Attentat devant les anciens locaux de Charlie Hebdo : 30 ans de réclusion requis contre l’assaillant

«Le 25 septembre 2020, Zaheer Mahmood s’est rendu rue Nicolas Appert avec la ferme intention de décapiter des blasphémateurs. Ce sont leur nuque et leur visage qu’il a visés dans une violence inouïe.» Ce mardi 21 janvier, le ministère public a réclamé 30 ans de réclusion criminelle assortis d’une période de sûreté des deux tiers ainsi qu’une interdiction définitive du territoire français à l’encontre de Zaheer Mahmood. L’homme de 29 ans est jugé depuis le 6 janvier par la Cour d’assises des mineurs pour avoir attaqué deux jeunes gens à la feuille de boucher à Paris le 25 septembre 2020. 

Lors de ce réquisitoire à deux voix, qui a duré trois heures, des peines allant de 3 à 13 ans de réclusion criminelle ont par ailleurs été requises à l’encontre des cinq autres accusés de ce dossier. Tous pakistanais et âgés de 21 ans et 25 ans, ces derniers comparaissent devant la justice sous la qualification d’«association de malfaiteurs terroriste» pour avoir «motivé et soutenu» Zaheer Mahmood. «Ils se sont pleinement inscrits dans le chemin de haine tracé par Zaheer Mahmood et ont participé à l’engrenage terroriste», insiste l’un des avocats généraux.

Le 25 septembre 2020, Zaheer Mahmood, arrivé en France en 2018, surgit rue Nicolas Appert. «Un lieu hanté par la barbarie», souligne le second avocat général, rappelant que cinq ans et demi auparavant, cette artère du 11e arrondissement a été le théâtre de l’attentat contre Charlie Hebdo, qui a causé la mort de douze personnes, dont huit membres de la rédaction. Le Pakistanais ne sait pas que l’hebdomadaire satirique a déménagé après cet attentat, tout comme «il n’a jamais vu les caricatures du prophète pour lesquelles il va passer à l’attaque», rappelle le ministère public.

Ce vendredi de septembre 2020, il croise la route de Paul* et Hélène*, deux salariés de l’agence Premières Lignes qui fument une cigarette en riant sous le porche du 6, rue Nicolas Appert. Vers 11h40, il sort de son sac une feuille de boucher achetée le matin même à Saint-Denis et attaque les deux jeunes gens, assenant cinq coups à Paul, quatre à Hélène. Puis il prend la fuite, et est interpellé moins d’une heure plus tard dans le métro, à la station Bastille.

«Zaheer Mahmood est venu pour tuer»

Quatre ans et demi après les faits, au palais de justice de l’île de la Cité, Paul, Hélène et leurs proches se retrouvent face à Zaher Mahmood et cinq autres accusés pour une audience de trois semaines. Ce mardi, avant le réquisitoire du ministère public, huit femmes et un homme en robe noire se sont succédé à la barre pour porter leur voix devant la cour d’assises des mineurs. 

«Paul ne se trouvait pas au mauvais endroit au mauvais moment le 25 septembre 2020. Il était là où il devait être, un vendredi matin banal, à fumer une cigarette. C’est bien Zaheer Mahmood qui n’avait strictement rien à faire là», commence Me Alexia Leveillé Nizerolle, l’avocate du jeune homme grièvement blessé lors de l’attaque. 

«Zaheer Mahmood est venu pour tuer. En quelques secondes, il a détruit la vie de plusieurs personnes. À Paul, il a asséné cinq coups d’une violence infinie, qui lui ont valu une boîte crânienne fendue, un cerveau atteint, un visage marqué ad vitam aeternam, une main gauche touchée. Il l’a plongé deux semaines dans le coma. Il lui a imposé 275 jours d’hospitalisation, deux ans de rééducation et un état de stress post-traumatique. Et le pire, c’est qu’il n’était même pas la cible...», poursuit l’avocate.

«Hélène et Paul ne sont pas morts physiquement ce 25 septembre. Ils sont rescapés, échappés, survivants pour toujours. Mais en marquant à quatre reprises la peau d’Hélène, il lui a assigné un statut de victime avec lequel elle se débat encore, quatre ans après les faits», plaide à son tour Me Maud Sobel, le conseil de la jeune femme. «Elle tient debout dans une espèce de douce dignité, mais elle se trouve actuellement hors du monde. Elle est restée coincée en septembre 2020.»

Du procès, ces victimes attendent «une condamnation à la hauteur du préjudice subi», souligne Me Leveillé Nizerolle. Les accusés encourent des peines allant de quinze ans de réclusion (pour les mineurs à l’époque des faits) à la réclusion criminelle à perpétuité (pour Zaheer Mahmood). Ils devraient être fixés sur leur sort jeudi.

*Les prénoms ont été modifiés