Surreprésentation de l’islam, stigmatisation des juifs : la religion prend de plus en plus de place au travail
Comme chaque année depuis 2013, l’Institut Montaigne a publié ce jeudi 21 novembre son baromètre du fait religieux en entreprise. Cette vaste étude, fondée sur les réponses de 1348 cadres et 1401 salariés pratiquants, donne un indicateur efficace de l’évolution de la religion au sein de la société. Si «dans une majorité d’organisations, la présence du fait religieux est encadrée et gérée sans difficultés importantes», note l’auteur du rapport Lionel Honoré, «les dysfonctionnements, les tensions et les conflits se concentrent dans une minorité d’entreprises qui augmente».
Le premier enseignement global est d’ailleurs clair : les situations marquées par le fait religieux dans un environnement de travail sont en hausse importante par rapport à 2022, puisque 71,3% des personnes interrogées en ont été témoins, contre 66,7% il y a deux ans. Soit le plus haut total depuis la mise en place du baromètre.
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Si ces faits et comportements sont «multi-religieux», «l’islam est la religion la plus représentée», précise le rapport, qui évoque sa présence dans 81% des situations, contre 73% en 2022. En léger retrait, le catholicisme est, lui, présent dans 19% des cas, et les cultes évangéliques dans 16%. Cette surreprésentation de la religion musulmane se traduit dans le port de signes religieux, en très forte progression (36% en 2024 contre 19% en 2022). À l’échelle globale, le port ou la présence visible de signes religieux en entreprise atteint aussi 36%, contre 21% en 2022. Il s’agit du fait religieux observé au travail le plus fréquent, devant les absences et aménagements du temps de travail (27%, comme en 2022).
La place de l’islam en nette croissance
Le comportement négatif vis-à-vis des femmes est également cité comme une conséquence importante des faits religieux observés au travail. Il se caractérise généralement par le refus de serrer la main des salariées et de travailler avec ou pour des femmes. En 2024, 15% des salariés interrogés ont été témoins de tels comportements, contre 13% en 2022. Et selon le baromètre, «les faits et comportements négatifs à l’égard des femmes ne se retrouvent que parmi les faits religieux musulmans». Plus globalement, «s’il existe des faits transgressifs dans chaque religion, ceux-ci occupent une place plus importante dans l’ensemble des faits musulmans».
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En revanche, les salariés musulmans sont significativement les plus stigmatisés à l’embauche. Pour ce processus, 71% des situations de discrimination repérées concernent des personnes musulmanes, indique l’étude de l’Institut Montaigne. Les comportements religieux associés à l’islam sont d’ailleurs beaucoup plus souvent perçus négativement et comme perturbateurs que ceux des autres religions.
Mais les salariés qui constatent la plus forte dégradation de leurs conditions de travail sont les juifs. Le judaïsme est ainsi repéré comme la religion la plus souvent concernée par les situations de stigmatisation et discrimination fréquentes (15%) ou occasionnelles (23%). Ces deux chiffres sont en forte hausse par rapport à l’enquête de 2022 (respectivement de 2% et 13%). Dans le détail, la stigmatisation à l’encontre des personnes de confession juive a particulièrement progressé par rapport à 2022, passant de 16% à 32%.
Âge et qualification
Le baromètre de l’Institut Montaigne prouve également que la manifestation de faits religieux au travail est avant tout une question d’âge. Ainsi, la grande majorité des situations (79%) implique des personnes de moins de 40 ans. Plus précisément, la tranche 26-30 ans est la plus concernée (23%) à égalité avec la tranche 31-35 ans, suivie de près par celle des 20-25 ans (18%). «Il apparaît que les salariés pratiquants les plus âgés expriment moins leur religiosité au travail», souligne l’étude. Les cas de comportements négatifs vis-à-vis des femmes, imputés exclusivement aux salariés musulmans par le rapport, sont par exemple significativement présents avant 35 ans puis se raréfient rapidement à partir de 35-40 ans.
Enfin, comme en 2022, l’enquête démontre également que plus le niveau de qualification augmente, moins le fait religieux est présent. Ainsi, les catégories professionnelles «ouvriers» et «employés» représentent respectivement 35% et 42% du total.