En Suède, la très stricte législation qui punit le viol
Alors que son nom est associé à une enquête pour «viol» pour des faits survenus le 10 octobre à Stockholm, Kylian Mbappé se dit «d'une sérénité absolue». Par le biais de son avocate, lundi soir sur TF1, la star du football français a indiqué qu’il se soumettra «évidemment», si nécessaire, aux questions de la justice suédoise. Mais «il n'a strictement rien à se reprocher», a insisté Me Canu-Bernard, qui indique que son client va déposer plainte pour «dénonciation calomnieuse».
Officiellement, aucune information quant au lien entre lui et l'enquête n'a filtré. La procureure chargée de l'enquête, Marina Chirakova, a ordonné une perquisition dans la chambre du footballeur, sans toutefois le citer dans son communiqué. «La seule chose que je peux dire, c'est qu'un viol a été signalé», a-t-elle simplement indiqué.
Mais la presse suédoise, elle, assure que le footballeur «a été identifié comme étant l'auteur du crime» par la plaignante. «Une femme s'est rendue samedi dans un service hospitalier pour les victimes de viol afin de se faire soigner et a déclaré avoir été agressée sexuellement par Kylian Mbappé», a déclaré la chaîne de télévision TV4. L'hôtel où a séjourné la star «est désormais répertorié comme scène de crime» selon le quotidien suédois Aftonbladet. Le footballer de 25 ans est considéré «raisonnablement suspect» , soit le degré de suspicion le plus faible prévu par la législation suédoise, en dessous de «probablement suspecté».
La bascule #MeToo
La justice suédoise prend l’affaire au sérieux. D’autant que le royaume scandinave, après avoir été souvent pointé pour son retard sur le sujet, est devenu fer de lance de la pénalisation du viol en Europe. Pendant longtemps, les procureurs suédois devaient, pour prononcer une condamnation, se baser sur une preuve tangible que l'auteur présumé aurait usé de violence, ou que la victime se trouvait dans un état de vulnérabilité flagrant - sous l’effet de l'alcool ou de la drogue.
La vague #MeToo, en 2017, a constitué une bascule. Alors que le mot-dièse né dans le sillage de l'affaire Harvey Weinstein devient viral en Europe et dans le monde, pour dénoncer des abus sexuels d’hommes sur des femmes sans consentement, la mobilisation des organisations féministes en Suède se fait particulièrement forte. Le 8 novembre 2017, 703 actrices, musiciennes et comédiennes suédoises publient une tribune dans le quotidien Svenska Dagbladet (SVD) pour dénoncer «le harcèlement, les agressions et la culture du silence» sur les lieux de tournage.
Dans ce pays présenté comme modèle d'égalité et avant-gardiste dans les droits, les témoignages qui émergent font l'effet d'une bombe. Le gouvernement suédois débloque des fonds spéciaux pour les victimes, et lance un projet de loi. «Les rapports sexuels doivent être volontaires», déclare le gouvernement suédois au moment du vote de cette nouvelle loi, qui sera effective en 2018.
Viol «par négligence»
Cette loi déplace le curseur de responsabilité. Ainsi, depuis le 1er juillet 2018, la passivité n’est plus interprétée comme une acceptation, mais le consentement doit être clairement exprimé, de manière verbale ou physique. Sans cette preuve, toute relation sexuelle sans consentement, qu’il y ait violence ou non, peut être qualifiée de viol. Par ailleurs, la loi de 2018 introduit une nouvelle infraction de viol «par négligence», pour les cas où les tribunaux ont estimé que le consentement n'avait pas été établi, mais que l'auteur n'avait pas l'intention de commettre un viol. Cette infraction est passible d'une peine d'emprisonnement de quatre ans.
Depuis cette loi, le royaume scandinave a vu son nombre de condamnations et de plaintes pour «abus sexuels» - dénomination générale pour désigner tous les crimes à caractère sexuel - bondir en Suède. Entre 2017 et 2019, il a augmenté de 75%. La moyenne des peines fermes est passée de 25,3 à 26,9 mois de prison. Une hausse à laquelle les autorités suédoises ne s’attendaient pas. Le Conseil national de la prévention de la criminalité s’est dit lui-même «surpris» d’une «telle augmentation».
Cette législation n’est pas exclusive au royaume nordique. Le Royaume-Uni, l’Irlande, l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et Chypre considèrent eux aussi les relations sexuelles sans consentement comme un viol. Pour le reste, la plupart des pays européens, dont la France, définissent encore le viol comme un acte sexuel commis avec recours à la violence ou à la menace.