«Ce n’est pas constitutionnel» : Donald Trump pouvait-il se passer du Congrès pour frapper l’Iran ?

Donald Trump avait-il le droit de mener son opération dans le plus grand secret, sans même en informer le Congrès ? Les paris sont ouverts : à peine quelques heures après l’annonce des frappes jugées «très réussies»  par le président lui-même, plusieurs élus américains ont dénoncé une action «inconstitutionnelle».

«Le président Trump a induit le pays en erreur sur ses intentions, il n’a pas cherché à obtenir l’autorisation du Congrès pour l’usage de la force militaire et risque d’engager les Américains dans une guerre potentiellement désastreuse au Moyen-Orient», a notamment fustigé le chef des Démocrates à la Chambre des Représentants Hakeem Jeffries sur X (ex-Twitter). Côté Républicain aussi, le cavalier seul de Donald Trump, qui a appuyé sur le bouton alors qu’il avait annoncé se laisser deux semaines de réflexion, a du mal à passer. «Ce n’est pas constitutionnel», a estimé Thomas Massie, membre de la Chambre des Représentants (Kentucky) dans un post laconique également publié X.

«Urgence nationale provoquée par une attaque» ?

Qu’en est-il réellement ? Le président s’est-il arrogé des pouvoirs que la Constitution ne lui confère pas ? La question n’est en réalité pas tout à fait tranchée. En principe, le Congrès doit voter, puisque l’article 1er de la Constitution prévoit qu’il lui revient de «déclarer la guerre». Pour faire entrer les États-Unis en guerre lors des deux Guerres mondiales, les présidents Woodrow Wilson (1917) et Franklin D. Roosevelt (1941) se sont tous les deux présentés devant les représentants et sénateurs américains pour obtenir leur accord.

Toutefois, l’article 2 de la Constitution fait, lui, du président des États-Unis «le commandant en chef des forces armées américaines». Dans l’histoire, cette disposition a beaucoup été utilisée par les chefs de l’État pour court-circuiter le Congrès. Mais la guerre du Vietnam a marqué un tournant. Malgré le véto du président de l’époque Richard Nixon, les parlementaires, agacés de ne pas être consultés systématiquement, ont voté en 1973 la «War Powers Resolution» pour encadrer le recours à la force du simple chef du président. Selon cette loi, seule une «urgence nationale provoquée par une attaque contre les États-Unis, ses territoires, ses possessions ou ses forces armées», peut justifier que le président, par manque de temps et pour agir le plus efficacement possible, peut décider d’engager son pays dans des frappes.

Mais certains présidents ont pu avoir une conception pour le moins extensive de cette disposition. En janvier 2020, Donald Trump lui-même l’avait utilisée pour légitimer l’élimination par drone du général iranien Qassem Soleimani à Bagdad en Irak, sans passer par le Congrès, et sans prouver que la sécurité du territoire américain était directement mise en jeu. Il est donc possible qu’il utilise le même argument après les frappes cette nuit sur l’Iran, alors qu’il expliquait encore ce week-end que Téhéran était «très proche» d’obtenir la bombe nucléaire.

Le vote du Congrès nécessaire passé 60 jours d’intervention militaire

La latitude laissée au président par la Constitution a toutefois des limites. En cas d’absence de vote du Congrès, la «War Powers Resolution» prévoit explicitement que l’opération menée par le président ne pourra pas se poursuivre au-delà de 60 jours. Et pendant ce laps de temps, le Congrès a le pouvoir de demander au président d’arrêter les frappes avant l’expiration du délai. Seules de rares exceptions ont été constatées dans l’histoire, notamment en 2001. Le 18 septembre, sept jours après les attentats ayant fait plus de 3000 morts sur le sol américain, une autorisation particulière avait été accordée, appelée «Autorisation for Use of Military Force Against Terrorists», pour permettre à George W. Bush d’avoir les mains libres pour utiliser toute la «force nécessaire et appropriée» contre ceux qu’il considérait avoir «planifiés, autorisé, commis ou aidé» les attentats du 11 septembre.

S’il est possible que le président américain soit chahuté par certains élus pour avoir fait fi de leur avis, son intervention ne semble donc pas se heurter frontalement aux dispositions constitutionnelles américaines. En revanche, Donald Trump ne pourra pas continuer ses frappes indéfiniment. Sans doute cela peut-il laisser à la population américaine la maigre assurance ne pas revivre les fiascos en Irak ou en Afghanistan.