L’ENFER DU PERMIS (1/4) - Tous les vendredis, des lecteurs racontent leur difficile apprentissage de la conduite. Aujourd’hui, l’histoire d’Éric, qui pensait passer son permis en vingt heures comme ses camarades. C’était sans compter sur l’appétit financier de son auto-école de Melun.
Passer la publicité Passer la publicitéTrente ans après, Éric n’a pas oublié. À 19 ans, lycéen issu d’une famille «de la classe moyenne», il pensait passer son permis de conduire comme tous ceux de son entourage, en une vingtaine d’heures et sans trop de difficultés. Mais l’auto-école qu’il avait choisie à Melun, en Seine-et-Marne, allait transformer cette étape obligée en un véritable calvaire.
Le jour de l’inscription reste gravé dans sa mémoire. Sa mère l’accompagne, comme c’est parfois l’usage à cet âge. Face au responsable de l’auto-école, elle prononce les mots qui vont sceller la suite de l’apprentissage du jeune homme : «Ça prendra le temps nécessaire, mais je souhaite qu’il soit bien formé.» Cette phrase résonne d’une manière bien singulière aux oreilles du responsable. «Lui, a plutôt compris “on peut laisser traîner, ce sont les parents qui paient”», décrypte Éric aujourd’hui.
Passer la publicitéSi les premières leçons se déroulent normalement - Éric apprend les bases : démarrage, arrêt, créneaux - rapidement, il constate que ses progrès ne sont pas reconnus. Semaine après semaine, mois après mois, les heures s’accumulent sans qu’il soit présenté à l’examen.
Un argument surprenant
«Au bout de 52 heures, je n’étais toujours pas prêt à être présenté », s’indigne encore Éric. L’auto-école excelle dans l’art de saper la confiance du jeune homme. Quand les parents d’Éric s’inquiètent du nombre d’heures qui s’accumulent, le responsable de l’auto-école sort son argument massue, rodé par des années de pratique : «Mais madame, votre fils pousse son volant quand il conduit, tant qu’il poussera son volant, on ne pourra pas le présenter !»
Cette phrase, prononcée avec l’autorité de l’expert, impressionne les parents. «Mes parents avaient alors compris que je conduisais comme un Fangio (du nom d’un pilote de course argentin, comprendre « rouler de manière sportive, NDLR) », raconte Éric amèrement. «Ils faisaient partie d’une génération crédule qui ne remettait jamais en cause la parole d’un enseignant».
Mais la «duperie» - selon les termes d’Éric - ne dure pas longtemps. «Quand j’ai pu enfin leur expliquer que pousser son volant signifiait non pas un effort vers l’avant, mais effectuer un effort de la main gauche du bas vers le haut, au lieu de tirer le volant par un effort de la main droite du haut vers le bas, mes parents ont enfin réagi». Car la technique décrite par le moniteur «est non seulement normale, mais surtout inévitable. C’est absurde puisque l’on effectue ces deux efforts simultanément des deux mains», enrage Éric.
Il obtient finalement son permis du premier coup
Bref, les parents d’Éric passent à l’offensive. «Ils ont tapé du poing sur la table», raconte-t-il satisfait. «Cela s’est terminé par une explication entre adultes à l’agence ». Le château de cartes s’effondre, plus question de «pousser le volant» ou d’heures supplémentaires : Éric est subitement prêt pour l’examen.
Passer la publicitéDeux semaines plus tard, «je l’ai eu du premier coup», témoigne-t-il. «L’inspecteur m’a remis mon attestation temporaire à la fin de l’examen comme cela se faisait à l’époque». Cette réussite immédiate confirme ce qu’Éric soupçonnait depuis longtemps : il était prêt depuis des semaines. Et toutes ces heures supplémentaires n’avaient qu’un seul objectif : faire gonfler la facture.
Trente-deux ans plus tard, Éric a largement prouvé ses compétences de conducteur, conclut-il. Seulement deux infractions mineures en plus de trois décennies de conduite, un bilan pour témoigner qu’il n’est pas le cancre que son moniteur voulait faire de lui. Au fond, Éric veut lancer l’alerte : ne vous laissez pas avoir par une auto-école qui voudrait vous facturer pléthore d’heures supplémentaires.