Le soudain suicide de Virginia Giuffre, principale accusatrice de Jeffrey Epstein et du prince Andrew
Elle est celle qui a élevé la voix pour mettre en lumière le système Jeffrey Epstein. Virginia Giuffre, 41 ans, comptait parmi les principales plaignantes dans l'affaire d’exploitation sexuelle de mineures qui ébranle depuis juillet 2019 plusieurs personnalités publiques. Elle avait notamment accusé le milliardaire américain qui s’était donné la mort en détention à New York en 2019, de l’avoir utilisée comme «esclave sexuelle» au tournant des années 2000. L’Américano-australienne avait aussi conclu en 2022 un accord de plusieurs millions de dollars avec le prince Andrew, frère du roi Charles III d’Angleterre, qu’elle accusait d’agression sexuelle quand elle était mineure.
Ce samedi 26 avril, ses proches ont annoncé que la mère de famille s’était suicidée chez elle en Australie. Celle qui venait de sortir de l’hôpital après un accident de la route laisse derrière elle trois enfants, Christian, Noah et Emily. «C’est avec le cœur brisé que nous annonçons que Virginia est décédée la nuit dernière dans sa ferme en Australie occidentale», a déclaré la famille dans un communiqué transmis à l’AFP par son agent. «Elle s’est suicidée après avoir souffert tout au long de sa vie des agressions sexuelles et du trafic sexuel» dont elle a été victime. «Il n’y a pas de mots qui puissent exprimer la grave perte que nous ressentons aujourd’hui avec le décès de notre douce Virginia», a déclaré la famille, se souvenant de son «incroyable courage et de son esprit aimant». «En fin de compte (...) il est devenu insupportable pour Virginia de supporter le poids des agressions» subies.
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Tout commence à Mar-A-Lago
Pour comprendre l'histoire, il faut remonter en 1999. Virginia Giuffre a à l'époque 15 ans et travaille au vestiaire du club très sélect de Donald Trump à Palm Beach (Floride) : Mar-A-Lago. C'est là qu'elle fait la rencontre de Ghislaine Maxwell, héritière du magnat de la presse Robert Maxwell. La Britannique, à la coupe garçonne et athlétique, lui propose de pratiquer des massages à un «ami» avec une conséquente contrepartie financière. Candide, l'adolescente accepte volontiers. Le début de l'enfer. Accompagnée par la «rabatteuse», Virginia déclare découvrir un homme allongé, nu, sur le ventre : Jeffrey Epstein. Finalement, la séance de massage dégénère et Virginia Roberts subit son premier viol. Celle-ci devient par la suite l'«esclave sexuelle» de l'influent New-Yorkais et de certaines de ses connaissances pendant trois ans, jusqu'en 2002.
«Même la royauté était impliquée»
Dès 2015, Virginia Giuffre - le signale : elle aurait eu des relations sexuelles avec le prince Andrew alors qu'elle n'avait que 17 ans. Elle explique avoir eu un contact avec lui à trois reprises, à New York, Londres et sur une île privée des Caraïbes détenue par Jeffrey Epstein. Invitée sur le plateau de la chaîne NBC, le 20 septembre 2019, Virginia Roberts raconte l'une de ses rencontres supposées avec le fils cadet de la reine Elizabeth II.
«La première fois à Londres, j'étais si jeune, se souvient l'Américano-Australienne qui situe l'épisode en 2001. Ghislaine m'a réveillée et m'a dit : "Tu vas rencontrer un prince aujourd'hui". Je ne savais pas, à ce moment-là, que j'allais être victime de trafic au profit de ce prince.» Avant de poursuivre : «Cette nuit-là, le prince Andrew est arrivé chez elle, à Londres, et nous sommes sortis au Club Tramp. Andrew m'a donné de l'alcool, c'était dans le carré VIP, et il m'a dit "Allons danser ensemble !", j'ai répondu "O.K.". Puis, nous quittons la boîte de nuit, je monte dans la voiture avec Jeffrey et Ghislaine, et Ghislaine dit : "Il revient à la maison, et je veux que tu fasses pour lui ce que tu fais pour Epstein".»
À deux autres reprises, la principale plaignante de l'affaire Epstein assure ensuite avoir recroisé le chemin de l'ex-époux de Sarah Ferguson. «Je ne pouvais pas croire que même la royauté était impliquée. Il nie que cela soit jamais arrivé, il va continuer à le nier, mais il connaît la vérité, et je la connais aussi», confie Virginia Roberts en 2019, toujours face aux caméras de la NBC.
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Que justice soit rendue
Depuis, Virginia Giuffre a refait sa vie. Elle s’est installée en Australie, s’est mariée à un certain Robert Giuffre, dont elle viendrait de divorcer, et avec qui elle a donné naissance à trois enfants. Mais jamais, elle n’a cessé de chercher à ce que justice soit rendue.
En 2021, elle a ainsi engagé des poursuites contre le prince Andrew. S’il a toujours nié les accusations d’agression sexuelle, le frère du roi Charles III a tout fait pour éviter un procès à New York en lui versant plusieurs millions de dollars. Les termes financiers exacts de l’accord n’ont jamais été dévoilés, mais selon le document judiciaire, le duc d’York «a[vait] l’intention de faire un don important à l’organisation de Virginia Giuffre qui soutient les droits des victimes» d’agressions sexuelles. Empêtré dans le scandale, le prince Andrew a finalement dû se retirer de la vie publique. Il est aujourd’hui perçu persona non grata de la Couronne britannique. Ghislaine Maxwell, quant à elle, a été condamnée à 20 ans de prison en 2022 à New York pour trafic sexuel de mineures.
Malgré tout, Virginia Giuffre restera toujours hantée par ce passé. L’avocate de Virginia Giuffre, Sigrid McCawley, réagit au suicide de son «amie très chère». «Son courage m’a poussé à me battre plus fort, et sa force était impressionnante». De son côté, l’agente new-yorkaise Dini von Mueffling a décrit sa cliente comme «l’un des êtres humains les plus extraordinaires» qu’elle ait connus. «Profondément aimante, sage et drôle, elle était un phare pour les autres survivants et victimes.»