événement et « d’invisibiliser les voix et les valeurs des films portés par les autres films de la programmation ». Le Cinemamed « est et doit rester un acteur culturel qui encourage le dialogue, et ne peut en aucun cas devenir un lieu d’affrontements politiques », poursuit le communiqué. 

Dans une interview accordée au magazine français Télérama , la direction du festival a dit « prendre le temps de la réflexion » afin d’identifier la nature exacte des menaces à l’origine de cette annulation, ainsi que l’identité du « groupe d’activistes » dont fait référence le communiqué. « Nous avons d’ores et déjà entamé des discussions sur la suite à donner. Nous le ferons en tentant de nouer le dialogue avec les différentes parties, que ce soit celles qui nous reprochent d’avoir programmé le film ou celles qui nous reprochent d’avoir cédé à la pression », ont-ils ajouté dans cette même interview. 

La production du film s’interroge

Du côté de l’équipe de La Belle de Gaza, l’incompréhension règne. Le producteur, Bruno Nahon, connu pour son travail dans Tirailleurs  (2022) avec Omar Sy, et plus récemment dans L’Histoire de Souleymane  (2024) avec Emmanuel Yovanie, s’est indigné auprès de Télérama  : «  Au nom de quelle “menace fantôme” cette projection a-t-elle été annulée ? De quoi ceux qui l’ont programmé ont-ils eu peur ? »

Puis d’ajouter : « On parle d’un film 100 % français qui est allé à Cannes, qui a été projeté, accompagné dans de nombreux pays par Yolande Zauberman, et qui a donné lieu à de nombreux débats avec toutes sortes de publics. On peut ne pas être d’accord avec La Belle de Gaza ; mais en Belgique pas plus qu’en France on n’interdit un film tant qu’il ne contrevient pas à la loi ».

« Liberté de devenir ce qu’on est »

Le documentaire, achevé le 7 octobre 2023 - jour du massacre du Hamas en Israël - retrace le parcours d’une femme transgenre, que la réalisatrice Yolande Zauberman aurait rencontré sur le tournage de M (2018), un autre de ses documentaires réalisé à Tel-Aviv. Rue Hatnufa, la cinéaste française pointe sa caméra sur des prostitués trans et souhaite retrouver cette jeune femme, surnommée « La Belle de Gaza ». Elles lui racontent leur enfance de petit garçon soumis aux interdits sociaux et religieux, avec des humiliations et des violences. Et lui vantent les qualités d’accueil en Israël, où elles ont été acceptées comme elles sont. Dans un entretien accordé au magazine Le Point  en mai dernier, Yolande Zauberman se disait fière d’avoir réalisé « un film sur la liberté de devenir ce qu’on est, quelle que soit notre origine, notre religion ».