Cette marque de voitures électriques a fait faillite, les propriétaires se retrouvent démunis
C’était l’occasion rêvée de s’offrir un SUV électrique haut de gamme. Lancé fin 2022, avec prix ultra-compétitif (entrée de gamme à 41.900 €), le modèle Ocean de la marque californienne Fisker devait être en mesure de concurrencer Tesla, ce véhicule ressemblant fortement à la model Y de la marque d’Elon Musk. Sauf que le rêve fut de courte durée pour les 12.000 propriétaires ou locataires de cette voiture dans le monde. En juin dernier, la société a fait faillite, n’assurant plus du jour au lendemain le service après-vente de son unique modèle. Fini les changements de pièces défectueuses, les mises à jour logiciel, ou encore la résolution des bugs dans le véhicule : il n’y a plus un seul salarié chez Fisker. Et gare à ne pas débrancher la batterie du véhicule. Sa reconnexion nécessite de réinitialiser la voiture, avec un logiciel développé par Fisker. Mais celui-ci n’est pas accessible en Europe... «Dans ce cas, c’est mort, la voiture devient inutilisable», assure Régis Greishaber, garagiste à Strasbourg.
Le système D
En France, pour ceux qui louaient la voiture via un contrat de leasing, une porte de sortie est prévue. AgilAuto, seule agence qui commercialise des Fisker Ocean à la location dans l’hexagone, propose à ses 26 clients «la reprise des véhicules sans frais de restitution». «Agilauto restitue l’apport initial des clients et leur donne la possibilité de repartir sur un nouveau leasing», précise l’entreprise. La situation «est inédite», admet Agilauto, «puisque avec la faillite du constructeur Fisker, nous avons perdu la garantie du constructeur, habituellement activée si un véhicule rencontre des problèmes mécaniques».
Je vais mettre mes tutos à disposition de garagistes partenaires dans toute la France
Régis Greishaber, garagiste à Strasbourg
C’est là où le système D s’est imposé pour les quelque 160 propriétaires français de Fisker Océan. N’ayant pas accès à cette porte de sortie dorée, Damien Letitre, (mal)heureux propriétaire de l’un des modèles, a créé la Fisker Owners association France (FOAF), en septembre dernier. L’association est l’équivalent local d’une autre structure américaine, née pour faire face à toutes les galères engendrées par la faillite de Fisker. Les 68 membres de la FOAF organisent le service après-vente des Fisker Ocean. Le bouche à oreille, les connaissances des un et des autres, ou encore l’aide d’anciens techniciens de Fisker, leur permet pour le moment, de réussir ce pari périlleux.
Les anciens sous-traitant de Fisker à la rescousse
«Dès que nous avons besoin d’une pièce, nous nous tournons vers les sous-traitants. Ils ont encore du stock ou peuvent produire à nouveau certaines pièces», explique Damien Letitre. «Nous avons profité notamment d’une commande mondiale de 3500 clés de voiture auprès de Chevallier Tech», illustre le fondateur de la FOAF. L’association peut également commander des parebrises à Carglass (le sous-traitant Saint-Gobain les produit toujours), ou encore des pompes de refroidissement à Johnson Controls. Mais tous ne jouent pas forcément le jeu, du moins pas Magna Steyr, sous-traitant automobile basé à Graz en Autriche, qui assemblait les Fisker Ocean en Europe. «Ils veulent nous vendre des pièces très cher, 1500 € pour une clé, quand on les a eues à 300 € auprès de Chevallier Tech», résume Damien Letitre. La FOAF garde également un œil sur les 26 voitures de locations rappelées par AgilAuto, ou encore 60 autres modèles saisis par la Justice auprès de revendeurs. Qui sait, cela pourrait un jour servir à se fournir en pièces détachées.
L’association organise aussi les réparations des véhicules. D’abord, car il faut stocker les pièces récupérées, ici ou là. Dans les Gers, un des adhérents a commandé 7000 euros de pare-brise, simplement pour les mettre à disposition de ceux qui en auraient besoin ensuite. Sauf que les garagistes n’ont pas forcément le savoir-faire pour intervenir sur les Fisker Ocean. En vue de résoudre cette difficulté, Régis Greishaber, le garagiste, entreprend de traduire des documents techniques américains, pour qu’ils soient compréhensibles «dans un langage simple». «J’ai un savoir-faire pour réparer les Fisker, mais un automobiliste de Toulouse ne peut pas venir chez moi à Strasbourg», déplore-t-il. «Je vais mettre mes tutos à disposition de garagistes partenaires dans toute la France», conclut-il.
Dépendance au logiciel Fast
Pour autant, l’autogestion qu’entreprennent ces propriétaires de Fisker, ne permet pas de résoudre tous les problèmes. Qui dit voiture électrique haut de gamme, dit grande dépendance à des systèmes informatiques. La majorité des données nécessaires pour assurer le SAV des voitures, sont stockées sur un serveur qui coûte un million de dollars à faire fonctionner. Ramené au nombre de propriétaires dans le monde, cela ferait à terme un coût individuel de 150 dollars par trimestre. Après tout, si ce n’était que ça... Car la préoccupation principale des propriétaires de Fisker, reste la dépendance au Fast, ce logiciel sans lequel il est impossible de faire les mises à jour de la voiture (indispensable sur le long terme). Pour des raisons de propriété intellectuelle, il est encore impossible d’accéder à ce logiciel et de modifier son code source. En bref, la route est encore longue...