Guerre en Ukraine : la Russie revendique la prise de la ville de New York

La Russie se targue ce mardi 20 août d’une prise symbolique : New York. Non pas la «grande pomme», mais une ville du Donbass ukrainien de 9000 habitants avant la guerre. «Le groupement Centre (...) a libéré Novgorodskoïe (nom russe de New York, NDLR), l'une des plus grandes localités de l'agglomération de Toretsk et centre logistique stratégiquement important», a indiqué le ministère russe de la Défense dans son compte rendu quotidien. Le site cartographique de référence DeepStateMap , pro-ukrainien, confirme en effet la conquête de la majeure partie de la ville. Le reste étant en zone grise, c’est-à-dire en zone de combat. 

La localité, au sud de Toretsk que convoitent les Russes, était fortifiée depuis plus de 10 ans car elle se situe, en effet, à quatre kilomètres seulement de la ligne de front du précédent conflit dans le Donbass (2015-2015), qui était en partie occupé depuis cette date. Mais début juillet, les Russes ont percé les lignes ukrainiennes à New York. Cette opération russe a été permise par une mauvaise rotation entre deux brigades ukrainiennes, observe une source militaire française. «La 116e brigade de défense territoriale qui opérait dans la zone de New York a été envoyée en urgence juguler la crise ouverte à l'ouest de Marinka (plus au Sud, NDLR) et l'état-major l'a remplacée par la 41e brigade mécanisée», explique l'officier supérieur.

Le haut gradé de préciser : «Cette brigade, mise sur pied au printemps 2023, a combattu à Koupiansk et à Chasiv Yar notamment, puis a été retirée du front pour se reposer et se recompléter. Sauf que, face à la tension sur le front, elle n'a finalement pas été envoyée en arrière du front, mais dans le secteur de New York-Toretsk, quasiment immuable depuis le 24 février 2022, le seul de tout le Donbass à n'avoir pas bougé d'un iota depuis l'attaque russe et considéré comme aisé à défendre car reposant sur des fortifications construites et améliorées depuis dix ans». Conscient de «l’état d’épuisement de la brigade», les Russes ont «détecté la manœuvre, toujours délicate, de relève» et ont «attaqué alors que celle-ci n'avait pas son dispositif en mains». Ils avaient déjà agi de la sorte lors de la prise du village d’Ocheretyne, point logistique clé près d'Avdiivka en mai. 

«Lignes de défense de plus en plus friables»

Mardi 6 août, à New-York, l’envahisseur a hissé le drapeau russe en haut du toit de l'école spéciale n°38 «Novgorod», située au nord-ouest de la ville. «J'observe que le bâtiment est en état impeccable. Le toit et les fenêtres paraissent intacts. Ils ont pris l'école sans combattre», notait alors au Figaro le général (2S) Olivier Kempf, qui remarque que, de plus en plus, «les Ukrainiens ne parviennent plus à tenir les zones urbaines», qui favorisent pourtant structurellement le défenseur. Les jours suivants, les Ukrainiens ont brièvement repris le bâtiment, mais sans pouvoir tenir longtemps. 

La ville leur échappe désormais au moins en très grande partie. «Au mieux, il s'agit d'un repli tactique», tranche, inquiet, le chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) qui s'inquiète de l'état des nouvelles lignes de défense établies par Kiev depuis le début de la guerre maintenant que celles de 2014-2015 ont toutes été percées par les Russes. «Plus les systèmes de fortification cèdent, plus les Ukrainiens se replient sur des lignes de fortune qui sont friables», résume Olivier Kempf, qui observe qu'à New York, «il n'y avait rien derrière». Or, à six kilomètres au nord, se trouve la ville légèrement plus grande de Toretsk - 30.000 habitants avant la guerre -. «Si Toretsk tombe, c'est tout le Donbass central qui s'ouvre à la manœuvre russe», craint le général (2S). 

Quant à l’origine du nom de New York, improbable dans cette partie de l’Ukraine, elle remonte à 1859 lors d’un recensement effectué par l’empire russe qui colonisait alors le pays. Deux hypothèses tiennent la corde : soit un entrepreneur local serait revenu des États-Unis et aurait baptisé ainsi sa ville ; soit certains colons mennonites allemands seraient originaires de la ville Jork en Allemagne du nord. En 1951, un oukase (un décret d’État ,NDLR) renomme New-York en Novhorodske. 

En 2021, l’oblast de Donetsk sous contrôle ukrainien la rebaptise une nouvelle fois New-York. La présentatrice de télévision russe, Olga Skabeïeva, porte-voix des vues du Kremlin, avait proposé en 2022 qu’elle se nomme désormais Novogorodskoïe, version russe de Novhorodske. Un nom qu’elle pourrait donc adopter à la suite de sa conquête par les forces du Kremlin.